Après deux ans de travail, le Ministère de la Transition écologique vient de publier sa carte interactive des loyers moyens en France. Un projet qui a pour objectif d’apporter davantage de transparence au marché particulièrement obscur de la location immobilière. Si l’intention est louable, l’exécution comporte néanmoins certaines failles qui peuvent remettre en doute la pertinence de cette initiative.

Un partenariat avec les grands acteurs de l’immobilier en ligne

Pour mettre au point cette carte interactive des loyers moyens en France, le Ministère de la Transition écologique a travaillé en partenariat avec les grands noms de l’immobilier en ligne que sont SeLoger, Leboncoin et PAP. Une collaboration qui a permis, en outre, de récolter les données de plus de 9 millions d’annonces locatives, et ainsi de développer « une méthodologie d’estimation d’indicateurs, à l’échelle communale, du loyer (charges comprises) par m² pour les appartements et maisons », précise le gouvernement.

De cette méthodologie, sont donc nées deux cartes : la première étant dédiée aux loyers moyens des appartements (49m²) charges comprises, et la seconde concernant  le prix moyen du loyer des maisons (92m²), là encore avec les charges comprises.

La carte interactive des loyers moyens en France.

La carte de France des loyers d’annonce par m² charges comprises pour un appartement type du parc privé locatif / Capture d’écran : Observatoire des territoires

Sans réelle surprise, on découvre ainsi que Paris est la commune la plus chère de France en termes de loyers d’appartements, avec un prix moyen de 31€ par m². Elle est suivie de près par Neuilly-sur-Seine (31€ par m²) et par Cap-d’Ail (28,3€ par m²). Pour les maisons, le podium est différent : les communes de Beausoleil, Neuilly-sur-Seine et Èze se disputent le trois premières places du podium, quand Paris n’arrive qu’en quatrième position.

Plus globalement, on remarque que les loyers sont plus élevés dans les grandes villes, ainsi que près les littoraux. Là encore, pas de réelle surprise. Marie Breuillé, membres de l’équipe de recherche, détaille : « Les loyers sont élevés dans les zones touristiques – zones littorales ou de montagne – dans les zones frontalières et dans les départements d’outre-Mer ». Basile Pfeiffer, du bureau des études économiques de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), estime ainsi que ces cartes « objectivent des intuitions que nous pouvions avoir ».

Un projet expérimental qui comporte encore certaines lacunes

Si ces cartes interactives peuvent servir de base comparative aux propriétaires qui souhaitent mettre leurs biens à la location ainsi qu’aux locataires qui souhaitent savoir s’ils payent le prix juste, elles comportent néanmoins certaines lacunes de taille. La première d’entre elles étant que les données utilisées datent de 2018, et que l’ANIL (l’Agence nationale pour l’information et le logement) prévoit de les mettre à jour seulement tous les deux ans. Or, l’immobilier est un marché particulièrement dynamique qui peut drastiquement évoluer d’une année sur l’autre.

Interrogé par l’AFP, David Rodriguez, juriste auprès de l’association de consommateurs CLCV, estime ainsi que « sur le principe, c’est bien d’avoir un dispositif qui donne une idée de la valeur du marché », mais « ce n’est pas assez rigoureux » pour que l’on puisse s’y fier de façon ferme et tranchée. En outre, le juriste regrette que les moyennes exprimées prennent en compte les charges qui, selon la nature et l’état du logement, sont largement variables. Par ailleurs, les données actuelles ne font pas la distinction « avec certitude » des locations meublées et touristiques. Là encore, c’est un facteur qui peut largement influencer les moyennes établies.

Autant de paramètres qui pourront toutefois être affinés avec le temps. De fait, l’équipe en charge du projet estime elle-même que celui-ci n’en est encore qu’au stade expérimental, mais qu’il sera amené à évoluer. Basile Pfeiffer explique notamment : « Dans une deuxième phase, la méthodologie devra être consolidée, l’actualisation organisée et l’aspect partenarial renforcé ». En attendant, c’est déjà mieux que rien.