Un récent rapport de Bloomberg revient sur l’acquisition furtive de GIPHY réalisée par Facebook en mai 2020. À l’époque, John Borthwick, le CEO de GIPHY, déclarait que : « tout est allé très vite ». Selon l’enquête, ce rachat est volontairement passé sous les radars des régulateurs antitrust. L’acquisition fait justement l’objet d’une récente plainte déposée par la Commission fédérale du commerce des États-Unis.

GIPHY et Facebook se sont accordés pour ne pas déclarer le rachat

En mai 2020, Facebook rachetait GIPHY pour 400 millions de dollars sans en informer les autorités de réglementation de la concurrence. C’est une pratique répandue dans le monde de la tech au moment des rachats. Au moment du rachat, Facebook faisait justement l’objet d’une enquête des autorités antitrust. Le géant des réseaux sociaux a précisément réalisé avec GIPHY ce que les autorités lui reprochaient : acquérir des entreprises afin de les éliminer en tant que menaces potentielles pour renforcer son pouvoir de monopole.

Cette acquisition a été réalisée grâce à une manœuvre assez courante, et légale, qui permet aux entreprises d’éviter l’examen des autorités de régulation. Des dividendes ont été versés aux investisseurs pour réduire la valorisation de l’entreprise et ainsi permettre à Facebook d’atteindre un montant de rachat suffisamment faible pour éviter de devoir le déclarer. C’est malin, mais cela n’est pas passé inaperçu. Quelques semaines après le rachat, la CMA (Competition and Markets Authority) ouvrait une enquête pour comprendre si Facebook avait enfreint une loi antitrust.

Les systèmes antitrust ne sont plus adaptés aux acquisitions actuelles

De telles manipulations rendent les transactions difficiles à contrôler pour les régulateurs. Cela soulève notamment une question fondamentale sur le système de surveillance antitrust : a-t-il besoin d’être révisé pour faire face aux entreprises dominantes ? Le simple fait que Facebook fasse cela en pleine enquête antitrust est une véritable provocation. Selon Thomas Wollmann, professeur d’économie à la Booth School of Business de l’université de Chicago : « c’est un peu comme ce qui se passe si le commissariat de police fermait à 17 heures, c’est à ce moment-là que tous les crimes commencent ».

Les chercheurs spécialisés sur la question affirment avoir des preuves que certaines entreprises manipulent les acquisitions pour éviter de notifier les régulateurs. Sur 22 000 acquisitions effectuées entre octobre 2018 et septembre 2019, seulement 10% ont été déclarées aux autorités de régulation. Il faut dire que le système d’examen américain a été créé par la loi de 1976 connue sous le nom de Hart-Scott-Rodino Antitrust Improvements Act. Il n’est clairement plus adapté. L’année dernière, un rapport de la Chambre des représentants a par exemple recommandé que les géants technologiques, comme Facebook, soient tenus de notifier toutes leurs transactions aux autorités de contrôle.