Reporters sans frontières (RSF) a porté plainte contre Facebook France et Facebook Irlande pour pratiques commerciales trompeuses. Dans un communiqué, l’organisation non-gouvernementale (ONG) accuse le réseau social d’être en contradiction avec ses conditions générales d’utilisation (CGU) et ses campagnes publicitaires. En cause, la profusion de messages haineux et de fausses informations.

Déposée auprès du procureur de Paris le 22 mars 2020, la plainte s’appuie sur des constats d’huissiers, de témoignages d’anciens salariés et autres. De cette manière, « RSF démontre que les engagements de la société californienne auprès des consommateurs reposent largement sur des allégations mensongères », détaille l’organisation de défense de la liberté de la presse. Par ailleurs, Facebook est représenté par l’organisation EDiMA qui fait du lobbying auprès de l’Union européenne pour une meilleure protection des géants de la tech quant à la modération de contenus.

Avec 40 millions d’utilisateurs et un droit de la consommation qui se prête particulièrement à ce cas, le choix de la France n’est pas anodin. L’hexagone incarne un point de départ pour une affaire aux ambitions internationales. D’autres plaintes sont à venir dans d’autres pays, relève RSF. L’objectif : réussir à faire plier Facebook dans un pays. Le réseau social ayant des conditions d’utilisations identiques à travers le monde, une décision de la justice française – ou autre – impacterait l’ensemble des utilisateurs de Facebook peu importe leur situation géographique.

Facebook se positionne comme le réseau social le moins sûr pour les femmes

Pour justifier la présence de messages haineux, RSF s’est appuyé sur le cas de la page Facebook de Charlie Hebdo. À la suite du numéro “Tout ça pour ça”, paru en septembre 2020, au moment de l’ouverture du procès faisant suite aux attentats de janvier 2015, nombre de messages haineux ont été publiés sur leur page. Les journalistes de L’Union et de l’émission Quotidien reçoivent également des commentaires menaçants et haineux sur Facebook. Comme le témoignent la mort de 12 personnes lors de l’attentat contre Charlie Hebdo et l’agression, en février 2021, d’un journaliste de L’Union, tout cela ne s’en tient pas uniquement à des mots.

Dans ses CGU, l’entreprise de Mark Zuckerberg s’engage à « un environnement sûr et sans erreurs » tout en interdisant le partage de « quoi que ce soit (d’) illégal ou trompeur ». Une théorie loin de la pratique selon RSF. L’ONG pointe du doigt le partage sur le réseau social des documentaires Hold Up et Manigance-19, dont l’inexactitude des faits a été pointée par l’AFP. Parmi les nombreuses vidéos de Hold Up publiées sur Facebook, cinq d’entre elles ont comptabilisé 4,5 millions de vues en deux mois. Du côté de Manigance-19, sur deux mois, la vidéo a été visionnée environ 4 000 fois par jour. Le tout malgré une campagne publicitaire vantant les actions de Facebook pour fournir « des informations précises en temps réel, pour mieux lutter contre la pandémie » diffusée au début de l’année 2021.

Selon un rapport (PDF) réalisé par First Draft, Facebook est la plateforme où les théories complotistes circulent le plus. D’après le German Marshall Fund, sur le quatrième trimestre 2020, 1,2 milliard d’interactions avec des sites « trompeurs » ont eu lieu sur Facebook. Un chiffre en baisse par rapport au troisième trimestre 2020 qui en comptait plus de 1,5 milliard.

Interactions depuis Facebook vers des sites trompeurs

Graphique des interactions depuis Facebook vers des sites trompeurs. Source :German Marshall Fund

Par ailleurs, un rapport (PDF) de l’UNESCO classe Facebook comme la « moins sûre des grandes plateformes » pour les femmes. En mars 2021, 14 militantes féministes ont assigné Facebook en justice. En cause, la censure de certaines de leurs publications sur Instagram pendant que le harcèlement les visant reste très présent.

Graphique des violences faites aux femmes sur les réseaux sociaux. Numéro un, Facebook. Numéro 2, Twitter. Numéro 3, Instagram. Numéro 4, YouTube. Numéro 5, WhatsApp.

Graphique des violences en ligne subies par les femmes sur les réseaux sociaux. Source : UNESCO

RSF attaque Facebook France sur les articles L121-2 à L121-5 du code de la consommation. Ces articles se concentrent sur « des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur », à la fois sur « les caractéristiques essentielles du bien ou du service » et sur « la portée des engagements de l’annonceur ». En cas de délit, l’amende s’élève jusqu’à 10% du chiffre d’affaires annuel moyen.