Zhang Feng, un cadre dirigeant de Tencent, est détenu par les autorités chinoises pour implication dans une affaire de corruption. L’employé de Tencent aurait partagé sans autorisation des données personnelles collectées par l’application WeChat à l’ancien vice-ministre de la sécurité publique de Chine Sun Lijun. Cet homme politique fait également l’objet d’une enquête s’inscrivant dans une campagne plus large de lutte contre la corruption au sein des autorités judiciaires. Sun Lijun est accusé de « violation de la discipline et de la loi ».

Révélé début février 2021 par le Wall Street Journal, l’enquête aurait commencé début 2020. Les autorités chinoises n’ont pas confirmé qu’une enquête visait Zhang Feng. Selon un porte-parole de Tencent, l’affaire « concerne des accusations de corruption sur le plan personnel et n’a aucun rapport avec WeChat ou Weixin [équivalent chinois de WeChat] ».

Après avoir passé la majorité de sa carrière dans un des départements du comité central du Parti Communiste, Zhang Feng travaille pour Tencent depuis 2018. Toutefois, la position occupée par Zhang Feng au sein de Tencent demeure floue. D’après un registre de la municipalité de Zhangjiakou, une ville proche de Pékin, il a occupé le poste de vice-président lors d’une rencontre avec le maire de la ville en 2018. Une source proche du sujet a également déclaré que Zhang Feng travaillait en tant que responsable exécutif des affaires gouvernementales, poste pour lequel il gérait les relations entre Tencent et les ministères chinois. Des déclarations niées par l’entreprise qui affirme que Zhang Feng n’a jamais été cadre supérieur ou placé à un poste de direction.

Depuis décembre 2019 le PDG de Tencent fait toutes ses apparitions en visio

Zhang Feng et Sun Lijun ne se sont pas exprimés sur l’enquête. Zhang Feng n’a pas pu être contacté pour réagir à ces accusations et l’endroit où il se trouve actuellement n’est pas connu. Du côté du responsable politique, Sun Lijun n’a ni répondu aux inspecteurs anti-corruption du gouvernement chinois – la Commission centrale d’inspection disciplinaire – ni au Bureau d’information du Conseil d’État. Les inspecteurs anti-corruption ont d’ailleurs été tenus à l’écart des infractions présumées de Sun Lijun dans l’enquête pour « violation de la discipline et de la loi » débutée en avril.

Pendant que Zhang Feng est pris dans des tourments judiciaires, le fondateur et PDG de Tencent, Ma Huateng alias Pony Ma, n’a pas fait d’apparition ou d’événement public depuis la conférence mondiale sur l’intelligence artificielle qui s’est tenue à Shanghai en août 2019. Depuis décembre de la même année, toutes ses interventions ont été virtuelles. Même pour les réunions de fin d’années, une pratique particulièrement inhabituelle pour Ma Huateng. Plus étonnant, il a loupé les 40 ans de la zone économique spéciale de Shenzhen où Tencent est basée. La raison officielle justifiant ces absences serait une convalescence à la suite d’une blessure au dos. Pourtant soumis à aucune accusation, Ma Huateng passerait la majorité de son temps à Hong Kong selon des sources proches de l’affaire. Malgré une ressemblance dans leurs noms, Pony Ma n’est pas relié à Jack Ma. Néanmoins, leurs situations ont des similitudes. Le fondateur d’Alibaba a lui aussi eu une période plus que discrète, sans apparitions publiques, ce qui avait fortement agité la toile. Il n’est donc pas étonnant que l’absence de Ma Huateng suscite des inquiétudes au sein de ses employés.

Les données : une quête pour le Parti Communiste

Cette enquête qui mêle à la fois un cadre dirigeant d’un des BATX et un responsable du gouvernement met la lumière sur la relation ambiguë entre les géants de la tech et le gouvernement chinois. De fait, les acteurs du numérique collectent de nombreuses données, et leur utilisation et leur partage interrogent. Si les autorités montrent des craintes face à un monopole sur les données, le fait que le gouvernement cherche à y avoir accès témoignent d’enjeux liés avant tout à la puissance et l’influence. Pékin ou les BATX, lequel exerce un pouvoir sur l’autre, là peut être la question. Avec une volonté croissante de durcir ses politiques sur la concurrence afin de reprendre le contrôle sur les données de ses citoyens le message est clair : le Parti Communiste ne veut pas qu’on lui fasse de l’ombre, c’est lui qui mène la danse.

WeChat est le principal réseau social en Chine. En proposant en parallèle de son service de messagerie un système de paiement, l’entreprise collecte de nombreuses données sur la vie quotidienne de ses 1,2 milliards d’utilisateurs. Il va s’en dire que WeChat incarne un puissant outil de surveillance pour le gouvernement, qui par ailleurs demande régulièrement la suppression d’opinions dissidentes présentes sur le réseau.

Malgré ces différents événements, Tencent se porte bien. En décembre 2020, l’entreprise a dépassé Alibaba en termes de capitalisation boursière.