Une décision en appel du tribunal britannique en date du 24 juin 2021 ne reconnaît pas le statut de salarié pour les coursiers de Deliveroo. Une bonne nouvelle pour l’entreprise financée en partie par Amazon qui n’a cessé de se battre pour le statut d’indépendant. Cette décision fait suite à l’appel de l’Union des travailleurs indépendants du Royaume-Uni (IWGB). C’est le quatrième jugement concernant l’affaire qui a commencé en 2017, date à laquelle l’IWGB demandait la syndicalisation des livreurs du quartier londonien de Camden.

La réponse de Deliveroo avait alors été de modifier le contrat passé avec les livreurs afin de s’assurer qu’ils puissent toujours être considérés comme des travailleurs indépendants. Bien que la décision du tribunal note qu’il « est légitime de déduire que la raison pour laquelle Deliveroo a procédé à cette modification était de renforcer sa position dans le contexte de la demande de reconnaissance de l’IWGB », la décision penche en faveur de l’entreprise. Connaissant l’amour porté par Amazon aux syndicats, il n’y a rien d’étonnant que cette trajectoire prise en 2017 se poursuive dans une entreprise dont le géant est actionnaire.

« Ceux qui font campagne pour supprimer la flexibilité des coursiers ne parlent pas au nom de la grande majorité d’entre eux et cherchent à imposer un mode de travail dont ils ne veulent pas », soutient le porte-parole de Deliveroo.

« Est-ce le genre de salaire que les travailleurs accepteraient s’ils étaient vraiment leur propre patron ? »

L’opinion d’Alex Marshall, ancien coursier et président de l’IWGB, diffère de celle du porte-parole. « La récompense qu’ils ont reçue pour leur effort herculéen ? Deliveroo continue d’investir des milliers de livres dans des procès pour faire taire les voix des travailleurs et leur refuser la possibilité de négocier de meilleures conditions de travail », accuse l’ancien coursier dans un communiqué rapporté par CNBC.

Le sujet de salarier les livreurs Deliveroo est loin d’être exclusif au Royaume-Uni. L’Europe tente de réguler la gig economy, aussi qualifiée d’économie à la tâche, qui désigne les modèles basés sur des emplois flexibles, temporaires ou indépendants. D’un côté les entreprises mettent en avant un travail plus flexible et des horaires adaptables. De l’autre les livreurs réclament des congés maladie et payés. Et d’un côté Deliveroo a été valorisé à 7,6 milliards de dollars lors de son entrée en bourse – la plus importante du pays depuis 2011 – pendant que de l’autre, les livreurs gagnent parfois seulement 2 livres par heure selon une étude rapportée par le Guardian.

« Est-ce le genre de salaire que les travailleurs accepteraient s’ils étaient vraiment leur propre patron ? Il semble que lorsque Deliveroo parle de flexibilité et d’être son propre patron, il parle de la flexibilité de choisir le moment de gagner des salaires de misère et de travailler dans des conditions dangereuses. L’arrêt reconnaît que les livreurs auraient intérêt à s’organiser collectivement pour représenter leurs intérêts et admet que la conclusion à laquelle il aboutit peut sembler contre-intuitive », nuance Alex Marshall.

Juste après cette décision, le cours de l’action de l’entreprise enregistrait une hausse de plus de 9%. Elle est passée de 2,51 livres sterling à 2,74. CNBC relève qu’alors que depuis l’entrée en bourse de l’entreprise de livraison de repas l’action chute, le rebond s’annonce comme une bonne nouvelle pour les investisseurs. Et donc pour Jeff Bezos étant donné qu’Amazon est entré au capital de Deliveroo.

Même sujet, mais autre entreprise, début 2021, les chauffeurs Uber ont été reconnus comme salariés au Royaume-Uni.