Le 16 décembre dernier, le procureur général du Texas Ken Paxton accompagné par neuf autres États a porté plainte contre Google, visant le monopole qu’elle exerce dans le domaine de la publicité en ligne. Le document évoquait notamment un mystérieux accord passé entre la firme de Mountain View et Facebook baptisé « Jedi Blue ». Après avoir consulté un fichier contenant les différentes accusations pesant sur l’entreprise, le Wall Street Journal dévoile de nouvelles informations sur ce contrat illégal passé entre deux mastodontes de la technologie.

Un contrat autour des enchères publicitaires de Google

Il faut premièrement présenter le contexte dans lequel l’accord a été trouvé, il concerne en effet les enchères d’en-tête proposées par Google aux annonceurs. En bref, ce système place les espaces publicitaires présents sur un site aux enchères et le fournit au plus offrant pendant la fraction de seconde qu’il faut à la page pour se charger. En 2016, cet outil était utilisé par 70% des éditeurs majeurs, faisant craindre à Google qu’un concurrent, et particulièrement Facebook, n’embrasse un système similaire. C’est ce qu’il s’est passé en 2017… Poussant Google à se rapprocher de la firme de Mark Zuckerberg pour s’entendre avec elle et garder son pouvoir dans le domaine de la publicité.

Un an plus tard, en septembre 2018, les deux entreprises ont donc trouvé un accord surnommé en interne « Jedi Blue », leur permettant d’asseoir leur monopole sur les enchères de publicité en ligne. Suite à la signature de ce contrat secret, Facebook a rejoint un programme publicitaire de Google baptisé Open Bidding pour en réalité mieux coopérer avec la firme, selon la plainte.

Les détails de « Jedi Blue »

Voici certains des gros points du contrat rapportés par le Wall Street Journal :

  • Les frais de transaction que devait Facebook à Google étaient de 5 à 10 %, la firme de Mountain View assure qu’il s’agit du montant standard, tandis que les régulateurs assurent qu’ils tournent autour des 20% pour les autres annonceurs.
  • Google aide Facebook à reconnaître les utilisateurs sur smartphones et sur desktop.
  • Facebook propose de montrer des publicités à 90% des utilisateurs reconnus.
  • Facebook dispose d’un délai de 300 millisecondes pour reconnaître l’utilisateur et enchérir, tandis que d’autres participants ont un délai plus court de 160 millisecondes.
  • Facebook s’est engagé à dépenser 500 millions de dollars par an à partir de la quatrième année.

Bien entendu, le « Jedi Blue » est avantageux pour les deux partis. Alors qu’habituellement, les annonceurs doivent passer par un échange pour l’emporter et avoir accès aux serveurs publicitaires de Google, Facebook peut directement y arriver en sautant cette étape, lui permettant de dépenser moins d’argent que ses concurrents tout en gagnant du temps. En outre, Google indique à Facebook quelles opportunités publicitaires sont proposées par des bots, alors que cette information est refusée aux rivaux du réseau social, lui offrant un grand avantage par rapport à ces derniers.

Pire encore, le contrat nous apprend que Google participe aux enchères qu’elle organise. Afin de se protéger, la firme de Mountain View a ainsi promis à Facebook qu’elle n’exploiterait pas son historique dans enchères pour influencer leur prix. Contactée par le Wall Street Journal, une porte-parole de Google a déclaré que la plainte « dépeignait mal cet accord », tout en affirmant ne jamais avoir manipulé les enchères publicitaires. Selon elle, Facebook n’est pas l’unique entreprise à avoir participé au programme Open Bidding.

Pour le sénateur républicain de l’Utah Mike Lee, le Département de la Justice américain devrait s’intéresser au « Jedi Blue » dans le cadre de l’inculpation de Google pour abus de position dominante effectuée au mois d’octobre dernier. Par ailleurs, cette affaire sera beaucoup moins complexe que d’autres cas antitrust, car la manipulation d’enchères est illégale. La seule défense que Google puisse avoir est d’infirmer les accusations devant le tribunal.