Une récente étude publiée dans Nature Human Behaviours et commentée dans un article du Washington Post par les trois contributeurs met en avant la capacité moindre des médias locaux à apparaître dans les premiers résultats sur Google News.

L’intuition des chercheurs était que la période difficile que subissent les médias locaux a un lien avec la manière dont ils sont visibilisés sur les plateformes digitales en comparaison des éditeurs nationaux. Pour tester cette hypothèse, ils ont conduit une étude sur Google Actualités.

En se basant sur deux ensembles de mots clés, les trois chercheurs ont recueilli plus de 12 millions de résultats sur Google News dans les 3 000 comtés américains. Le premier ensemble utilisait des structures et expressions censées calquer le comportement d’une personne cherchant des informations plus locales (avec des expressions comme “météo à proximité” ou “crime à proximité”), tandis que le second ensemble ciblait plutôt la recherche d’information générale qu’un internaute serait amené à faire (informations sur “le climat” ou sur “l’immigration” par exemple).

Rarement sur la première page, leurs contenus exclus malgré leur pertinence…les médias locaux se font cannibaliser l’attention des lecteurs par les gros éditeurs

Si les recherches orientées vers le local faisaient ressortir plus de médias locaux tandis que les recherches nationales faisaient remonter plus de médias nationaux, les chercheurs soulignent que les lecteurs vont rarement sur la seconde page de Google et s’arrêtent même souvent aux premiers résultats. Et c’est là que le bas blesse. Leur étude montre que Google News place un nombre beaucoup plus important de médias nationaux dans les premiers résultats, que les recherches soient locales ou nationales.

L’exemple de la requête “vote anticipé” est jugé caractéristique par les chercheurs. Même si celle-ci rentrait dans le champ d’une recherche nationale, ils estiment que des électeurs auraient voulu avoir des informations locales. Pourtant, seuls 20% des 10 premiers résultats de recherche provenaient de médias locaux.

Les chercheurs avancent également que le nombre de média locaux d’information -qui varie en fonction des comtés- n’a pas d’impact sur le nombre d’apparitions de ceux-ci sur la première page de Google News. Et de préciser : “Vous avez les mêmes chances de voir une source d’information locale dans les résultats de recherche de Google News si vous vous vivez dans un endroit où il n’y a pas de source d’information locale, comme c’est le cas dans de nombreuses communautés rurales, ou dans un endroit où l’information locale est abondante, comme c’est le cas dans les grandes zones métropolitaines”.

Les contributeurs de l’étude avancent que les sources médiatiques avec plus de moyens, bénéficiant d’un lectorat plus important et dont l’information est très suivie, sont valorisées par l’algorithme de Google News. Concrètement, priorité est donnée aux médias nationaux, ce qui explique la difficulté, même dans le cadre de sujets locaux, d’apparaître dans les premiers résultats quand on est une source d’information locale. Les chercheurs vont même plus loin en pointant ce même algorithme de Google Actualités, qui ne tiendrait pas compte du contexte ou des sujets, ne favorisant pas ce type de sources pourtant pertinentes.

Les risques de l’invisibilisation de la presse locale

Cette étude intervient dans un contexte où, comme le rappellent les chercheurs, un journal sur cinq a cessé de paraître aux États-Unis entre 2003 et 2018, que la moitié des comtés n’en possède qu’un et environ 200 n’en ont aucun. Ils rappellent également que près de 90% des Américains obtiennent une partie de leur information locale par voie numérique, canal qui dépasse désormais la télévision dans ce même accès à l’information locale. Or, les moteurs de recherche représentent aujourd’hui 25% du trafic des sites d’informations.

La manière de faire apparaître et classer les résultats dans Google News est donc une question non négligeable pour les médias locaux…et pour les citoyens : “Les universitaires constatent que les organes d’information locaux renforcent la démocratie en stimulant la participation locale dans les villes et les communes, en aidant à responsabiliser les fonctionnaires et en réduisant la polarisation partisane des citoyens. À leur place, un réseau d’organes de propagande « pink slim*” a profité des lacunes laissées derrière lui, remplaçant les organes d’information locaux par des médias trompeurs et manipulateurs” précisent les chercheurs”.

*une pâte constituée de morceaux de boeuf mixés avec de l’ammoniaque qui a fait scandale après la médiatisation de son utilisation dans les cantines scolaires américaines.