Après plusieurs semaines d’examen, le Conseil de surveillance de Facebook a rendu sa première série de décisions. Alors que le réseau social de Mark Zuckerberg avait banni cinq publications pour cause de désinformation, de nudité ou encore d’incitation à la haine, l’entité indépendante a estimé que quatre d’entre elles se devaient d’être restauré.

Le Conseil de surveillance en désaccord avec la modération de Facebook

Entré en action au mois de décembre 2020, le Conseil de surveillance est une entité indépendante créée par Facebook qui se compose de 40 membres, dont un ancien Premier ministre et un lauréat du prix Nobel, et qui pourrait se comparer à une cour d’appel de la modération. Plus clairement, lorsqu’un utilisateur n’est pas d’accord avec une décision de modération prise par le réseau social, il peut faire appel à ce conseil pour que sa publication soit réexaminée.

Justement, c’est ce qu’ont décidé de faire cinq utilisateurs de la plateforme au mois de décembre dernier. Après plusieurs semaines d’examen, le Conseil de surveillance a finalement tranché : quatre d’entre elles devront être rétablies par Facebook.

La campagne de sensibilisation au cancer du sein

La première d’entre elles est une publication Instagram brésilienne contenant des photos de seins nus dans le cadre d’une campagne de sensibilisation au cancer. Censurée pour cause de nudité, celle-ci n’enfreignait pourtant pas les règles du réseau social. Dans un article détaillé, le Conseil de surveillance explique : « Les règles communautaires de Facebook sur la nudité autorisent expressément la nudité lorsque l’utilisateur cherche à « sensibiliser à une cause ou à des raisons éducatives ou médicales » et autorise spécifiquement les mamelons féminins découverts pour faire progresser la « sensibilisation au cancer du sein » ».

De son côté, Facebook a expliqué que la suppression de ce post était une erreur algorithmique. Une justification insuffisante, voire inquiétante, pour le Conseil de surveillance : « La suppression de ce post indique l’absence d’une surveillance humaine appropriée, ce qui soulève des préoccupations en matière de droits de l’Homme ».

La critique de la politique de Donald Trump contenant une citation d’un nazi

La seconde publication critiquait, quant à elle, la politique de Donald Trump en citant le nazi Joseph Goebbels. Elle a été supprimée par Facebook pour violation des règles communautaires sur les personnes et organisations dangereuses puisque, selon le réseau social, l’utilisateur n’aurait pas clairement indiqué qu’il partageait cette citation pour condamner Joseph Goebbels, pour contrer l’extrémisme et le discours de haine, ou à des fins universitaires ou d’information.

Un avis qui n’a pas été partagé par le Conseil de surveillance : « En examinant l’affaire, la Commission a conclu que la citation ne soutenait pas l’idéologie du parti nazi ou les actes de haine et de violence. Les commentaires des amis de l’utilisateur sur le post soutenaient l’affirmation de l’utilisateur selon laquelle ils cherchaient à comparer la présidence de Donald Trump au régime nazi ».

Le manque de réaction face au traitement des musulmans ouïghours en Chine

Le troisième contenu, publié en Birmanie, concernait « l’absence supposée de réaction au traitement des musulmans ouïghours en Chine, par rapport à la réaction violente aux caricatures en France ». Un post que Facebook a choisi de supprimer car il contenait la phrase « [il y a] quelque chose qui ne va pas avec les musulmans sur le plan psychologique « , une déclaration estimée comme allant à l’encontre de la politique du réseau social sur les discours de haine.

Sur ce point, l’analyse du Conseil de surveillance est la suivante : « La Commission a estimé que si la première partie du post, prise isolément, peut sembler faire une généralisation insultante des musulmans (ou des hommes musulmans), le post doit être lu dans son ensemble, en tenant compte du contexte. (…) Considérant les normes internationales en matière de droits de l’Homme sur la liberté d’expression, la Commission a estimé que, bien que le post puisse être considéré comme péjoratif ou offensant pour les musulmans, il ne prônait pas la haine ni n’incitait intentionnellement à une forme quelconque de préjudice imminent. En tant que tel, le Conseil ne considère pas que sa suppression soit nécessaire pour protéger les droits d’autrui ». 

La critique de l’Agence nationale de sécurité du médicament en France

Enfin, le quatrième post venait de France et concernait la Covid-19. Retiré en vertu des règles communautaires sur la désinformation et en raison d’un risque imminent de danger physique, celui-ci critiquait l’Agence nationale de sécurité du médicament et le gouvernement français pour son refus d’autoriser l’usage de l’hydroxychloroquine, médicament qui pouvait, selon l’utilisateur, sauver des vies.

Là encore, le Conseil de surveillance a demandé à ce que le post soit restauré, en expliquant : « La combinaison de ces médicaments qui, selon le post, constitue un remède, n’est pas disponible sans ordonnance en France et le contenu [du post] n’encourage pas les gens à acheter ou à prendre des médicaments sans ordonnance. Compte tenu de ces facteurs et d’autres facteurs contextuels, la Commission a noté que Facebook n’avait pas démontré que le message atteindrait le niveau de préjudice imminent, comme l’exigent ses propres règles communautaires ».

Facebook répond à son Conseil de surveillance

Suite à ces décisions, Facebook aura pour obligation de rétablir les quatre posts concernés. Dans un article publié sur son blog, le réseau social a tout de même tenu à répondre à son Conseil de surveillance : « Aujourd’hui, le Conseil de surveillance a publié ses décisions sur la première série de cas qu’il a choisi d’examiner. Nous mettrons en œuvre ces décisions exécutoires conformément aux règlements et avons déjà rétabli trois des contenus concernés, comme l’a demandé le Conseil de surveillance. Nous avions déjà rétabli le post de sensibilisation au cancer du sein l’année dernière, car il n’enfreignait pas nos politiques et avait été supprimé par erreur ».

En outre, le réseau social annonce qu’il publiera prochainement, à la demande de son Conseil de surveillance, une politique de modération plus claire et transparente quant à la désinformation liée à la Covid-19. Il s’engage également à appliquer les décisions rendues par sa commission à d’autres contenus similaires publiés sur sa plateforme, promettant que « leurs recommandations auront un impact durable sur la manière dont nous structurons nos politiques ».

La « Cour suprême » de Facebook continuera, quant à elle, à examiner d’autres cas. La décision de l’un d’entre eux est particulièrement attendue puisqu’il concerne la suspension du compte de Donald Trump suite à la prise du Capitole. Attendue pour le mois d’avril 2020, cette affaire pourrait bien être l’une des plus importantes qu’aura à traiter la Commission.