Une semaine avant le dévoilement officiel du tant attendu Digital Services Act, la Commission a publié au Journal Officiel ses lignes directrices pour la transparence. Celles-ci s’inscrivent dans le cadre de la stratégie numérique de l’Europe, dont les initiatives sur le terrain de la technologie doivent aujourd’hui être comprises de façon systémique. La dynamique européenne pour un marché et une société numérique plus justes, sécurisés et innovants se décline en effet en une myriade de branches, du Plan d’Action Citoyen pour garantir la démocratie, à la stratégie pour la gouvernance des données, passant par le Marché Unique numérique.
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Dans cet écosystème que tente de modeler l’Union Européenne, les plateformes en ligne sont un des sujets les plus redondants. Elles seront notamment visées par le futur Digital Services Act, qui pourrait exiger davantage de régulation de la haine en ligne, comme il pourrait mettre en place une série d’obligations et d’interdictions afin de garantir la concurrence et l’innovation dans l’espace européen. Parmi les contraintes qui pourraient s’imposer aux GAFAM, on trouve par exemple l’obligation du partage de données avec les entreprises concurrentes ou l’interdiction de la pré-installation des applications des grandes plateformes sur les smartphones. L’enjeu est de taille pour le marché européen, puisque Google concentre à lui seul plus de 90% des recherches effectuées sur internet, dans le monde, tandis que YouTube est bien plus utilisé que la télévision, avec chaque jour plus d’un milliard d’heures de vidéos visionnées en ligne.
Dans la même idée de proposer une économie et un environnement transparent et éthique aux citoyens européens, les directives publiées le 8 décembre imposent aux grandes sociétés du web de définir les principaux paramètres qui déterminent le classement des résultats de recherche.
Ils devraient permettre, selon les termes de la Commission Européenne, d’améliorer la présentation des produits et services de l’ensemble des utilisateurs, en s’assurant que les moteurs de recherche et plateformes tels que Google ou Amazon ne déterminent pas leurs résultats affichés de manière arbitraire, comme de nombreux cas l’ont laissé penser dans le passé. Google mettrait ainsi plus en avant les résultats de son onglet Shopping, tout comme Amazon qui exploiterait, au profit de ses propres produits, les données des vendeurs tiers utilisant ses services.
Recommander sans imposer
À la différence du futur Digital Services Act, ces lignes directrices ne sont pas juridiquement contraignantes, mais visent à être appliquées par les États Membres au maximum, dans le respect de la législation européenne. En ce sens, on peut dire qu’elles visent simplement à assurer l’application de la législation déjà existante, telle que l’Article 5 du Règlement (UE) 2019/1150 du Parlement Européen et du Conseil, promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne. Rien de nouveau, mais un rappel à l’ordre pour les plateformes, et un signal fort envoyé à la population européenne : l’UE souhaite assurer le respect du principe de transparence, et garantir un écosystème numérique éthique, transparent, garantissant les droits des consommateurs et des entreprises.
Dans ce règlement de 2019, on pouvait déjà lire les préoccupations de l’UE à propos de ces services d’intermédiation ou grandes plateformes comme Cdiscount, Amazon, ou Google Shopping. De même, on y lisait l’enjeu représenté par les moteurs de recherche en ligne, importantes sources de trafic pour les entreprises qui proposent des biens ou services aux consommateurs par l’intermédiaire de sites internet. Il ne fait aucun doute que le classement des sites internet par les fournisseurs de moteurs de recherche en ligne -y compris des sites internet par lesquels les entreprises proposent leurs biens et services-, influent considérablement sur le choix du consommateur. Ces plateformes et moteurs de recherche peuvent ainsi déterminer la réussite commerciale de ces entreprises, d’où la nécessité de les réguler.
Un contexte critique donnant prééminence à la technologie
C’est dans ce cadre, et dans l’urgence d’une plus grande attention portée au contenu en ligne qu’a fait surgir le contexte de crise du Covid-19, que l’UE réitère ses exigences concernant les plateformes et les moteurs de recherche. En effet, l’une des conséquences de la crise pour les entreprises -en plus du chômage record et des fermetures de masse- a été l’augmentation spectaculaire de l’utilisation des technologies numériques. De nombreux commerces et services reposent aujourd’hui par leurs offres en ligne, contraint par les mesures physiques sur leur territoire. Une grande part des citoyens a désormais pris l’habitude d’utiliser des applications pour des services comme l’épicerie, la livraison de nourriture, le commerce électronique, ou encore la vidéoconférence. Aujourd’hui, c’est plus d’1 million d’entreprises de l’UE qui proposent déjà des biens et des services via des plateformes en ligne, et plus de 50% des PME qui vendent via ces plateformes à l’échelle transnationale.
Cette invitation à la transparence s’adresse ainsi aux facilitateurs des entreprises, biens et services en Europe : les fournisseurs de moteurs de recherche comme les grandes plateformes, et les moteurs de recherche eux-mêmes. Ils devront fournir des explications de leurs algorithmes de classement de contenus dans les moindres détails, prenant en compte des critères comme les différences en fonction de l’appareil utilisé, du territoire, du nombre de services intégrés, ou de l’intégration de contenus d’autres moteurs de recherche.
Inviter à clarifier les algorithmes, dans un langage clair
La lumière devra également être faite sur les rémunérations de ces moteurs de recherche et plateformes : ils sont parfois d’importants paramètres pour expliquer les classements de contenus. Les moteurs de recherche devront décrire les liens entre les résultats rémunérés, et leur apparition dans les résultats. La rémunération n’étant pas l’unique critère influent, les lignes directrices publiées par la Commission somme, d’une manière générale, les entités concernées à expliquer tous les facteurs pris en compte par leurs algorithmes. Le tout devra être rédigé dans un langage clair, afin d’être compréhensible pour tout le monde.
“Ces lignes directrices établissent la norme pour la transparence du classement algorithmique et augmenteront l’équité dans l’économie des plates-formes en ligne, ce qui stimule l’innovation et le bien-être de millions d’Européens”, a déclaré Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de l’UE en charge des affaires numériques.