Depuis le 1er mars 2020, pour des questions de concurrence, dans 31 pays européens Google Search n’est plus automatiquement installé sur les smartphones Android. Dorénavant, les utilisateurs ont le choix entre quatre moteurs de recherche. Sur chaque fenêtre de proposition, trois moteurs de recherche alternatifs sont mis en avant aux côtés de Google. Une évolution encourageante pour les questions de souveraineté numérique, mais pas toujours perçue comme suffisante. Un des reproches est la contrainte pour les moteurs de recherche alternatifs à verser une commission à Google s’ils sont installés. Ainsi, en octobre 2020, Ecosia, Qwant, Lilo, DuckDuckGo et Seznam se sont adressés à la commissaire européenne à la concurrence Margrethe Vestager pour modifier ce processus. À leur blâme s’ajoute l’étude de Michael Ostrovsky, professeur d’économie à l’université de Stanford, qui épingle le fonctionnement biaisé de ce système.

« Par le passé, nous avons vu qu’un écran proposant différents choix est une manière efficace d’encourager le choix de l’utilisateur », affirmait Margrethe Vestager quelques semaines après la mise en place du choix de moteur de recherche. Mais, quelques mois plus tard, une étude se penche sur le choix des moteurs de recherches sur Android. Réalisée par Michael Ostrovsky, ce dernier émet des réserves quant aux retombées de la mesure pour les moteurs de recherche alternatifs (puisqu’elle fonctionne avec un système d’enchères), particulièrement pour ceux possédant moins de revenus ou constitués en organisation sans but lucratif.

Google va proposer des moteurs de recherche alternatifs.

Fenêtre proposant des moteurs de recherche alternatifs sur Android.

Pour apparaître parmi les choix Android les moteurs de recherches sont en compétition via un système d’enchères. Ainsi, le moteur de recherche info.com qui propose des fonctionnalités restreintes, une interface peu attrayante et beaucoup de publicité a les moyens d’investir et est davantage mis en avant. A contrario, des moteurs plus éthiques comme Lilo ou DuckDuckGo ont moins de revenus publicitaires et s’offrent donc moins de visibilité. Cette situation n’est pas nécessairement une fatalité et une révision du fonctionnement des enchères pourrait inverser la tendance.

Le système profite à Google

Selon l’étude (pdf) du professeur de l’université de Stanford, un détail d’apparence mineur pourrait avoir des conséquences majeures sur la présentation des moteurs de recherches, et, par conséquent, sur leur éventuelle sélection par l’utilisateur. La nuance réside dans la manière dont les moteurs de recherche sont proposés, que ce soit sur une base « par installation » ou « par affichage ». Aujourd’hui, la tendance porte sur le « par installation ». Le moteur de recherche paie quand il est installé.

Si la nuance entre « par installation » et « par affichage » peut paraître floue, elle est plus facile à aborder avec un exemple. Deux moteurs de recherche sont en concurrence pour une place afin d’être proposés sur Android. Le moteur A reçoit 10€ par utilisateur l’installant et il a 10% de chance d’être choisi par l’utilisateur. B reçoit 20€ par utilisateur installant son moteur et il a 1% de chance d’être choisi. Pour apparaître parmi les propositions, le coût pour A s’élève à 1€, et celui de B à 0,20€. Ainsi, sur une base « par affichage », A est choisi pour apparaître dans les propositions. A paiera 0,20€ et sera choisi 10% du temps, par conséquent la plateforme dominante est choisie 90% du temps. Alors que sur une base « par installation » c’est le moteur B qui est sélectionné et il paiera 10€ à chaque fois que son moteur est installé, ce qui revient à un coût d’apparition de 0,10€. Dans ce deuxième cas, B est choisi seulement 1% du temps et le moteur de recherche dominant à 99%.

Face à ce constat, Michael Ostrovsky conclut : « Ainsi, par rapport au “par apparition”, le “par installation” diminue les chances qu’un autre moteur de recherche soit choisi par l’utilisateur (ce qui le rend plus attractif pour la plateforme dominante) et donne l’avantage aux moteurs de recherche qui génèrent un revenu plus élevé par utilisateur par rapport à ceux qui sont plus populaires mais qui génèrent moins de revenus par utilisateur ».

« Av. Pop.» correspond aux nombres de fois où le moteur de recherche est apparu parmi les choix proposés sur Android et « installs » correspond aux nombres d’installations. Une lecture du tableau est que DuckDuckGo qui est plus installé est moins présenté. Selon l’auteur de l’étude, cela est dû à la capacité d’investissement du moteur de recherche. Pour l’intérêt des utilisateurs, les moteurs les plus installés devraient être davantage mis sur le devant de la scène, mais cela serait moins rentable pour Google.

L’étude a été publiée en novembre 2020 et est récemment remontée sur Twitter :