“Rien à foutre de la raison d’être”.

Parfois un titre outrancier est nécessaire pour attirer l’attention sur une problématique. Et la vision de la raison d’être comme réacteur nucléaire de l’entreprise se voit (encore trop) souvent opposer un “rien à foutre !”.

Je préfère l’affirmer de suite, je n’ai aucune leçon de morale à donner à qui que ce soit. Après 30 ans de direction d’entreprise, j’ai considéré parfois que le plus court chemin du succès pouvait passer par un magnifique “Rien à foutre”.

J’ai eu à gérer jusqu’à 400 collaborateurs. Pourtant, dès le début des années 2000, j’ai commencé à affronter de grandes difficultés pour stabiliser mes effectifs et les rendre de plus en plus performants.

Depuis 2010, les structures se trouvent face à une grande tension l’équation des ressources humaines. Un calcul qui comprend les variables du recrutement, de la formation, de la fidélisation, de l’engagement, de l’épanouissement et de la transmission.

La compétence militaire a toujours inspiré le milieu des affaires, en étant précurseurs dans la gestion de leur effectifs, de leur stratégie et de leurs opérations. Elles sont incontestablement très en avance sur les entreprises. L’armée se voit aujourd’hui, elle aussi, déstabilisée par un constat simple : plus personne, y compris les officiers, ne veulent fonctionner sérieusement si matin, midi et soir, ils ne trouvent pas de sens.

Nous y sommes !

Dans le futur proche, plus aucune organisation n’atteindra ses plans si elle ne capitalise pas et n’éprouve pas sa raison d’être, c’est-à-dire si elle n’est pas en mesure de définir la façon dont elle entend jouer un rôle dans la société au-delà de sa seule activité économique. Aujourd’hui, il est désormais possible de pousser le raisonnement à son maximum en adoptant le statut juridique de société à mission. Mais entre le « rien à foutre » et le statut engageant de société à mission, il y existe autant de chemins possibles que de dirigeants et d’équipes.

Ce virage stratégique n’est pas facile à prendre ; mais comme tout virage stratégique, il faut commencer par le considérer avec méthode. Certains entrepreneurs sont plus aptes et en meilleure situation que d’autres pour se donner les moyens d’initier activement leur réflexion autour de la raison d’être.

En tout état de cause, je ne peux que tous les inviter à bien comparer l’énergie de la destruction de valeur qu’occasionne leur manque d’attractivité sur le marché de l’emploi, avec l’énergie demandée pour tenter de trouver un levier efficace afin de subir de moins en moins ce manque d’attractivité.

Il est parfois nécessaire de souligner des évidences : les salariés sont aussi des consommateurs et des investisseurs. Aussi, trop d’inertie conduira à la triple peine : L’absence de raison d’être conduit à moins de dynamique collaborateurs, moins de clients à terme et de moins en moins d’occasions de financiariser ou de transmettre son affaire in fine.

Si nous pouvons comprendre que les dirigeants aient du mal à concevoir la raison d’être comme fondement du business, cela ne justifie en rien le fait de ne pas engager une réflexion. Celle qui consiste à envisager sérieusement à “comment” franchir progressivement les étapes. C’est notre rôle que d’accompagner les dirigeants dans cette réflexion.

À ce stade, cette première démarche permettra de mesurer pleinement son niveau d’attractivité et de réfléchir au-delà de la mission de son entreprise, aux points d’ancrages à perfectionner et à tout ce qui manque à l’organisation pour fédérer et attirer les meilleurs talents. Les dirigeants ont tout à gagner à ouvrir le débat et à élargir leurs horizons en s’entourant de personnes qui voient plus loin. Un premier bilan doit établir le niveau d’urgence stratégique pour l’entreprise. Cette mise en perspective par la raison d’être permet de renouveler la lecture de la situation.

Dans un moment où la compétition est sans précédent et repose sur l’innovation et la transformation, aucun angle n’est inutile pour choisir ses priorités et établir des tournants décisifs. Concevoir la notion de raison d’être sans l’appliquer est un choix, mais ne pas y réfléchir est une erreur.

Alors toujours rien à foutre ?