Dans sa dernière étude intitulée « Hidden workers: untapped talent », la Harvard Business School s’intéresse à un phénomène assez stupéfiant constaté depuis quelques années. L’étude cherche à comprendre pourquoi, malgré le fait que les entreprises cherchent désespérément à embaucher (comme Amazon qui vient d’annoncer des milliers de recrutement dans le monde), des millions de personnes passent sous les radars des logiciels chargés de trier les candidatures.

En 2021, le recrutement n’a jamais été aussi tendu

C’est une petite musique à laquelle nous commençons à nous habituer. Les entreprises ont de plus en plus de mal à recruter, et la difficulté augmente avec la spécialisation des métiers. Si ce phénomène est bien réel, la Harvard Business School a voulu comprendre pourquoi. Le recrutement est un véritable défi pour les entreprises qui peut même mettre en péril leur compétitivité et leurs perspectives de croissance si elles ne trouvent pas les bons profils.

La situation du recrutement n’a jamais été aussi paradoxale : les entreprises n’arrivent pas à recruter, certes, mais dans le même temps, des millions de personnes cherchent aussi à se faire embaucher. Selon les résultats de l’étude, ces personnes passent « sous les radars » de la plupart des entreprises, en raison des processus mêmes que ces entreprises utilisent pour dénicher des talents. Alors, pourquoi les entreprises négligent-elles systématiquement de grands réservoirs de talents ? Quels changements les entreprises devraient-elles apporter pour tirer parti de ces talents ?

La Harvard Business School a réalisé une enquête auprès de 8 000 « travailleurs cachés » qui ne trouvent pas de travail et plus de 2 250 cadres aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne, chargés de recrutement. Les résultats de l’étude mettent en lumière une situation qui s’est aggravée en raison de la pandémie, mais qui, en fait, existe bien depuis plusieurs décennies. Les chercheurs précisent que l’expression « travailleur caché » ne vise évidemment pas à suggérer que ce sont que les travailleurs qui se cachent et souhaitent ou cherchent activement à rester exclus de toute considération en matière d’emploi. C’est loin d’être le cas.

Pourquoi les « travailleurs cachés » passent-ils sous les radars ?

L’étude montre que beaucoup de ces travailleurs veulent travailler et recherchent activement un emploi. Ils éprouvent de la détresse et du découragement lorsque leurs efforts réguliers de recherche d’emploi échouent systématiquement en raison de processus d’embauche qui se concentrent sur ce qu’ils n’ont pas : des diplômes. Plutôt que sur la valeur qu’ils peuvent apporter, comme des compétences qui répondent très souvent aux postes recherchés.

Les chercheurs de la Harvard Business School ont identifié que les « travailleurs cachés » se répartissent en trois grandes catégories : ceux qui occupent un ou plusieurs emplois à temps partiel, les chômeurs de longue date, mais à la recherche d’un emploi et ceux qui ne travaillent pas et qui ne cherchent pas d’emploi. Aux États-Unis, il y aurait plus de 27 millions de « travailleurs cachés ». Selon l’étude, l’automatisation de certains aspects du processus de recrutement, tels que la notation automatique des candidats et la planification des entretiens, contribue à ce phénomène. À ce propos, TikTok développe actuellement un outil pour automatiser les processus de recrutement.

Comme 90 % des recruteurs interrogés utilisent des logiciels d’intelligence artificielle pour filtrer ou classer initialement les candidats potentiels, les « travailleurs cachés » n’ont quasiment aune chance. Les chercheurs expliquent que ces systèmes sont intéressants, mais ils sont surtout conçus pour maximiser l’efficacité du processus. Ils conduisent à se minimiser le nombre de candidats. Les personnes qui ne répondent pas aux critères, notamment au niveau des diplômes, ne sont quasiment jamais retenues dans les étapes qui suivent la phase de recrutement.