Le yuan numérique, connu sous le terme DCEP (pour Digital Currency Electronic Paiement), est une nouvelle version virtuelle du renminbi, la devise nationale chinoise. Le pays y travaille depuis des années, et a clairement intensifié ses efforts en 2020 afin de pouvoir être le premier pays au monde à faire de la MNBC sa monnaie officielle, parfait substitut de la monnaie physique. Recherchant et évaluant les monnaies numériques de banque centrale (MNBC) depuis 2014, la Chine avait créé en 2017 le “Digital Currency Research Institute”, puis initié en 2020 une série de tests grandeur nature.
Aujourd’hui, de nouveaux projets font suite à un amendement à la loi sur la structure organisationnelle, les pouvoirs, et les restrictions de la Banque Populaire de Chine. Le yuan numérique fait ainsi ses premiers pas en tant que monnaie utile, et utilisée. Cet amendement, qui légalisait officiellement le paiement électronique en yuan numérique (DCEP), avait déjà ouvert la porte à un usage plus répandu.
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Cet usage n’a pas tardé, et les premières entités publiques et privées ont saisi l’opportunité qui leur était faite. Une des plateformes majeures d’achat en ligne du pays (JD.com) accepte désormais les paiements en yuan numérique -sous quelques conditions-, tandis que Hong Kong pourrait devenir la première juridiction partenaire à utiliser la MNBC chinoise pour leurs paiements transfrontaliers. Pendant ce temps, la Chine continue ses tests sur la population, afin d’étudier les comportements de consommation et inciter les citoyens à adopter cette nouvelle forme monétaire pour leurs futurs achats.
Hong Kong, premier partenaire pour les paiements transfrontaliers
Les ambitions de la Chine pour le développement d’un outil financier et monétaire novateur, capable de concurrencer le dollar et célébrer la supériorité chinoise, n’est plus un secret. Apportant une réponse à la lenteur du système SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication) des paiements transfrontaliers, la monnaie numérique contient un intéressant potentiel diplomatique. Comme l’écrit dans un rapport récent l’ASPI (Australian Strategic Policy Institute), “Au fil du temps, il n’est pas exagéré de spéculer que le parti-État chinois incitera ou même imposera que les étrangers utilisent également [le yuan numérique] pour certaines catégories de transactions transfrontalières en renminbi, comme condition d’accès au marché chinois”.
Le premier pas dans ce sens a été franchi, puisque le pays a trouvé en Hong Kong son premier partenaire potentiel acceptant le yuan numérique dans ses paiements transfrontaliers. Le chef de l’Autorité monétaire de Hong Kong (HKMA), Eddie Yue, a publié vendredi 4 décembre un article intitulé “Une nouvelle tendance pour la Fintech – paiements transfrontaliers” qui présentait les voies diverses à travers lesquelles Hong Kong souhaite améliorer ses systèmes de paiement. Parmi elles, on trouve le renminbi numérique, que la Chine et Hong Kong se préparent à utiliser pour leurs paiements réciproques.
L’article indique que « comme le renminbi (RMB) est déjà utilisé à Hong Kong et que (son) statut est le même que celui des espèces en circulation, il apportera encore plus de confort aux touristes de Hong Kong et du continent », avant de noter que les discussions sont préliminaires et qu’il n’y a pas encore de calendrier mis en place.
Cette première potentielle utilisation du yuan numérique pour les paiements entre nations embrasse les aspirations de la Chine à façonner les normes technologiques, financières et commerciales dans le monde entier. La promotion de l’internationalisation de la MNBC chinoise rejoint les diverses autres entreprises du pays pour concurrencer les États-Unis et l’hégémonie du dollar dans les paiements. On pense par exemple à l’initiative One Belt One Road, connu en français sous le nom “Nouvelle Route de la Soie”, où la Chine est souvent pointée du doigt pour vouloir influer par ce biais sur les normes et le marché de la fintech, ou des nouvelles technologies en général.
