Aujourd’hui, l’industrie de la mode s’est engagée dans de profondes mutations technologiques afin de répondre à des consommateurs toujours plus connectés et adapter ses outils aux nouvelles demandes du marché. Un changement d’état d’esprit nécessaire face aux nouveaux enjeux écologiques, sociétaux et économiques qui se profilent. Riche d’un savoir-faire exceptionnel, l’industrie de la mode doit également se réinventer pour allier tradition et innovation. Comment réussira-t-elle à adopter une démarche d’innovation sans faire de compromis sur la créativité, l’émotion et la magie qui constituent son ADN ?

Digitaliser une industrie traditionnelle

S’il est vrai que dans l’industrie de la mode la transformation digitale est arrivée plus tardivement que dans d’autres industries, on peut supposer que les traditions et le savoir-faire qui la distinguent aient pu constituer un frein. Des barrières en passe d’être levées puisque l’industrie de la mode, consciente qu’elle devait concilier héritage et innovation pour se tourner vers l’avenir, semble bien décidée à rattraper son retard. Aujourd’hui, la plupart des acteurs du secteur ont été sensibilisés à la valeur ajoutée de la transformation digitale et admettent les bénéfices de l’analyse des données qui permet de mieux connaître ses consommateurs ; de la suppression des tâches chronophages et sans valeur ajoutée au profit de la créativité ; de la valorisation de l’intelligence sensible et créative de l’humain ; des gains en agilité et de la réduction du time to market ; de produire moins mais mieux en étant dans le prédictif et dans l’analyse plus fine ou encore de limiter les invendus, d’une réduction des quantités inutiles et d’un meilleur cadrage des collections.

Toutefois, nous constatons encore quelques réticences à intégrer l’innovation au sein des processus créatifs. La peur de voir l’humain remplacé par la technologie, l’appréhension de perdre ses repères et la perte de temps que cela pourrait potentiellement engendrer constituent encore des obstacles. Des craintes auxquelles s’ajoutent la méconnaissance technologique et la difficulté à se repérer parmi toutes les solutions existantes. Les logiciels et nouveaux outils digitaux sont souvent perçus comme trop chers et difficiles à maîtriser. Ainsi, malgré les bénéfices évidents de la digitalisation, trop peu d’entreprises se sont encore saisies de ces opportunités d’innovation.

Concurrencer une nouvelle génération de marques

Aujourd’hui l’industrie traditionnelle de la mode est de plus en plus challengée par une nouvelle génération de marques, et notamment des DNVB (Digital Native Vertical Brands). Nées sur Internet, ces marques indépendantes axées sur la connaissance du consommateur et de ses besoins grâce à l’intégration et à l’analyse de la data, insufflent une nouvelle culture de la mode. Leur ouverture d’esprit aux problématiques sociétales et environnementales, leur agilité à tester, changer, s’ajuster, leur volonté de donner du sens et de remettre le consommateur au centre de leurs préoccupations marquent une vraie différence.

Cette influence positive apporte de nouveaux visages (RIHANNA – JACQUEMUS – VIRGIL ABLOH – KIM JONES) et propose une vision et des usages inédits dans les Maisons, où la tradition était sacrée, prouvant ainsi que la modernité peut être l’alliée d’un riche héritage. Aussi, pour faire face à l’émergence de nouveaux business models créatifs, il est urgent pour l’ensemble de l’industrie de la mode de reconsidérer et de redéfinir la créativité, les organisations, les processus créatifs et les métiers.

L’innovation au sein des organisations et des métiers

Dans le contexte actuel de la crise de la Covid-19, les acteurs du secteur font face plus que jamais à la remise en question de leur chaîne de valeur. Comment passer d’une temporalité longue, traditionnellement adoptée par l’industrie, à une temporalité courte ? Considérer le client comme une finalité et non plus comme un point de départ ? Trouver de nouvelles méthodes, plus agiles, flexibles, plus éco-responsables pour concevoir les collections, les désaisonnaliser afin de mieux les adapter aux besoins réels des consommateurs ? Trouver un juste équilibre entre le produit qui a du sens et le juste prix ?

