Après de multiples déboires avec les autorités, le géant chinois Alibaba doit actuellement affronter une crise interne sans précédent. Sur l’intranet de l’entreprise, Chengwen Wang a diffusé un témoignage dans lequel elle explique avoir été violée par son supérieur alors qu’elle était inconsciente. Les faits se sont déroulés au cours d’une « soirée arrosée » avec des clients dans la ville de Jinan, le 27 juillet. Malgré un signalement auprès de sa hiérarchie, elle évoque n’avoir reçu ni aide ni soutien. Sur les réseaux sociaux, chinoises et chinois, émus par la situation ont massivement relayé son témoignage, notamment sur Weibo.

Lundi matin, Daniel Zhang, le PDG d’Alibaba a publié une note interne dans laquelle il annonce licencier le supérieur mis en cause, et que deux cadres supérieurs ont démissionné. Les deux cadres ne sont autres que le président de la division du groupe dans laquelle travaille l’employée, ainsi que le directeur des ressources humaines de cette même division.

Dans son témoignage, la collaboratrice précise que le rapport de police fait état de vidéos captées par les caméras de sécurité de l’hôtel dans lesquelles on voit son supérieur entrer à quatre reprises dans sa chambre. Chengwen Wang ajoutera s’être réveillée nue le 28 juillet, découvrant une boîte de préservatifs dans la pièce. À ces accusations, les deux cadres lui demanderont des preuves vidéos plus concrètes.

« Le groupe Alibaba applique une politique de tolérance zéro à l’égard des comportements sexuels répréhensibles et la priorité absolue d’Alibaba est d’assurer un lieu de travail sûr pour tous ses employés, » précise Daniel Zhang. Il ajoute qu’une politique de lutte contre les harcèlements sexuels sera très vite instaurée, ainsi qu’un point de contact destiné aux signalements de ces comportements.

Sur la toile, au-delà de l’émotion qui s’empare des internautes, cette affaire vient motiver l’émergence d’un mouvement qui a déjà fait son chemin en occident : #MeToo. Si, en Europe, aux États-Unis, et ailleurs, il a permis de libérer une parole jusqu’alors étouffée, les témoignages en Chine peinent à éclore. La raison n’est pas liée à la censure du gouvernement, mais à une autocensure, d’abord culturelle, mais aussi en rapport avec la relation à l’entreprise des chinois.

Le Quotidien du Peuple, journal du Parti communiste, s’en est pris à une « culture d’entreprise malsaine » lors sa couverture de l’affaire. Il suggère également aux entreprises de se recentrer sur leurs valeurs. Daniel Zhang a également reconnu des problèmes culturels chez Alibaba.

« Le changement n’est possible que si chacun prend des mesures individuelles, mais il doit commencer au sommet. Cela commence avec moi » marque-t-il dans son mémo.