Le président Joe Biden a signé un vaste décret ce 9 juillet 2021. Son ambition : « Promouvoir la concurrence dans l’économie américaine ». Le texte est composé de 72 initiatives, il implique une douzaine d’agences, et concerne des secteurs très variés, comme la banque, les transports, la santé, le marché du travail et bien entendu… Le numérique. 

Antitrust : Joe Biden s’inscrit dans la lignée de Teddy Roosevelt

La note explicative de la Maison Blanche accompagnant le décret place l’administration dans une lignée prestigieuse concernant la lutte antitrust : « Au début des années 1900, l’administration de Teddy Roosevelt a démantelé les trusts qui contrôlaient l’économie – Standard Oil, les chemins de fer de J.P. Morgan et d’autres – donnant ainsi une chance au peuple ».

L’ambition du décret est large, mais depuis la campagne présidentielle américaine, lorsqu’il est question d’antitrust, les GAFAM ne sont jamais loin. La FTC (Federal Trade Commission) et le Département de la justice sont encouragés à faire appliquer leurs pouvoirs d’application des lois antitrust « vigoureusement ». Dans le texte accompagnant le décret, il est demandé de surveiller « les plateformes internet dominantes, en accordant une attention particulière à l’acquisition de concurrents naissants, aux fusions en série ». Les agences auront aussi la possibilité de contester les « fusions antérieures » des grandes plateformes. Une procédure est toujours ouverte sur l’intégration d’Instagram et Whatsapp à Facebook.

Protection de la vie privée, réparabilité, neutralité du net…

Outre l’antitrust, l’administration Biden a demandé à la FTC de créer de nouvelles règles sur la protection de la vie privée des utilisateurs. Le but est de protéger les consommateurs contre les « accumulations de quantités extraordinaires d’informations personnelles sensibles ». Si le RGPD européen et ses contraintes sur les grandes entreprises technologiques américaines peuvent être perçus comme une menace protectionniste, il est aussi une source d’inspiration outre-Atlantique pour une éventuelle législation approchante.

La FTC, toujours elle, est aussi en première ligne pour imposer aux entreprises le droit à la réparation. Comme son nom l’indique, il vise à autoriser les utilisateurs à réparer leurs appareils avec une entreprise tierce ou par eux-mêmes. C’est un duo improbable, le tracteur et le smartphone, qui sont pris en exemple. Ces deux appareils ont été le fer de lance des militants en faveur de la réparation. 

Enfin, l’une des mesures les plus significatives pour le numérique de Joe Biden… Le président américain demande à la FCC, l’agence des télécommunications, de rétablir la neutralité du réseau supprimée en 2017. Selon la Maison Blanche, sans le rétablissement de cette règle, « les grands fournisseurs peuvent utiliser leur pouvoir pour bloquer ou ralentir de manière discriminatoire les services en ligne ».

La Maison Blanche se contente « d’encourager » ses agences

Le décret impressionne par ses aspirations, mais il a naturellement ses limites. Tout d’abord, Joe Biden n’a toujours pas nommé de cinquième commissaire à la FCC. Aujourd’hui, l’agence peut facilement être bloquée entre ses deux membres démocrates et deux membres républicains. La nomination devant être suivie par une validation du Sénat, aucune mesure clivante n’est à attendre en 2021. 

Autre problème pour l’administration Biden, les agences sont indépendantes. Un certain nombre d’initiatives du décret du 9 juillet se cantonnent à être des « encouragements » qui seront suivis ou non. Shane Greenstein, professeur à la Harvard Business Show, a expliqué à Ars Technica : « Étant donné qu’il est encore tôt dans l’administration, la plupart des personnes nommées à des postes politiques voudront être gentilles. Et de toute façon, la plupart d’entre eux sont largement d’accord avec l’orientation générale, même si, peut-être, ils ne sont pas d’accord avec les détails et les spécificités ».

La FTC est sans doute le meilleur exemple. La nomination de Lina Khan comme directrice de l’agence, laisse à penser que les encouragements de l’administration Biden seront probablement  suivis.