La nouvelle de l’entrée en collaboration de Hong Kong sur le yuan numérique est donc significative, et s’inscrit dans le plan stratégique de la Chine face aux États-Unis, avec qui les relations s’enveniment. Le statut de Hong Kong en tant que pôle majeur des services financiers rend l’annonce de la collaboration encore plus significative, et prévoit de beaux jours au nouveau yuan numérique chinois.
La Chine continue à tester sa monnaie numérique
En Chine continentale, pendant ce temps, les habitants de la ville de Suzhou sont les sujets des nouveaux tests du pays sur sa population visant à ajuster les derniers détails de sa DCEP.
À Shenzhen, le 12 octobre 2020, le pays avait déjà initié un test grandeur nature sous la forme d’une loterie, afin d’évaluer les comportements de consommation des citoyens. Pensé pour promouvoir le yuan numérique, ce projet pilote avait alors distribué une valeur de 200 renminbi en yuan numérique aux candidats sélectionnés afin d’observer comment ils les dépenserait, et avec quelle facilité.
La saison 2 de cette loterie magique en monnaie virtuelle est arrivée. Elle aura cette fois-ci lieu dans la ville méridionale de Suzhou, qui compte 10 millions d’habitants, dans le contexte d’un grand événement de shopping. Le 12 décembre devrait en effet avoir lieu le “12/12”, une autre journée de soldes, similaire au 11/11 (où le pays bat tous les records de vente en 24h), mais dans une moindre mesure. En cette occasion, des bons d’achat en yuan numérique seront distribués aux personnes tirées au sort la veille du marathon commercial.
Reprenant le modèle de Shenzhen, la loterie invite les citoyens à s’inscrire via l’application officielle des services de la ville organisatrice. Les gagnants recevront ensuite leur lot : des paquets de 200 yuans, l’équivalent de 25 euros. Dans son communiqué à propos de l’événement, les autorités municipales de Suzhou ont déclaré qu’elles prévoyaient de distribuer un total de 20 millions de yuans (2,5 millions de dollars) aux résidents. L’argent pourra être dépensé sur la plateforme JD.com accepte désormais ce mode de règlement. Également cet argent pourra être envoyé directement à une autre personne via des smartphones équipés de NFC (Near Field Communication). Cette technologie permet aux téléphones de réaliser des transactions numériques sécurisées, comme sur le nouveau modèle de Huawei, qui permet de payer en yuan numérique.
La première plateforme de vente en ligne accepte la DCEP
JD.com, deuxième plus grand détaillant en ligne de Chine, deviendra le premier centre commercial virtuel du pays à utiliser le yuan numérique. Au mois de décembre, ce qui est considéré comme le plus gros centre commercial virtuel de Chine lancera un projet pilote afin de permettre à ses clients de payer certains articles en MNBC. Il s’était déjà distingué récemment en déployant une flotte de robots livreurs, pariant sur les nouvelles technologies.
L’Amazon chinois est ainsi la première plateforme à accepter l’argent virtuel. Celui-ci devra avoir été reçu en bon d’achat à travers le même système que celui de Suzhou. Cependant, on peut espérer une généralisation une fois les tests du pays terminés.
JD.com contribue ainsi à promouvoir le développement de l’économie numérique et réelle, en aidant la Banque populaire de Chine et les gouvernements locaux à réaliser leurs études grandeur nature des comportements des consommateurs, dans le cadre des tests sur le yuan numérique.
La DCEP marque cette fin d’année par les progrès incessants de la Chine sur son développement, tant dans son utilisation interne, qu’en tant que monnaie internationale. La nouvelle monnaie numérique du pays aurait jusqu’ici déjà été utilisée dans plus de quatre millions de transactions, pour une valeur totale d’environ 2 milliards de yuans (250 millions d’euros) selon le gouverneur de la Banque populaire de Chine, Yi Gang. Le nouveau partenaire que représente Hong Kong ne ferait qu’augmenter son utilisation, tout comme l’adoption graduelle de ce mode de paiement par le secteur privé augure une progression maintenue en 2021.