Le monde de la Tech va avoir les yeux rivés sur le tribunal fédéral d’Oakland en Californie à partir de ce lundi 3 mai et pour les trois prochaines semaines. C’est là-bas que doit se tenir un procès qui va faire date. Epic Games, l’éditeur de Fortnite, attaque Apple pour abus de position de dominante lié à l’App Store. L’issue des débats pourrait chambouler l’économie lucrative des applications mobiles.

Apple fait disparaître Fortnite de l’App Store

Epic Games et Apple ont formellement entamé un bras de fer en août 2020. Le fondateur et actionnaire majoritaire de l’éditeur de jeux vidéo, Tim Sweeney, a annoncé aux joueurs de Fortnite sur iPhone qu’ils pourraient bénéficier de promotion s’ils achètent des articles du jeu en dehors du système de paiement d’Apple. La réaction de Cupertino ne s’est pas fait attendre : en quelques heures à peine Fortnite est retiré de l’App Store.

Une occasion saisie par Tim Sweeney pour déposer une plainte pour abus de position dominante. Apple est accusé d’être juge et partie sur l’App Store. L’entreprise peut refuser l’accès à un marché d’un milliard de personnes, récupère une commission de 30% sur les transactions passant par l’App Store et propose ses propres applications qui, de fait, ne doivent pas régler de commissions.

Une offensive juridique bien préparée par Epic Games

Epic Games s’est préparé à affronter le mastodonte Apple après l’arrivée de Fortnite sur l’App Store en 2018. À partir de 2019 Tim Sweeney a recruté un cabinet d’avocat, Cravath Swaine & Moore, un cabinet de relation publique, mobilisé de 100 à 200 employés sur la bataille juridique à venir et s’est allié à une douzaine d’entreprises au sein de la Coalition for App Fairness. Cette coalition comprend Spotify qui traîne actuellement Apple devant la justice de l’Union européenne pour des raisons similaires. L’ensemble du projet, qui vise également Google, a été nommé « Project Liberty ».

Les deux entreprises se sont affrontées par médias interposés en attendant l’audience tant attendue. Epic a immédiatement lancé une vaste campagne de presse avec le hashtag #FreeFortnite et une vidéo parodiant la célèbre publicité « 1984 » d’Apple.

L’entreprise de Cupertino a, elle, mis en avant ses investissements pour développer l’iPhone et l’App Store rappelant qu’ils ont entraîné un « miracle économique ». La marque à la pomme a également expliqué que les commissions servent aussi à sécuriser les applications, un argument balayé par Epic.

Apple a aussi commandé une étude démontrant que les autres entreprises qui distribuent Fortnite, comme Microsoft, Sony, Nintendo, prélèvent une commission similaire et sont pourtant épargnées par Epic. Le New York Times note toutefois que l’étude omet de préciser que c’est Apple qui a introduit le taux de 30 % avec l’App Store en 2008.

Un jugement qui pourrait bouleverser le marché des applications

C’est désormais devant le tribunal fédéral d’Oakland, près de San Francisco, et à la juge Yvonne Gonzalez Rogers de trancher. Cette dernière a déjà jugé une affaire antitrust impliquant Apple. Elle avait statué en faveur du groupe de Tim Cook, les plaignants avaient fait appel. Les PDG des deux groupes, Tim Cook et Tim Sweeney sont attendus à la barre ainsi que de nombreux cadres et figures du monde de la Tech dans un procès qui s’annonce hors normes.

Tout l’enjeu pour la juge sera de déterminer à quel niveau l’affrontement entre Apple et Epic se joue. Est-ce sur le marché de l’App Store et de l’iPhone comme l’avance Epic ? Là, le monopole de la marque à la pomme est évident. Ou, au contraire, sur le marché plus général des plateformes de jeux vidéo, où Apple est un acteur mineur ?

La réponse pourrait théoriquement faire trembler le florissant marché des applications, estimées à 100 milliards de dollars. Un verdict en faveur d’Epic pourrait faire date et bénéficier à des millions d’entreprises et de développeurs qui pourront cesser de verser la fameuse commission de 30% à Apple.

Certes, cette bataille juridique va très certainement durer bien au-delà des trois semaines de procès : les appels d’un côté ou de l’autre sont prévisibles et devraient repousser pour quelques années une décision définitive. Néanmoins, un jugement défavorable à Apple ne serait pas de bons augures pour l’entreprise qui affronte plusieurs procédures antitrust aux États-Unis comme en Europe. Ce vendredi 30 avril, l’Union européenne a officiellement accusé la marque à la pomme d’avoir enfreint la loi antitrust à la suite de la plainte de Spotify en 2019. Les avocats d’Apple vont avoir beaucoup de travail dans les prochaines années.