Alors que la pandémie de Covid-19 est toujours aussi virulente à travers le monde, le gouvernement singapourien décide d’exploiter un peu plus les données recueillies grâce à son application de contact tracing. Certains experts en cybersécurité craignaient que cela puisse devenir réalité… Singapour vient d’annoncer que les données de TraceTogether pourraient servir aux policiers dans le cadre des futures enquêtes criminelles.

TraceTogether se transforme en outil de surveillance de masse

C’est très clairement le début d’une politique de surveillance de masse. C’est précisément ce que soulevait Le Temps il y a quelques mois. Ce média suisse titrait le 6 mai 2020 : « À Singapour, le traçage par app dégénère en surveillance de masse ». En effet, le 21 avril 2020, alors que TraceTogether ne séduisait pas, Lee Hsien Loong, Premier ministre de Singapour avait décidé d’aller plus loin en insistant : « nous devons utiliser pleinement la technologie pour retracer le parcours des personnes infectées par le virus ». Un haut responsable de la santé du pays avait même demandé que TraceTogether devienne obligatoire.

Résultat, à ce jour l’application TraceTogether ne compte pas moins de 4,2 millions d’utilisateurs contre à peine 1 million en avril. Le gouvernement a réussi son pari. La cité-État décide aujourd’hui d’aller un cran plus loin. Les données récoltées ne serviront plus uniquement à aider à contrôler la pandémie de Covid-19, elles serviront également à la police locale dans le cadre d’enquêtes criminelles. Singapour a confirmé que ses forces de l’ordre pourront accéder aux données recueillies par l’application de contact tracing.

La cité-État va bien au-delà de son engagement initial

Comme l’application française TousAntiCovid, TraceTogether fonctionne grâce au Bluetooth pour détecter les autres utilisateurs ayant également téléchargé l’application, à moins de 2 mètres. Cela permet d’identifier des personnes qui ont été en contact. On imagine très bien comment de telles données pourront servir dans le cadre des enquêtes criminelles que la police mènera prochainement. Pourtant, avant le lancement de l’app, le ministre des Affaires étrangères, Vivian Balakrishnan, avait insisté sur le fait que « les données ne seront jamais consultées à moins que l’utilisateur ne soit testé positif« .

Initialement, le ministre avait également déclaré que : « seule une équipe très limitée de médecins auront accès aux données ». Il estimait que cela serait nécessaire pour identifier l’activité d’un contact positif… Le discours a légèrement changé aujourd’hui. Le ministre de l’Intérieur, Desmond Tan, estime qu’en vertu du code de procédure pénale, la police de Singapour peut obtenir toutes les données, y compris les données issues de TraceTogether.

Quand un journaliste pose la question au ministre de l’Intérieur pour avoir son avis sur l’engagement pris à propos de la confidentialité des données, voici sa réponse : « la sécurité de nos citoyens est plus importante et c’est pour cette raison que nous n’excluons pas l’utilisation des données issues de TraceTogether dans des circonstances où cette sécurité serait affectée ». La police singapourienne joue un rôle clé depuis le début de la pandémie. Elle aide en réalité les autorités à identifier les malades. En revanche cette fois-ci, la cité-État va bien au-delà de son engagement initial et viole la vie privée de ses concitoyens.