Pour bon nombre de personnes, la pandémie a profondément modifié la façon de travailler et d’appréhender son métier. Le télétravail a connu un bon exceptionnel, et de plus en plus de salariés envisagent une reconversion. Après plus d’un an de Covid-19, Microsoft, en partenariat avec LinkedIn, vient de sortir un rapport sur le travail hybride. Cependant, il ne concerne que ses propres travailleurs, à travers plusieurs enquêtes internes. Le géant américain compte tout de même plus de 180 000 employés dans le monde, répartis dans plus de 100 pays. Il en ressort que le travail hybride est destiné à être la nouvelle norme.

Pour réaliser cette étude, Microsoft a notamment utilisé son réseau « d’écoutes permanentes ». Pas d’inquiétude, malgré le nom, il ne s’agit pas de surveillance. C’est un réseau par lequel l’entreprise interroge ses employés. Par exemple, chaque jour, est menée une enquête auprès d’un échantillon aléatoire de 2 500 employés dans le monde sur une série de sujets. « Ces enquêtes nous ont permis […] d’entendre directement les employés nous dire ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas », explique l’entreprise dans l’introduction.

Microsoft distingue deux grandes tendances

Il paraît évident que le télétravail ne va pas disparaître, mais devenir de plus en plus courant. Des entreprises s’organisent en conséquence et certaines proposent déjà un modèle de travail hybride. Ce type d’organisation consiste à travailler quelques jours, ou heures, depuis le bureau, et le reste à distance. La multinationale américaine se veut précurseur dans ce domaine, en le généralisant, et en le facilitant. Ce modèle est, selon elle, le futur.

Deux grandes tendances ressortent de cette étude. Il y a tout d’abord ce que le PDG de Microsoft, Satya Nadella, appelle le « paradoxe hybride ». Il le résume en expliquant que « la réussite du passage au travail hybride dépendra de la prise en compte du « paradoxe hybride », selon lequel les gens veulent avoir la possibilité de travailler de n’importe où, mais ont aussi besoin de plus de contacts en personne ». 12% des employés de l’entreprise citent notamment l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée comme une raison de venir au bureau. Cependant, 59% l’identifient comme une raison de rester à la maison.

Ces données semblent contradictoires. Pour certains, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est une raison de plus de travailler à la maison, alors que pour d’autres, c’est une raison d’aller au bureau. Ces employés ont le même objectif. Toutefois, ils souhaitent travailler différemment. Voilà un exemple du paradoxe hybride.

L’autre grande tendance, est ce que les employés de LinkedIn nomment le « grand remaniement ». Ces termes désignent le bouleversement que connaît le monde du travail, et la réorganisation que les entreprises doivent faire pour s’adapter. Le but de cette étude est de fournir des données précises sur le travail hybride, ce qu’il implique pour l’entreprise, et les attentes des employés. Le tout afin que les sociétés du monde entier puissent s’en inspirer. Microsoft explique que ce que vit l’entreprise et ses employés est « un microcosme potentiel de ce que d’autres peuvent vivre ».

Graphique sur les raisons de travailler depuis chez soi ou depuis un bureau

Capture d’écran d’un graphique de Microsoft montrant les raisons les plus courantes invoquées par les employés pour travailler depuis le domicile ou depuis le bureau.
Image : Microsoft.

Le « nouveau contrat social » de Microsoft

L’une des conséquences du travail hybride est aussi l’apparition d’une nouvelle relation employé – employeur. La firme va jusqu’à parler de « nouveau contrat social ». Pour elle, les managers auront un rôle particulier et important dans ce nouveau monde du travail. C’est en partie eux qui vont faire que les employés se sentent bien, ou non.

À l’image du monde d’avant crise, les écarts entre les attentes des employés et celles des managers risquent de créer des conflits. Bien évidemment, Microsoft propose une solution qui tient en un mot : communication. Ainsi, elle révèle que « 97 % des employés qui ont eu une discussion avec leur manager sur la façon dont ils travaillent le mieux disent que leur manager soutient le style de travail qu’ils souhaitent ». Ce qui est 7% de plus que chez les employés qui n’ont pas eu de telles discussions.

Chaque salarié ou presque a une façon différente de travailler. Pour la firme, s’adapter à ces différents styles est la clef pour que les employés soient plus productifs. C’est là une constante dans l’étude ; bien-être égal productivité. Pour le membre des GAFAM, le paradoxe hybride et le grand remaniement « offrent aux organisations l’opportunité de créer de nouvelles normes de travail qui conduisent non seulement à un plus grand épanouissement des employés mais aussi à de meilleurs résultats commerciaux ». Derrière cette volonté de prendre soin de ses travailleurs, se trouve donc aussi le souhait d’obtenir de meilleures performances.

Ce rapport est également l’occasion de voir le rôle essentiel des managers. Maintenant que le travail hybride se développe, les employés se tournent de plus en plus vers leurs supérieurs hiérarchiques directs pour savoir comment travailler, où, et comment se comporter.

Participer au bien-être des employés

Les employés ont aujourd’hui des attentes différentes. Ils ne veulent pas tous être à la même fréquence au bureau où en télétravail. Chez les jeunes salariés français, 27% souhaiteraient un modèle de travail hybride avec plus de temps à domicile qu’au bureau. Face à cela, les entreprises, d’après le rapport, doivent donc s’adapter. Mais la très grande majorité n’est pas préparée à ce modèle. Ne serait-ce qu’en termes d’équipements. Ainsi, directement ou indirectement, le risque d’avantager les employés présents au bureau est là.

