Une enquête de la télévision publique danoise, DR, atteste que la National Security Agency (NSA) a utilisé les systèmes de surveillance du Danemark afin d’espionner de hauts responsables européens. Diffusée le 30 mai 2021 et consultée par Le Monde, l’investigation s’appuie sur un rapport interne aux services de renseignement danois, intitulé « Dunhammer ». Ce document laisse apparaître que des personnalités politiques, dont Angela Merkel, ont été surveillées entre 2012 et 2014. D’autres politiques allemands, hauts responsables français, suédois, et norvégiens ont également été visés. Pour le moment, mis à part pour les personnalités allemandes, les noms demeurent inconnus.

Il a fallu attendre le lendemain matin pour avoir un commentaire français sur cet espionnage d’un pays allié par le biais d’un autre pays allié. Sur le plateau de France Info, Clément Beaune, le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes appelle à la vérification et à la prudence. « Ces faits potentiels sont graves, il faut les vérifier […] puis en tirer un certain nombre de conséquences dans notre coopération […] Je n’ai pas, à cette heure, l’information qui corrobore de manière claire [ces informations] », confie Clément Beaune.

 

D’après l’enquête de DR, l’agence américaine a utilisé un système d’écoute de câbles sous-marins de télécommunications. Cet accès serait loin d’être officieux, au contraire il serait même officiel grâce à un accord entre la NSA et le Danemark. Depuis une dizaine d’années, un système d’interception de données sur les câbles sous-marins serait installé au sein du royaume scandinave. Les données seraient stockées dans un data center construit avec l’aide de la NSA sur l’île d’Amager, au sud de Copenhague, au cœur des services de renseignement danois.

Une révélation qui va dans la continuité de celles d’Edward Snowden

« Avant cela, on pouvait écouter un peu de-ci, de-là. Les portes se sont complètement ouvertes. Le seul problème, c’était de manipuler et de stocker toutes les données disponibles », explique une des sources de DR qui a rencontré plusieurs personnes ayant accès au rapport « Dunhammer ». Ce rapport, initié en 2013 à la suite des révélations d’Edward Snowden, vise à identifier les pratiques de la NSA sur ses installations d’interception au Danemark.

Ainsi, 4 agents danois ont cherché à identifier les éléments choisis par la NSA pour intercepter les données. Majoritairement, l’agence américaine a sélectionné des numéros de téléphone, des adresses mails et des éléments plus techniques afin de distinguer les flux de données à extraire. Les conclusions rendent le Danemark complice de la surveillance européenne, « au moins par naïveté des velléités de surveillance de son partenaire », estime Le Monde. Néanmoins, la ministre danoise de la Défense condamne ces agissements. « L’écoute systématique de proches alliés est inacceptable », a déclaré la ministre Trine Bramsen.

Être surveillés par les États-Unis, la nouvelle n’en est pas vraiment une. En 2013, les révélations d’Edward Snowden mettaient déjà la lumière sur l’hypersurveillance américaine. La chancelière allemande avait d’ailleurs déjà été espionnée depuis l’ambassade américaine à Berlin. Les États-Unis ont donc mis Angela Merkel sur écoute à plusieurs reprises et endroits.

Les révélations de l’ancien agent de la CIA ont également exposé une alliance de longue date, celle des Five Eyes. Elle regroupe les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et le Canada sur des sujets liés à la surveillance. Dans le monde du renseignement, ces coopérations interétatiques sont des plus secrets. Le Danemark serait alors un sixième œil, ou a minima un « partenaire tiers », selon les termes de la NSA. L’agence américaine apporte un savoir-faire technique et logistique pour déployer des systèmes d’écoutes avec ses « partenaires tiers ». En échange de ces installations, leur usage est partagé. C’est de cette manière que l’agence de renseignement a pu intercepter des numéros de téléphone et adresses mail.

Les câbles sous-marins de télécommunication sont hautement stratégiques. De fait, le propriétaire d’un réseau de câbles peut consulter les données y transitant. Aujourd’hui, les États-Unis en détiennent le monopole. Mais cette position chérie et protégée pourrait être en danger.