Surfant sur la vague d’une croissance exponentielle, Facebook se voyait déjà physiquement dans nos poches. Outrepasser son rôle de simple réseau social pour fournir à ses utilisateurs un système d’exploitation mobile, voilà l’idée qui se cachait derrière le lancement du Facebook Phone en 2013. Né d’une collaboration avec HTC, tournant sous Android, et vendu pour 99$, il était la première pierre de ce qu’aurait pu être Facebook aujourd’hui : un système d’exploitation mobile à part entière et un fabricant de smartphones, en concurrence avec Google et Apple.
Essuyant un échec malheureux, les rêves de Facebook furent balayés par la réalité du marché. Partie pour rester, cela n’a jamais freiné l’entreprise à se projeter et anticiper notre rapport aux écrans, histoire d’arriver au bon moment, avec la bonne technologie. D’abord concentré sur la réalité virtuelle et la réalité augmentée, le département Oculus Research fut rebaptisé Facebook Reality Labs au cours de l’été 2020.
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La semaine dernière, le laboratoire révélait une première partie de l’avancée de ses travaux, notamment sur sa vision de la réalité augmentée, à travers des lunettes notamment. L’article évoquait également un appareil placé sur le poignet permettant de contrôler tout cela. La seconde partie présentée à la presse s’est donc concentrée sur un bracelet créé par Facebook, poussant les interactions homme-machine plus loin encore. Si comme Neuralink il avait été question d’interface cerveau-machine en début d’année dernière, l’entreprise se veut moins intrusive.

Le prototype de bracelet développé par Facebook, équipé de capteurs électromyographiques pour « interpréter » les mouvements de l’utilisateur. Image : Facebook.
Des contraintes fortes
Au cours de la présentation, plusieurs critères sont revenus dans les différentes prises de paroles : simple d’utilisation, fiable, privé. D’autre part, du fait de son assimilation dans la réalité de l’utilisateur (à travers des lunettes) deux contraintes majeures sont traitées par les chercheurs.
La première, c’est le recours à une intelligence artificielle capable de comprendre un contexte. Par exemple, si la personne est en train de faire du sport, si elle écrit une lettre, si elle joue aux jeux vidéo, si elle fait la cuisine … Cet aspect est important afin d’adapter à la situation les commandes et les actions possibles.
La seconde, c’est le recours à une technologie qui permet à l’utilisateur de communiquer sans effort avec l’ensemble du système. Si plusieurs actions contextualisées se présentent lorsqu’il fait la cuisine, il doit être en mesure de sélectionner virtuellement celle qui l’intéresse.
Quelles solutions se présentaient à Facebook ? La voix ? Ce n’est pas assez privé pour l’utiliser en public ni fiable s’il y a trop de bruit autour. Un genre de télécommande ? Autant utiliser un smartphone… Cochant toutes les cases, c’est un concept élaboré autour du poignet qui a vu le jour au sein du Facebook Reality Labs.
Comment ça marche ?
Le prototype de bracelet dévoilé se base sur une technologie appelée électromyographie, ou EMG. Pour faire simple, elle permet de traduire des signaux moteurs (mouvement d’un ou plusieurs doigts) en une action dans le système. Ainsi, selon l’action effectuée par l’utilisateur avec sa main, elle se rapportera à une action particulière dans l’interface.
Le recours à l’EMG est particulièrement propice à l’exploitation du poignet. Elle peut ‘lire’ le déplacement d’un doigt au millimètre près. Au cours d’une démonstration, un des chercheurs a même réalisé un test durant lequel le système identifiait une intention d’effectuer une action.
« L’objectif des interfaces neuronales est de rompre cette longue histoire d’interaction entre l’homme et l’ordinateur et de faire en sorte que l’homme ait désormais plus de contrôle sur les machines que celles-ci n’en ont sur nous. Nous voulons des expériences technologiques où l’homme est le centre absolu de toute l’expérience, » explique Thomas Reardon directeur de la recherche du Facebook Reality Labs.
Avec cette technologie reliée au bracelet, toute interface, ou action semble fluide et d’une simplicité déconcertante. C’est d’ailleurs tout le but : simple d’utilisation, fiable, privé, contextualisé, et sans effort. Si derrière tout cela se cachent des années de recherche, et des technologies de pointe, ce qui en ressort est un aperçu de ce que nous réserve un futur sans smartphone. Facebook y voit-il une revanche à prendre après le flop du Facebook Phone ?
Vers un système d’exploitation Facebook ?
Bien évidemment, tout ce qui a été présenté au cours de cette conférence, et dans les prochaines présentations du laboratoire n’est que des concepts. Néanmoins, l’interface utilisateur semble élaborée, et l’on peut aisément se prêter à quelques spéculations.
Dans les différentes démonstrations des capacités offertes par l’association du bracelet et des lunettes de réalité augmentée, on découvre des actions de tous les jours. Faire la cuisine, lancer une playlist de musique, discuter avec ses amis, changer la luminosité d’une lampe connectée… Dans un des plans de la vidéo de présentation, on découvre même un carrousel reprenant l’agenda de l’utilisateur, sa liste de course, et ses activités sportives. Facebook préparerait-il son propre système d’exploitation mobile pour faire fonctionner tout cela ?

Exemple présenté par Facebook durant sa conférence. Le programme comprend ce que l’utilisateur cuisine, lui présente une recette avec les étapes qui évoluent selon son avancée. Les commandes sont actionnables avec des mouvements de doigts lu par le bracelet. Capture d’écran : Siècle Digital / Facebook.
Tout comme le smartphone est apparu comme une rupture avec les téléphones mobiles, les lunettes en réalité augmentée le seront-elles également ? Si l’entreprise de Mark Zuckerberg a manqué le premier appel, ses compétences, ses moyens humains, et son savoir-faire la mettent dans de bonnes prédispositions. Apple et Google ont-ils la même avance dans l’anticipation de la disparition du smartphone ?
Plusieurs possibilités s’offriraient à Facebook :
- Connecter son interface à un smartphone iOS ou Android, et le contrôler depuis les lunettes et le bracelet. Cela donne un accès aux applications de listes, de sport, de musique…
- Faire évoluer l’ensemble de l’application Facebook avec un mode pour la réalité augmentée, et la création de nouvelles fonctionnalités pour le sport, écouter de la musique, etc.
- Créer un système d’exploitation mobile, construit autour de Facebook (et Messenger), avec une bibliothèque d’applications permettant à l’utilisateur personnaliser son expérience s’il souhaite utiliser Spotify, Freeletics, Uber, Candy Crush, Slack …
Face à ces trois possibilités, un porte-parole de Facebook a répondu ceci à Siècle Digital : « Ce que nous avons partagé est encore en phase de recherche et, en tant que telle, il faudra attendre au moins quelques années avant qu’un produit de consommation ne soit livré. (…) Cela dit, il est passionnant de penser aux possibilités offertes par cette technologie. »
À l’instar de Microsoft qui s’est approprié une belle part du marché des consoles en lançant la Xbox, Facebook parviendra-t-elle à se faire une place dans l’univers du mobile de demain ?