Newport Wafer Fab (NWF), la plus grande fabrique de puces du Royaume-Uni, est passée sous pavillon chinois ce 5 juillet 2021. Elle a été rachetée par Nexperia, un fabricant de puces néerlandais, lui-même possédé par le groupe Wingtech Technology, originaire de l’Empire du Milieu.
Une très bonne affaire pour Nexperia
Nexperia était déjà le deuxième plus gros actionnaire de l’entreprise depuis 2019. Avec ce rachat, l’entreprise veut renforcer sa production de puces dans un contexte de pénurie mondial appelé à durer jusqu’en 2023.
NWF est spécialisée dans la fabrication de puces en silicium utilisées pour l’industrie automobile. Elle a également conçu des semi-conducteurs plus avancés que ses produits historiques, à la fois en terme de rapidité et d'économies.
Les détails de la transaction n’ont pas été dévoilés, mais les sources de CNBC, qui révèlent l’information, avancent la somme de 63 millions de livres sterling (environ 74 millions d’euros). Un prix extrêmement bas pour le secteur. Glenn O’Donnell, analyste chez Forrester, s’est étonné de la somme auprès de nos confrères : « La plupart des fabs de wafers coûtent bien plus d'un milliard de livres. Même s'il s'agit d'une technologie plus ancienne, cet accord est ridiculement bon marché ».
Nexperia devrait éponger les dettes de NWF qui s’élèvent à 20 millions de livres (23 millions d’euros) auprès de la HSBC et de 18 millions de livres (21 millions d’euros) auprès du gouvernement gallois. Ce dernier s’est félicité de l’opération : « L'annonce d'aujourd'hui permettra de préserver 400 emplois et de réaliser d'autres investissements importants dans l'usine, notamment dans de nouveaux équipements pour développer l'activité. Dans ce cadre, le gouvernement gallois récupérera son investissement initial, plus les intérêts ».
L’inaction du gouvernement britannique sur le secteur stratégique des puces questionnée
Pourtant, cet accord ne fait pas que des heureux outre-Manche. Le rachat d’une entreprise technologique stratégique, en pleine pénurie mondiale, et par un groupe chinois, fait hausser quelques sourcils. Tom Tugendhat, chef du groupe de recherche sur la Chine pour le gouvernement britannique et président du comité restreint des affaires étrangères, estime que le gouvernement « doit encore expliquer pourquoi nous fermons les yeux sur le fait que la plus grande fonderie de semi-conducteurs de Grande-Bretagne tombe entre les mains d'une entité d'un pays qui a l'habitude d'utiliser la technologie pour créer un levier géopolitique ».
Le Royaume-Uni a voté une loi en avril pour justement bloquer ce type de rachats. Son autorité de la concurrence avait par ailleurs ouvert une enquête sur la volonté de rachat d’ARM par le géant américain Nvidia. En mars, le gouvernement italien avait, de son côté, bloqué une prise de participation par la société chinoise Shenzhen Investment Holding au sein de LPE, un fabricant de puces milanais.
Sollicité par CNBC le 2 juillet, alors que l’opération était annoncée comme imminente, un porte-parole du gouvernement de Boris Johnson avait expliqué qu’il n’était pas opportun d’intervenir, mais que la situation était suivie de près. Si le Royaume-Uni se décide à réagir, il devrait le faire rapidement.