Le jeudi 29 avril, le calendrier du déconfinement était publié à la mi-journée par Europe1 alors qu’il devait être dévoilé en exclusivité par la presse régionale. Certains ont alors accusé la radio nationale d’avoir  » cassé l’embargo  » et critiqué cette pratique, bien moins obscure qu’elle n’en a l’air. Explications.

Qu’est-ce qu’un embargo médiatique ?

C’est un principe de communication selon lequel une organisation – institution publique, entreprise ou association – fournit le contenu d’une annonce à un ou plusieurs médias avant que la dite annonce ne soit officialisée, le plus souvent au cours d’une conférence ou par le biais d’un communique de presse. En contrepartie, le média concerné s’engage à ne pas diffuser cette information avant l’heure de son officialisation. Quand cette heure arrive, l’embargo prend fin et l’article sous embargo est publié. C’est tout simple !

C’est une pratique risquée pour les communicants qui transmettent une information confidentielle à des journalistes susceptibles de la diffuser à tout moment. Quand ça arrive et ça arrive parfois, on dit que le média  » a cassé l’embargo « . C’est pourquoi la pratique peut être encadrée par un NDA pour  » Non Disclosure Agreement « . Il s’agit d’un engagement écrit qui engage le ou la journaliste signataire à ne pas publier d’article sur le sujet avant l’heure de son officialisation. L’embargo n’engage que les journalistes qui l’ont accepté. Par conséquent, si un média obtient une information identique via une source différente, il est libre de la diffuser. Dans le cas qui nous occupe, difficile de reprocher à Europe1 d’avoir brisé un embargo qu’il n’avait pas  » signé « .

L’embargo est une pratique courante qui respecte scrupuleusement l’éthique professionnelle des journalistes. On la retrouve régulièrement dans la presse cinéma qui regarde les films avant leur sortie afin de livrer leurs critiques – positive ou négative d’ailleurs – à temps pour le public.

Pourquoi les communicants  » montent des embargos  » et pourquoi les journalistes les acceptent ?

En pratique, un embargo médiatique permet à l’organisation qui communique d’amplifier la portée de son message dès sa diffusion. Ainsi, lorsque l’annonce devient officielle, plusieurs articles de presse sont publiés conjointement, ce qui augmente la visibilité de l’information, sur les moteurs de recherche comme sur les réseaux sociaux. C’est mécanique.

En théorie, l’embargo donne aussi plus de temps à l’émetteur d’expliquer la nature de l’information qu’il souhaite transmettre, et de répondre sur le vif aux questions des médias. La communication est un travail de conviction : plus l’organisation dispose de temps pour s’expliquer et plus les articles ont une chance d’être proches de ce que l’on souhaite raconter. En clair, cette méthode peut aider à générer des articles positifs. Ça n’est jamais systématique évidemment. La communication n’est pas un exercice d’algèbre.

Parallèlement, le principe de l’embargo médiatique permet aux journalistes intégrés au dispositif de prendre l’ascendant sur leurs concurrents dans la course au scoop et au référencement. Les médias sont des entreprises comme les autres. Ils sont en compétition, comme le seraient deux industriels cherchant à commercialiser en premier un produit similaire. Surtout, un embargo offre aux journalistes plus de temps et de recul pour traiter un sujet dans des articles logiquement plus complets et donc d’une meilleure qualité journalistique. On en parlait plus haut. On imagine mal les journalistes cinéma travailler en dehors de ce principe. Ils seraient alors obligés d’écrire leurs articles en urgence, à la sortie de chaque séance.

Ce que n’est pas un embargo médiatique

Ce n’est pas parce qu’une organisation propose à un média de couvrir une annonce sous embargo qu’il perd tout sens critique en acceptant. Les journalistes restent libres de rapporter l’information comme ils le souhaitent et d’en analyser les implications selon leur propre jugement ou même d’intégrer des témoignages de contradicteurs. Ce serait mal connaître la presse de penser le contraire.
Pour résumer, l’embargo médiatique est un accord de confiance réalisé entre un communicant et un journaliste autour de l’officialisation d’une annonce. Ce n’est pas une publicité, ni de la connivence. Le journaliste conserve la maîtrise de son contenu, bien heureusement d’ailleurs.