Pour répondre à ces problématiques de fond, mises en exergue par la crise, l’industrie de la mode a dû mettre en place des outils de création, de collaboration, de production, et réfléchir à de nouvelles missions au sein de ses organisations. Il est désormais nécessaire pour les acteurs de la mode d’enclencher une dynamique technologique qui leur permettra de disposer de solutions plug and play plus faciles d’utilisation, d’outils adaptés à la création, pouvant même intégrer des fonctionnalités « ROIste » ou d’optimisation du temps et de marge.

La tâche est cependant ardue dans une industrie où la créativité et le savoir-faire constituent des notions fondamentales, voire sacrées. S’il est vrai qu’aujourd’hui la créativité s’est affranchie de la formation académique pour se nourrir de l’intelligence émotionnelle, de l’observation sociétale et de l’innovation, le savoir-faire traditionnel, la sensibilité au produit et la qualité des matières, doivent être quant à eux préservés. Ces valeurs, qui constituent l’ADN de la mode, auront néanmoins tout à gagner à s’enrichir de nouveaux prérequis tels que l’écoconception, le collaboratif, la technologie, le digital et la data.

Des processus créatifs qui repensent leur approche

Avant tout, il convient de repenser la créativité sous différents prismes, car celle-ci diffère selon la culture, le business model et le time to market de l’entreprise. Pour une marque de Fast fashion ou de Mass market, la créativité, adossée à l’innovation, devient un puissant levier pour rééquilibrer la surproduction et la surconsommation. Avec la mise en place d’un développement produit plus modulaire, plus responsable, on peut produire mieux avec moins en s’appuyant sur le prédictif, le design et le prototypage 3D permettent de mieux tester, d’ajuster en temps réel et de réduire les coûts associés. Dans le secteur du luxe, qui repose par définition sur un savoir-faire d’excellence, l’innovation peut aussi avoir un rôle à jouer, en permettant par exemple de diminuer les tâches sans valeur ajoutée et laisser libre cours à la création. Mais elle devra se faire au service de la tradition et de la créativité.

Des évolutions métier pour servir le nouvel écosystème de l’industrie de la mode

Tout l’enjeu pour les acteurs de la mode sera donc l’intégration de l’innovation et de la data dans les processus créatifs. Et parce que la créativité est intimement liée à l’expérience produit et à l’expérience client, les métiers et les formations traditionnels de la mode vont devoir se réinventer pour se doter d’une vision plus globale, plus expérientielle, davantage centrée sur le client. Les professionnels du marketing devront quant à eux intégrer la sensibilité au produit, à la matière, à l’esthétique, avec pour conséquence l’apparition de profils hybrides, entre créativité et marketing, qui allient sensibilité et expertise digitale.

Repenser la créativité, les solutions, les métiers et les missions associées signifie briser les silos qui desservent l’industrie de la mode et nuisent à la communication entre les collaborateurs. L’ouverture s’impose comme l’un des challenges de l’industrie de la mode. L’avenir consistera à renforcer les interactions entre métiers : créatifs et marketing, data scientist et stylistes ou chefs de produits, stylistes et modélistes, chefs de produits et stylistes… Et pour faciliter ces interactions avec les collaborateurs, replacer le collaboratif et la transparence au cœur des processus en s’aidant d’outils collaboratifs de type PLM (Product Lifecycle Management) est essentiel.

Les évolutions des processus, des organisations et des métiers serviront avant tout à la création d’un nouvel écosystème de l’industrie de la mode avec plus d’ouverture, de transparence, de traçabilité, de collaboration, d’innovation, de sens et de responsabilité.

Évolution n’est pas une révolution, c’est un espoir

L’adoption des nouvelles technologies, du digital et de l’innovation dans la mode n’est donc pas opposée à la conservation du savoir-faire traditionnel, au contraire elle permet de le revaloriser et de l’enrichir. Néanmoins, cette transformation technologique doit être intégrée, subtilement, elle requiert un accompagnement et les conseils d’experts. L’avenir de la mode se construit aujourd’hui sur une alliance gagnante entre savoir-faire traditionnel revalorisé et innovation continue.