La start-up américaine spécialisée dans la visualisation de données a annoncé sur son blog le 18 décembre avoir rejoint le projet de cloud européen depuis un mois. Une association qui semble contre-nature entre Gaia-X dont l’objectif est le respect des données de ses utilisateurs et la souveraineté européenne et Palantir, réputée proche de la CIA et connue pour son expertise dans l’extraction de données.

Palantir, une start-up sulfureuse

Dès les premières lignes du texte révélant le partenariat, Palantir pose le problème, « il est raisonnable de se demander pourquoi une société comme Palantir Technologies fondée dans la Silicon Valley […] considère sa participation au projet [Gaia-X] comme étant importante, appropriée et cohérente avec les objectifs déclarés de promotion de la « souveraineté et de la disponibilité des données » européennes ».

Gaia-X est né sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne. L’objectif initial était et est toujours de proposer aux entreprises européennes un service cloud alternatif à AWS, Azure ou Alibaba, misant sur la protection des données et la souveraineté numérique du Vieux continent. L’ouverture de l’association à des entreprises hors Union ressemblait déjà à un coup de canif asséné à cette ambition, l’arrivée de Palantir pourrait en être un second.

Palantir Technologie souffre d’une réputation sulfureuse depuis sa naissance en 2004 pour de multiples raisons : l’un de ses fondateurs, Peter Thiel a été conseillé de Donald Trump, la CIA a financé la start-up à sa naissance, Amnesty International l’a accusé de participer à la violation des droits humains des migrants et demandeurs d’asile aux États-Unis…

Ses logiciels sont utilisés par le monde de la finance, les grandes entreprises et de nombreux services de renseignements à travers le monde. Ils servent à recouper un grand nombre de données pour tracer des terroristes et criminels, ou pour orienter des investissements, etc.

En France, Palantir a fait parler d’elle en 2016 et 2019 lorsque la DGSI, le renseignement intérieur français a annoncé utiliser l’un de ses services pour cartographier les réseaux criminels et terroristes. Des voix se sont élevées sur les problèmes de sécurité et de souveraineté que posait l’entreprise. Emmanuel Macron lui-même s’interrogeait sur son utilisation.

La confiance est la clef

Face à ces méfiances, Palantir a toujours mis en avant son sens de l’éthique, affirmant un engagement fort sur les questions de vie privée et sur les libertés. Dans son billet de blog, la start-up réaffirme être en plein accord avec « Les valeurs qui sont au cœur du projet GAIA-X sont, en effet, au centre de notre propre mission en tant qu’entreprise : la protection des données, la sécurité des données et la souveraineté numérique des institutions que nous soutenons et des groupes qu’elles servent ». Elle est par ailleurs très consciente des soupçons à son égard, « Certains peuvent à nouveau voir une contradiction entre coopération d’une part et sécurité d’autre part, entre souveraineté et disponibilité des données. La tâche pour nous, informaticiens et ingénieurs logiciels, est de réfuter cette dichotomie ».

Palantir a pour elle une connaissance technique reconnue dans le domaine des data, compétence qui pourraient être très utiles à Gaia-X. Sur son site, l’association Gaia-X explique « Nous accueillons toutes les parties intéressées qui souhaitent contribuer à la définition de leurs besoins techniques et spécifiques au domaine et qui veulent participer activement : tant en apportant leur expertise technique, en soumettant de nouveaux cas d’utilisation qu’en participant activement et de manière continue à un groupe de travail ». Le projet étant encore balbutiant il est difficile de connaître à quel point Palantir contribuera et si ce sera de nature à entrer en contradiction avec ses valeurs. Néanmoins, avec une telle coopération, l’image Gaia-X pourrait en prendre un coup.