La France a décidé d’agir sur un problème aux formes nombreuses : la relation entre services en ligne et utilisateurs, leur consentement, et la transparence des contrats. Pour cela, deux projets en un : Open Terms Archive et Scripta Manent. Ils visent à “assurer la transparence” afin d’aider les citoyens, les autorités et les régulateurs à comprendre les conditions de service des entreprises technologiques, a déclaré l’ambassadeur de France aux affaires numériques, Henri Verdier. “Nous voulions donner un outil à chaque utilisateur, avocat, chercheur, journaliste ou régulateur qui souhaite vérifier par lui-même les [conditions de service] des grandes entreprises technologiques”, dit-il. Grâce à ces outils, les utilisateurs seront en mesure de prendre connaissance de manière simple et efficace des conditions d’utilisation qu’ils ont accepté, de leurs modifications, et des droits qu’ils ont cédé aux sites internets.
Un enjeu de taille. Les acteurs du numérique sont devenus aujourd’hui des entreprises majeures de l’économie, impactant les démocraties, les droits humains et les sociétés. Au cœur de leur modèle, bien souvent, une utilisation des données récoltées sur leurs utilisateurs, afin de leur proposer un contenu de plus en plus adapté et personnalisé. Facebook, à titre d’exemple, réalise environ 32 euros en revenus publicitaires par an, pour chaque utilisateur. Le problème intervient alors lorsque l’on réalise que les bases juridiques de ces agissements, tout comme les droits cédés et les données partagées, sont bien souvent inconnues aux utilisateurs eux-mêmes, pourtant sujets et objets.
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Si l’on vous disait que les conditions générales d’utilisation (CGU) de PayPal sont plus longues que Hamlet ? Cela expliquerait probablement les clics mécaniques de la majorité des utilisateurs qui acceptent les CGU des services en ligne, sans pourtant en avoir lu la moindre ligne. Pour l’anecdote, GameStation a un jour inclus entre les lignes de ses CGU une clause stipulant l’abandon de l’âme éternelle de l’utilisateur…et 700 personnes ont conclu ce pacte du diable en une journée. C’est bien la preuve que très peu lisent réellement ces documents à la folle longueur.
Et pour cause, une étude menée aux États-Unis appelée “Le devoir de lire l’illisible” démontre que ces documents, qui sont en fait des contrats que l’on signe avec le site que l’on souhaite utiliser, sont écrits avec un niveau de langage similaire à un publication académique en droit. Tout cela se complique quand, à cela, s’ajoute le fait que ces termes du contrat ne sont pas fixes, mais bien mobiles, et sujets à modification.
Comment espérer un écosystème numérique juste mettant au centre de l’attention les droits de l’utilisateur comme le veut l’Europe, si ces derniers se trouve dépossédé de l’accès aux conditions selon lesquelles ils cèdent leurs données personnelles ? Les DSA et DMA témoignent d’une tentative, mais sont encore loin de s’avérer fournir des solutions immédiates et efficaces aux citoyens européens.
Un rapport du think tank GenerationLibre de 2018 pointe que 62% d’européens se trouvent inquiets de ne pas avoir un contrôle complet sur les informations qu’ils fournissent en ligne. C’est à ces inquiétudes que tente d’apporter une réponse les nouveaux outils développés par l’équipe d’Henri Verdier.
Open Terms Archive
Le premier est la plateforme elle-même : Open Terms Archive. Gratuite et collaborative, elle enregistre les modifications apportées aux conditions d’utilisation en temps réel. Un peu de la même manière que Google Docs suit les modifications d’un document modifié par plusieurs utilisateurs au fil du temps, il permet ici d’offrir “une première boîte à outils pour responsabiliser l’utilisateur, piégé dans une relation asymétrique avec les fournisseurs de services numériques”, déclare l’ambassadeur du numérique. Collaborative, cette plate-forme l’est dans le sens où “tout le monde peut ajouter les documents d’une instance privée et suivre les modifications par lui-même”. N’importe qui peut ajouter des CGU, mais aussi des “politique de confidentialité”, ou des “accord de développeur”, qui sont ensuite classés.
Comparatif des modification des CGU de Google. Source : Open Terms Archive
Scripta Manent
Le second est Scripta Manent, le premier outil de la plateforme, assez simple en lui-même. Il contient actuellement 367 contrats et permet de mesurer toutes les évolutions, ajouts ou suppressions, entre deux dates. Ces contrats ont été majoritairement récupérés grâce à l’aide de l’association TOSBack, qui a permis d’avoir une base de départ concentrée sur 174 fournisseurs de services numériques. L’outil permet ainsi aux utilisateurs de savoir si les CGU d’un service ou d’un site web ont changé, comment, et à quel point. Le tout fonctionne sur la base d’un code couleur, où le rouge correspond aux clauses supprimées, le jaune aux modifications, et le verts aux ajouts. Les détails du projet sont accessibles à la consultation en ligne sur GitHub.
La France travaille maintenant à la création de nouvelles fonctionnalités au sein de la plateforme Open Terms Archive, telles que le suivi des images et des documents au format PDF. L’équipe technique de l’Ambassadeur et ses partenaires internationaux envisagent également une traduction de l’outil, pour une utilisation encore plus large.