« Ce site internet a été saisi » affiche la page web du média iranien Al-Alam. Juste au-dessous figure un texte indiquant que le site a été suspendu dans le cadre d’un mandat de saisie mené par plusieurs agences américaines. L’écrit est accompagné des sceaux de la police fédérale (FBI) et du ministère du Commerce.

Capture d'écran du message présenté sur le site du média Al-Alam lors de sa suspension.

Capture d’écran du message présenté sur le site du média Al-Alam.

Dans un communiqué en date du 22 juin 2021, le département de la justice des États-Unis a annoncé la saisie, et donc la suspension, de 33 sites internet de médias proches de l’Iran ou de ses alliés. Le gouvernement américain justifie le geste comme les conséquences des sanctions prises à l’égard de Téhéran. Pour les États-Unis, l’hébergement de ces sites sur des domaines américains incarne une violation de ses sanctions. L’AFP pour L’Orient-Le Jour note qu’un des articles de loi cités dans le communiqué relève du « cadre de l’exercice de l’autorité présidentielle face à une menace extraordinaire ».

Les entreprises américaines propriétaires des domaines d’hébergement n’ont pas été dévoilées, tout comme leurs procédures utilisées pour supprimer ces sites. De nouveaux sites ont déjà été ouverts en remplacement. Certains sites visés ont déjà fait l’objet d’une coupure en octobre 2020.

Pour un média iranien, c’est « une violation flagrante de la liberté de la presse »

L’AFP rapporte que la télévision d’État iranienne, l’IRIB, dénonce une suspension « de médias pro-résistance révélant les crimes des alliés des États-Unis dans la région ». Pour le média iranien, « le gouvernement démocrate des États-Unis affirme soutenir la liberté d’expression, en pratique il ferme les médias en soutenant » ses alliés historiques comme l’Arabie Saoudite ou Israël. Une agence de presse proche des ultraconservateurs Iraniens y décèle « une violation flagrante de la liberté de la presse ».

Le communiqué du département de la justice soutient que les 33 sites ont en commun d’être utilisés soit par une entité iranienne de radio-télévision, soit par le groupe paramilitaire irakien Kataëb Hezbollah. Les États-Unis affirment que ces deux derniers sont rattachés aux Gardiens de la Révolution (CGRI), une organisation paramilitaire classée comme organisation terroriste par les États-Unis. Ainsi, les Américains, les entreprises américaines et les entreprises étrangères n’ont pas le droit de faire des affaires avec les CGRI.

Au Yémen, un média rattaché aux alliés de l’Iran pris pour cible

Au Yémen, Al-Masirah, un média rattaché à l’organisation armée houthis qui est alliée de l’Iran, a été visé. Sur son site internet, le média dénonce un « un acte de piraterie et la confiscation des droits d’auteurs […] sans justification et sans avertissement ». Dès le mardi soir, la chaîne d’information avait mis en ligne un nouveau site internet. Par le biais de leur allié saoudien, les États-Unis ne sont pas entièrement étrangers à la guerre au Yémen. La fermeture des sites a donc de quoi interroger. Le 22 juin, le même jour que la publication du communiqué du département de la justice des États-Unis, des sources militaires yéménites ont rapporté à l’AFP que sur les deux derniers jours de nouveaux combats ont fait 90 morts. Le bilan en dénombre 63 dans le camp houthis et 27 dans celui des forces gouvernementales yéménites.

Selon l’ONU, la guerre au Yémen a tué plus de 233 000 personnes. En 2018, la coalition militaire sous commandement saoudien a fait 20 morts et 40 blessés – fourchette basse des estimations – lors d’un mariage.

Une chaîne d’opposition du Bahreïn prise pour cible et accuse une « saisie illégale »

LuaLua TV, une chaîne d’opposition du Bahreïn, accusée par les autorités nationales d’être proche du régime iranien, a également été bloquée. Les États-Unis possèdent une base navale au Bahreïn et le pays du Golfe a normalisé ses relations avec Israël. Le média qui possède d’ailleurs des bureaux à Londres pointe une « saisie illégale » de son site internet. Par ailleurs, trois sites irakiens des brigades du Hezbollah ont également été ciblés.

Quoiqu’il en soit des tenants et aboutissants de ces suppressions, elles posent des questions sur l’influence et le pouvoir des États-Unis sur internet. Une puissance que le pays compte bien garder comme en témoigne la crainte américaine de voir émerger « un splinternet ».

Ce n’est pas la première tension survenant entre l’Iran et les États-Unis dans la sphère du numérique. Des cyberattaques iraniennes contre les États-Unis ont déjà été décelées. L’Iran ne cherche d’ailleurs pas forcément à s’en cacher.