Annoncé le 2 juin 2021 par le Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) Stéphane Bouillon, une agence nationale de lutte contre les manipulations de l’information se met en place. L’agence vise à identifier et déterminer les sources d’ingérences étrangères cherchant à « déstabiliser l’Etat » sur le web.

« Il ne s’agit pas de corriger ou rétablir la vérité, mais d’arriver à détecter les attaques quand elles viennent de l’étranger, pouvoir les caractériser et d’une certaine manière les attribuer », a expliqué le SGDSN lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Pour atteindre ce but, l’agence tentera par exemple de constater « que sur 400 000 tweets de reprise de telle ou telle information, 200 000 viennent d’une ferme à bots dans une région hors de notre pays ou que tel débat provient d’une ferme à trolls », explique Stéphane Bouillon.

D’après l’AFP pour Le Monde, l’agence nationale de lutte contre les manipulations de l’information sera rattachée au SGDSN et doit être en activité dès septembre. Une soixantaine de personnes travailleront à partir de sources ouvertes, soit des éléments publics. Le SGDSN soutient qu’il ne « s’agit pas de faire du renseignement ».

L’Allemagne et la Nouvelle-Calédonie pour des phases d’essai

Les prochaines périodes de votes feront office de test, notamment lors des élections législatives allemandes de septembre et le troisième référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, afin d’en « tirer des leçons ». L’objectif avancé : préparer la période électorale des présidentielles françaises. En effet, les élections américaines ont témoigné de ces possibles ingérences.

Pour le référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, l’agence de lutte contre les manipulations de l’information regardera « s’il n’y a pas des États qui ont intérêt à ce que le résultat du vote aille dans un sens qui ne serait pas forcément celui [pour lequel] les Calédoniens eux-mêmes voteraient ». Compte tenu de la complexité de la situation de l’une des deux dernières colonies françaises, selon une reconnaissance des Nations unies, la tâche s’annonce ardue.

Le SGDSN promet une « transparence totale »

Ne voulant pas que la nouvelle agence soit perçue comme un outil d’influence pour l’exécutif, le SGDSN certifie une « transparence totale ». Il explique qu’un comité d’éthique et scientifique, comprenant un membre du Conseil d’État – la plus haute juridiction administrative française – un membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), un magistrat, un ambassadeur, des journalistes, et des chercheurs surveillera les activités de l’agence.

Ce projet d’agence aurait été initié en octobre 2020 à la suite de l’assassinat de Samuel Paty. Suite au drame, des manifestations et une « campagne de désinformation » – selon les mots du Monde – anti-France ont germé à travers différents pays. La cellule « Task Force Honfleur » avait alors été créée afin d’identifier l’origine de ces mouvements, qui s’est avérée turque. « La Task Force Honfleur nous a permis d’imaginer ce que pourrait donner cette structure une fois qu’elle serait renforcée et mise en place », a déclaré Stéphane Bouillon. Des organes similaires à l’agence nationale de lutte contre les manipulations de l’information ont été créés en Europe, sous le nom de East StratCom, au Royaume-Uni avec le programme NSCT, ou encore aux États-Unis avec le GEC.