La doublette irlandaise, voilà un terme qui sonne un peu comme le casse du siècle, ou le coup de l’année. À une chose près oui, puisque ce procédé est parfaitement légal. En 2019, il a permis à Google d’envoyer vers les Bermudes 63 milliards d’euros (75,4 milliards de dollars) de bénéfices. La même année, la Google Ireland Holdings Unlimited Company déclarait un bénéfice avant impôt de 13 milliards rapporte l’Irish Times.

La doublette irlandaise

Cette faille n’est pas nouvelle. Elle a été découverte et exploitée par de grandes entreprises américaines comme Apple dès la fin des années 80. Aujourd’hui, bon nombre de géants du numérique pratiquent cette mesure d’évitement fiscal. Pourquoi l’Irlande et les sociétés américaines ? Tout simplement parce que le pays ne compte pas les transferts de fonds provenant du pays de l’Oncle Sam. Grossièrement, la conséquence de ce laxisme fiscal est que la maison mère d’une entreprise basée aux États-Unis, ayant une succursale en Irlande peut y transférer autant d’argent qu’elle le souhaite, sans que cette somme soit prise en compte pour le calcul de l’impôt sur les sociétés. Ne reste alors plus qu’à transférer cette somme vers les Bermudes, où est installée Google Ireland Holdings.

D’autre part, les sociétés exploitant la doublette irlandaise utilisent leur société dans les Bermudes pour gérer leur propriété intellectuelle en Irlande. Ce qu’a fait Google puisque sa holding dans le paradis fiscal avait pour rôle de concéder des licences de propriété intellectuelle. Tout un montage qui aura duré jusqu’en 2019. « En décembre 2019, conformément aux conclusions de l’OCDE sur l’érosion de la base et le transfert de bénéfices (BEPS) et aux changements apportés aux lois fiscales américaines et irlandaises, nous avons simplifié notre structure d’entreprise et commencé à octroyer des licences pour notre propriété intellectuelle depuis les États-Unis, et non les Bermudes » explique un porte-parole de Google à l’Irish Times. D’autres entreprises comme Facebook en avaient fait de même.

L’évitement fiscal de Google relancera le débat d’une fiscalité internationale ?

Lors des prémisses de la taxe GAFA, Margrethe Vestager dévoilait une incohérence assez marquante. En 2015, Google avait 55 millions d’utilisateurs en France pour 248M€ de CA déclaré. En Irlande, c’est moins de 4 millions d’utilisateurs pour 22,6 milliards d’euros. Par euro et par utilisateur, un français rapportait 4,51€, contre 5 650€ pour un irlandais. Un écart presque insolent qui aura certainement motivé la France à avancer. Bercy a envoyé les premiers avis d’impositions en décembre.

Cette problématique s’est également généralisée, puisque l’ASEAN travaille à une taxe pour les géants du numérique. Des pays de l’association ont déjà lancé leurs propres projets, mais l’objectif est d’aligner une politique plus globale à généraliser sur l’Asie du Sud-Est. Après un échec de négociations entre les 37 pays de l’OCDE, les différentes régions du monde avancent de façon indépendante. Si le tout manque de cohérence, l’étau fiscal se resserre sur les big tech.