Les députées ont adopté le 6 octobre à l’unanimité la proposition de loi pour l’instauration d’un prix plancher pour la livraison de livres achetés en ligne. Elle vise à mettre fin à la concurrence déloyale entre les grandes plateformes telles qu’Amazon et les librairies indépendantes.

Le prix unique battu en brèche par les frais de port

La proposition de loi de la sénatrice LR Laure Darcos a mis tous les parlementaires d’accord. Elle a été adoptée par la chambre haute du Parlement en juin, puis par la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale fin septembre et enfin par l’ensemble des 58 députés qui ont pris part au scrutin le 6 octobre.

À la tribune de l’Assemblée nationale Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, a approuvé cette mesure au nom du gouvernement. Elle a salué le « soutien apporté à nos librairies, au rétablissement d’une juste concurrence sur le marché du livre ».

La loi vise à rétablir la réalité du prix unique du livre, mesure votée en 1981. Une personne vendant un livre doit fixer un prix respecté par l’ensemble des détaillants, avec une marge de 5% pour les remises de type carte de réduction. Le message est simple, le livre ne doit pas être considéré comme un produit commercial comme un autre.

Problème, avec l’arrivée des services de vente en ligne ce prix unique serait de plus en plus malmené. Amazon, mais aussi la Fnac, Leclerc, Gilbert et autres utilisent les frais de livraisons pour contourner la loi en vigueur.

Ils coûtent généralement une somme modique, un centime seulement sur Amazon. Pour le Syndicat de la librairie français, la compétition est intenable. Une librairie indépendante ne disposant pas de la logistique d’une grande plateforme a un coût d’envoi difficile à réduire. Le syndicat l’estime entre 6,50 euros et 7 euros.

Des employés d'Amazon travaillent dans un entrepôt.

Les libraires indépendants désarmés face à la logistique des grandes plateformes. Image : Amazon

Les libraires sont obligés de rogner sur des marges fragiles ou faire fuir le public avec des frais de port rédhibitoire. Un choix « cornélien et mortifère » selon la rapporteuse de la commission des affaires culturelles à l’Assemblée nationale, Géraldine Bannier. L’expédition à domicile représente environ 20% des livres vendus, un marché non négligeable qui échappe ainsi aux libraires.

Un risque pour l’accès du grand public aux livres ?

En fixant un prix plancher à la livraison, l’objectif est de rendre les librairies indépendantes plus compétitives sur ce segment du marché. Géraldine Bannier évoque également la possibilité de favoriser le click and collect, non concerné par le prix plancher, ou le déplacement des consommateurs dans les commerces de proximité.

Toutefois la rapporteuse admet que cette « mesure constitue un véritable pari ». Elle note que « tout dépendra du tarif que le pouvoir réglementaire définira : trop faible, il n’aiderait pas les librairies et ne saurait modifier le marché ; trop élevé, il favoriserait un report vers le marché physique, mais au prix, sans doute, d’une perte sèche pour l’ensemble de la filière ».

D’ici deux ans à compter de la mise en œuvre du texte le gouvernement sera chargé de remettre au Parlement un rapport détaillé sur l’effet réel de la mesure. Il s’agira de s’assurer des effets de la loi sur le marché du livre, le réseau de détaillant et surtout l’accès du grand public à l’achat de livre.

Une note d’espoir pour le succès de la mesure, Le Monde rappelle que lorsque l’État a pris à sa charge les frais de livraison des librairies en novembre et décembre 2020, pour cause de pandémie, les ventes en ligne de ces dernières ont été multipliées par cinq.