Deux des plus gros fonds d’investissement du Royaume-Uni ont fait part de leur projet de ne pas investir dans Deliveroo lors de son introduction en bourse le 31 mars 2021. Leur motivation est claire : Deliveroo ne prend pas assez soin de ses livreurs.

Lorsqu’il est question d’argent, surtout en bourse, il n’est pas commun de voir le sujet de responsabilité sociale des entreprises mis au premier plan. C’est pourtant ce qu’Aberdeen Standard Investments et Aviva Investors ont fait. À eux seuls, ils gèrent environ 830 milliards de livres, presque 950 milliards d’euros. « Nous cherchons à investir dans des entreprises qui ne sont pas seulement rentables, mais qui sont durables. Les droits et l’engagement des employés en sont un élément important, » explique Andrew Millington, responsable des actions au Royaume-Uni pour Aberdeen.

Annoncée au début du mois et prévue pour le 31 mars, il s’agit d’un premier revers pour l’entreprise avant son entrée en bourse. De plus, Deliveroo a récemment annoncé une perte de 261 millions d’euros en 2020. Un bilan à contraster avec des revenus en forte croissance puisqu’ils étaient de 2,9 milliards d’euros en 2019, et se sont élevés à 4,8 milliards d’euros en 2020. Également, l’entreprise devra certainement faire face à un mouvement social le jour de sa mise sur le marché.

En effet, un syndicat de travailleurs indépendants, l’Independent Workers Union of Great Britain (IWGB), souhaite faire entendre sa voix, et mettre en avant les conditions de travail de livreurs ainsi que leurs revendications. Comme toujours lorsqu’il s’agit du travail à la tâche (gig economy), elles portent sur la base du système social : une meilleure rémunération et une meilleure protection. « De nombreux employeurs pourraient améliorer considérablement la vie des travailleurs s’ils garantissaient des heures de travail ou un salaire décent, et le comportement des entreprises devient de plus en plus important, » a appuyé le PDG d’Aviva sur le plateau de BBC Today.

Deliveroo, Glovo et Uber Eats en Espagne devront salarier leurs livreurs.

Les entreprises de livraison à domicile comme Uber Eats, Deliveroo ou encore Glovo seront obligées de salarier leurs livreurs. Image : Ross Sneddon/Unsplash

La position de Deliveroo reste pourtant la même. Elle offre de la flexibilité à des personnes qui souhaitent travailler quand elles le désirent. Les « milliers de livreurs » avec qui l’entreprise échange se montrent très satisfaits. Cette position n’est cependant plus dans le sens du vent … qui est en train de tourner.

La Commission européenne a entamé une vaste consultation avec les partenaires sociaux sur le travail à la tâche, l’heure n’est pas encore à la régulation. Des pays du Vieux Continent ont néanmoins déjà pris les devants. En début d’année, l’Italie a imposé à Deliveroo, mais aussi Uber Eats, Just Eat et Glovo à salarier leurs milliers de livreurs. Même décision en Espagne, et des avancées en Belgique. Dans son prospectus (pdf), Deliveroo a tout de même informé ses futurs investisseurs qu’elle avait mis 130 millions d’euros de côté destinés à couvrir le coût du passage de certains livreurs en salariés.

Espérant porter sa valorisation autour des 10 milliards d’euros, Deliveroo pourrait voir son introduction perturbée, mais pas nécessairement dégradée. Tout dépendra du pouvoir d’influence des deux fonds britanniques.