Le dirigeant de facto de Samsung, Jae-yong Lee, va bénéficier d’une libération conditionnelle pour répondre aux enjeux de « la situation économique du pays due à la pandémie prolongée de Covid-19, ainsi que l’environnement économique mondial », explique le ministre de la Justice sud coréen Beom-kye Park rapportée par le Wall Street Journal. L’homme d’affaires est en prison pour avoir corrompu l’ancienne présidente de la Corée du Sud, Geun-hye Park, afin d’avoir son aval lors de la fusion de deux filiales de Samsung en 2015. Jae-yong Lee, vice-président de Samsung, doit être libéré de prison ce vendredi 13 août 2021.

La forme que prendra la liberté de Jae-yong Lee encore floue

En avril 2021, cinq hommes d’affaires ont proposé la grâce présidentielle pour Jae-yong Lee au motif que son absence pourrait faire perdre à la Corée du Sud son statut de leader dans le secteur des semi-conducteurs… que l’entreprise vient de gagner. Selon ses soutiens, certaines décisions ne peuvent pas être prises sans lui alors même que l’entreprise fait face à la pénurie de microprocesseurs et à la pandémie de Covid-19.

Plusieurs inconnues demeurent quant à la sortie de prison du vice-président de Samsung, notamment comment, et s’il peut reprendre son travail. La loi sud-coréenne stipule que les responsables de crimes économiques ont une interdiction d’emploi de cinq ans. Aussi, en cas de libération conditionnelle, le coupable demeure soumis à des restrictions de voyage à l’étranger.

« C’est une condamnation à mort de la justice (…) »

Pour certains critiques, dont des experts en gestion d’entreprise et des investisseurs étrangers, Samsung devrait pouvoir tourner sans l’implication de son unique dirigeant qui a hérité de l’empire de son père. Pour le groupe militant Solidarité du peuple pour la démocratie participative, la libération au nom du dynamisme économique perpétue une tradition sud-coréenne : l’impunité pour les crimes des hommes d’affaires.

Par ailleurs, Woo-chan Kim, expert sud-coréen en gestion d’entreprise, se demande si Jae-yong Lee remplit tous les critères de libération conditionnelle. Il pointe notamment le fait de devoir éprouver des remords sur les crimes commis. « Comment pouvez-vous dire qu’il s’est profondément repenti ? », interroge Woo-chan Kim.

« C’est une condamnation à mort de la justice judiciaire […] Les opportunités sont inégales, le processus est inéquitable, le résultat est injuste », indique un communiqué du groupe militant Solidarité du peuple pour la démocratie participative. Comme l’a écrit en 1945 Georges Orwell dans La ferme des animaux : « Tous les animaux sont égaux, mais il y a des animaux plus égaux que d’autres ». Rien de nouveau.

Une bataille judiciaire commencée en 2015

L’homme d’affaires purgeait une peine de prison de 2,5 ans – 30 mois – pour avoir corrompu l’ancienne présidente de Corée du Sud, Geun-hye Park. Ces pots de vin ont été versés en échange d’un soutien pour une demande de fusion entre deux filiales de Samsung en 2015. Cette transaction a permis d’affirmer la mainmise de Jae-yong Lee sur le conglomérat.

Sur cette affaire de corruption, en 2017, Jae-yong Lee a été condamné à 5 ans de prison. En 2018, il a bénéficié d’une réduction de peine. Les 2,5 années qu’il va finir d’écoper en avance ce vendredi ont été jugées en janvier 2021.

Le premier passage en prison de Jae-yong Lee compte dans les 30 mois jugés en janvier. Sous cet angle, il a déjà purgé près de 60% de sa peine de prison. Ainsi, aux yeux de la loi sud-coréenne, il peut bénéficier d’une libération conditionnelle.

La direction de Samsung, une affaire de famille

Une affaire distincte mais liée à la fusion de 2015 pèse sur Jae-yong Lee. Une autre filiale de Samsung aurait joué un rôle dans la fusion de 2015 avec une nouvelle fois une fraude financière présumée. Sur ce sujet, Jae-yong Lee est à nouveau passible d’emprisonnement. Aussi, un autre jugement pourrait lui pendre au nez. Cette fois-ci le sujet est éloigné des histoires économiques. Jae-yong Lee est accusé de consommation illégale de Propofol, un anesthésique général intraveineux. Dans ces deux cas l’homme d’affaires a nié les accusations.

En 2014, le père de Jae-yong Lee est frappé par une crise cardiaque dont il gardera des séquelles. À cette date, Jae-yong Lee devient vice-président de Samsung. Le père de Jae-yong Lee est décédé l’année dernière, et depuis, l’annonce de la reprise de la tête de Samsung par Jae-yong Lee se fait attendre. Dans le cadre de cette transition de pouvoir, Jae-yong Lee et sa famille ont payé 10 milliards de droits de succession. À noter que fin 2020, la valorisation boursière de Samsung s’élevait à 422 milliards de dollars.

La division électronique du conglomérat est la plus dynamique. Samsung figure comme le plus grand constructeur de smartphones, semi-conducteurs et téléviseurs au monde.
Un porte-parole de Samsung a refusé les demandes de commentaires du Wall Street Journal.