Cette analyse est l’occasion pour Microsoft de mettre en exergue quelques mesures prises pour faciliter le travail hybride, « nous formons les managers à modéliser la flexibilité, […] à agir comme un coach, en aidant les employés ». Il doit permettre aux employés de travailler de la manière qu’ils souhaitent. À travers le modèle hybride et les managers, l’entreprise américaine veut mettre l’accent sur la confiance et le bien-être des travailleurs. Une préoccupation en phase avec l’époque actuelle, puisque le bien-être devient un point vital dans l’exercice d’un métier. Cela doit permettre aux entreprises de garder leurs employés, et leurs talents.

D’après une étude du Centre Inffo de février 2021, 47 % des actifs sont en pleine reconversion ou envisagent de le faire en France. « En apprenant à travailler différemment au cours des 18 derniers mois, les employés ont repensé non seulement comment, quand et où ils travaillent, mais aussi pourquoi », ajoute Microsoft, consciente que les travailleurs donnent de plus en plus d’importance au sens de leur travail. Le travail hybride, lui apparaît comme une solution pour répondre aux attentes des employés.

D’après ce rapport de Microsoft et LinkedIn, le travail hybride est appelé à devenir la norme. Il répond aux différentes attentes des salariés, et améliore ainsi leur bien-être. Ceci a également pour conséquence la diminution des chances de reconversions des employés.

Graphique sur les attentes des employés et des managers de Microsoft sur leurs présences au bureau

Capture d’écran d’un graphique montrant que les employés de Microsoft compte venir au bureau plus souvent que ce que les managers attendent d’eux. Image : Microsoft.

Les défauts du travail hybride

Toutefois, comme le pointe l’étude, la mise en place d’un tel modèle est difficile. Outre l’aspect matériel (équiper les salles de réunion pour la visioconférence), les entreprises font face à des aspirations différentes d’un employé à l’autre. C’est le paradoxe hybride. Aux sociétés et à leurs managers d’y répondre en s’adaptant. Mais cela a un coût, et employés comme employeurs ne peuvent pas tous s’équiper et s’organiser pour du travail hybride. D’autres ne sont pas favorables à un tel modèle, ou craignent des abus.

Parmi les entreprises qui ne souhaitent pas recourir au télétravail, et le moins possible au travail hybride, il y a Apple. La marque à la pomme était en conflit avec une partie de ses salariés. Certains demandent un télétravail permanent. Mais la direction ne veut rien entendre, et réclame un minimum de 3 jours de présence au bureau. Pour accorder de nouveaux jours de télétravail, elle demande même des certificats médicaux. Mais les salariés ne cèdent pas, arguant qu’après un an de télétravail, la productivité n’a pas baissé. Même son de cloche chez Microsoft. En juin 2021, ses employés affirmaient à 77% que leur productivité n’avait pas changé par rapport à 2020.

Aussi, quid des salaires des employés en travail hybride ? Le niveau de vie en ville n’est pas le même qu’à la campagne. Or, en optant pour une majorité de télétravail, certains pourraient déménager et quitter la ville pour des zones plus rurales. Des zones où le coût de la vie et de l’immobilier serait moins élevé. De plus, les dépenses sont parfois réduites avec le télétravail (transport et repas à l’extérieur ne faisant plus partie des dépenses journalières). Conscientes de tout cela, des sociétés comme Google envisagent de diminuer le salaire de ceux qui opteront pour du télétravail. Une baisse qui pourrait atteindre 10 à 15 %.

Google a mis en ligne un calculateur permettant d’estimer les effets d’un éventuel déménagement professionnel. Lorsque le lieu de travail n’est plus son bureau dans les locaux de l’entreprise mais un lieu d’où l’on travaille à distance, le calculateur propose de revoir la rémunération. D’après Reuters, LinkedIn, pourtant favorable au télétravail comme le montre l’étude, envisagerait aussi une telle politique salariale. La généralisation du modèle de travail hybride est plus difficile qu’il n’y paraît, et ne se fera donc pas sans heurts.

Par le biais de son étude, Microsoft avance que cette organisation va inévitablement se développer. Le travail hybride répond à bon nombre de problématiques actuelles. Les employés remettent en question leurs métiers, et sont plus que jamais à la recherche de leur bien-être. Ils ne souhaitent plus seulement venir travailler au bureau, mais de plus en plus à distance, pour diverses raisons. Toutefois, tous les travailleurs n’espèrent pas atteindre ces mêmes buts de la même manière. C’est ce que Satya Nadella qualifie de paradoxe hybride. Le modèle de travail hybride permettrait de répondre aux différentes attentes des employés. Cependant, la transition vers cette organisation n’est pas facile pour toutes les entreprises, et certaines n’y sont tout simplement pas favorables. Ce modèle pose aussi plusieurs questions, comme celle du niveau des salaires des personnes en télétravail. Sans oublier que les solutions proposées par Microsoft ne sont fondées que sur des enquêtes internes. Il ne faut donc pas faire une généralité des conclusions de l’entreprise sur ce modèle hybride.