Lundi 6 janvier, le ministère ukrainien à la Transformation numérique a signé un accord avec la Stellar Development Foundation. Cet accord signé avec l’organisme à but non lucratif qui soutient le développement du réseau Stellar vise à créer un “écosystème d’actifs virtuels et une monnaie numérique nationale ukrainienne”. Stellar et le gouvernement ukrainien devraient travailler main dans la main afin d’établir une stratégie d’émission et de développement de monnaie numérique. Par ailleurs, on sait désormais que la version numérique de la hryvnia, la monnaie nationale de l’Ukraine, sera basée sur la blockchain Stellar, aux nombreux avantages pour les Banques Centrales.
Début décembre, Stellar, fondée par le co-fondateur de Ripple en 2014, a été sélectionnée par la banque allemande Bankhaus von der Heydt (BVDH) comme moyen d’émettre un stablecoin adossé à l’euro, premier du genre. Le régulateur allemand BaFIN a déjà également approuvé l’émission d’obligations symboliques sur Stellar. Cette dernière séduit de plus en plus les cryptomonnaies, puisque en octobre dernier, le stablecoin USDC de Coinbase et Circle y avait également été déployé. Des atouts qui renforcent le projet jusqu’à lui attirer les banques centrales, comme celle de l’Ukraine.
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La PDG de la Stellar Development Foundation, Denelle Dixon, a soutenu que le partenariat avec le gouvernement ukrainien et d’autres parties prenantes pour numériser la hryvnia serait officiellement lancé en janvier 2021. L’Ukraine s’était pourtant faite discrète jusqu’ici, travaillant sur la monnaie numérique sans attirer la lumière des médias internationaux.
Un pays en avance sur les technologies blockchain
Il faut dire que les cryptomonnaies, des actifs différents d’une monnaie numérique de banque centrale, y sont relativement communes. Le Global Crypto Adoption Index, un classement établi par Chainanalysis qui dépeint les tendances d’adoption des cryptomonnaies, classait le pays au premier rang, devant la Russie, le Venezuela, et même la Chine. La population de 42 millions d’habitants est grandement technophile et, l’économie étant actuellement instable, amène les jeunes à considérer des alternatives. Sur fond de corruption endémique et d’oligarchie, l’Ukraine est donc le terrain parfait pour le fleurissement des cryptomonnaies. Une situation qui, comme pour beaucoup de pays s’intéressant aux MNBC, est synonyme de menace à la souveraineté monétaire de l’État.
L’attraction du pays pour les cryptomonnaies a de nombreuses causes communes avec le travail du gouvernement sur la monnaie de banque centrale. À savoir, la présence d’une grande communauté de développeurs blockchain et d’experts technologiques, une réglementation plutôt lourde des devises étrangères qui complique et augmente les coûts de l’import-export, mais aussi l’absence d’un marché boursier et l’instabilité de la monnaie nationale : la hryvnia. Concernant cette instabilité, elle pourrait constituer une des raisons majeures derrière le développement d’une monnaie numérique ukrainienne officielle.
En effet, la situation nationale s’avère tendue. Entre la crise sanitaire, la crise politique, et la crise économique, le pays est dans une curieuse inertie. On dit souvent à son propos que les nécessités de réformes y sont bloquées par le problème de fond que représente la corruption, dans un pays mené par un président ex-acteur. Sans oublier que le conflit au Donbass est toujours actif, et que l’économie repose grandement sur l’aide apportée par le Fond Monétaire International (FMI). La technologie, un des secteurs dans lequel les jeunes ukrainien sont de plus en plus formés, serait donc un bon moyen de contrer cette inertie multi-sectorielle. Par ailleurs, une monnaie numérique pourrait permettre de rafraîchir la monnaie actuelle, très instable, et de plus en plus victime d’un abandon pour les cryptomonnaies.
La MNBC ukrainienne, prête à décoller
Une monnaie numérique de banque centrale (MNBC), rappelons-le, est une monnaie émise par une banque centrale, mais sous une forme numérique. Elle a la même valeur qu’une monnaie fiduciaire (sous la forme de pièces et de billets), mais ne se présente pas comme eux de manière physique. Tout comme elle est à distinguer des pièces et billets, la MNBC est à distinguer des cryptomonnaies. À leur différence, la MNBC recourt aux “Centralized Ledger Technologies”, ce qui veut dire que la blockchain est centralisée, et permet à une entité particulière un contrôle des transactions.
On reconnaît originellement une blockchain dans ce qu’elle fonctionne sans organe central de contrôle, mais les MNBC ont quelque peu bousculé le paradigme. Centralisée ou décentraliée, elle est composée de blocs sécurisés grâce à la cryptographie, structurés par des liens les uns aux autres, à intervalles de temps réguliers. Chaque bloc de cette chaine est une transaction effectuée, enregistrée, et datée. On reconnaît une MNBC dans le fait qu’elle ne permette pas à tout utilisateur de vérifier et contrôler ces blocs, elle donne ce rôle à l’entité qui l’émet : la Banque centrale, ou une entité déléguée par elle.
Dans le cas de l’Ukraine, la Banque nationale du pays avait mentionné en 2019 l’utilisation d’une « version privée de la blockchain Stellar », ce qui reviendrait à privatiser et centraliser la technologie donnée. Selon le COO de Stellar, Jason Chlipala, le mécanisme de consensus de Stellar donnerait aux émetteurs des certitudes uniques qu’ils n’auraient pas sur d’autres blockchains publiques (comme la finalité imposée par l’émetteur). Il écrit à Coindesk que « Stellar servirait bien une banque centrale, reflétant les relations de confiance qu’il entretiendrait et lui attribuerait finalement un vote significatif dans le protocole de consensus ».
Maintenant que le socle de la MNBC ukrainienne est établi, sa forme reste à définir. Certains évoquent la possibilité d’un token, calqué sur le modèle du stablecoin récemment lancé sur la blockchain Stellar par l’une des plus anciennes banques d’Europe, la Bankhaus von der Heydt (BVDH).
Comme l’Ukraine, de nombreux pays du monde travaillent sur leurs monnaies numériques de Banque Centrale. On parle souvent du projet de yuan numérique de la Chine, qui prouve chaque jour un peu plus ses avancements et ses ambitions pour la digitalisation de son économie. L’Europe elle-même travaille sur son euro numérique et avait initié une période de consultation de 3 mois en octobre, qui devrait se traduire en 2021 par une reprise des recherches et expérimentations.