L’entreprise Visa, déjà forte de ses 800 millions de cartes de crédit détenues dans le monde, s’associe avec Circle, une compagnie de cryptomonnaies offrant une plateforme d’échange à l’échelle globale. Ce partenariat pourrait permettre, à long terme, de développer des cartes de crédit intégrant la possibilité de payer en US Dollar Coin, un stablecoin adossé au dollar américain.
Ce stablecoin qui rappelle la Libra (rebaptisée Diem), dont Visa était à l’origine membre du consortium d‘entreprises de l’Association. Aujourd’hui hors du projet, récemment revu à la baisse et fondé par Facebook, Visa continue néanmoins sa percée vers le monde des cryptomonnaies, cette fois-ci avec Circle.
“Ce sera la première carte d'entreprise qui permettra aux entreprises de pouvoir dépenser un solde de l'USDC”, déclare le directeur du pôle cryptomonnaie chez Visa, Cuy Sheffield. “Nous pensons donc que cela augmentera considérablement l'utilité que l'USDC peut avoir pour les clients commerciaux de Circle.”
L’intégration d’un stablecoin et de la blockchain
Pour rappel, un stablecoin est juste une cryptomonnaie imaginée afin de réduire le taux d’instabilité de la valeur des cryptomonnaies telles que le bitcoin, par exemple. Ce n’est pas une monnaie numérique de banque centrale, mais bien une sorte de cryptomonnaie qui, bien que liée à une devise nationale, n’en est pas un substitut.
Pour éviter la spéculation et garantir une stabilité, les stablecoins sont conçus comme étant adossés à un panier de réserves. Elles sont indexées (ou “backed” en anglais) sur la valeur d’entités telles qu’une monnaie nationale, ou des tokens, qui définissent leur valeur. Dans le cas de l’US Dollar Coin, vous pourrez toujours acheter 1 USDC pour 1 dollar américain : son prix est stable. Tous ces mécanismes ne sont évidemment pas automatiques : les valeurs, dans le cas de l’USDC, sont audités par le cabinet comptable Grant Thornton, qui s'assure que le montant réel du dollar digital en circulation est égal aux dollars qui les soutiennent.
C’est cette relative stabilité, mais aussi l’importance croissante que prennent les cryptomonnaies dans le monde des paiements, qui intéresse Visa dans ce nouveau partenariat. Il faut dire que les cryptomonnaies, basées sur la technologie blockchain, offrent de nombreux avantages.
Visa estime ainsi que 120 billions de dollars de paiements par an sont effectués par chèque et virement bancaire instantané, coûtant jusqu'à 50 dollars chacun, quelle que soit la taille de la transaction. Étant donné que l'USDC s'installe sur la blockchain Ethereum, les transactions pourront être conclues en un peu plus de 20 secondes et, surtout, presque gratuitement.
L’aboutissement de deux ans de travail
Ces avantages éclairent un peu plus le travail colossal que l’entreprise réalise, afin de se placer stratégiquement face aux opportunités qu’offrent les cryptomonnaies. L'entrée de Visa dans le monde des dollars numériques est en effet l'aboutissement de deux ans de travail.
En 2019 déjà, Visa avait investi 40 millions de dollars dans la start-up de cryptomonnaie Anchorage : son second investissement du secteur. La start-up, fondée en 2017, développe une technologie de stockage d'actifs émis sur la blockchain, et a déjà réalisé quelques remarquables percées dans le monde de la finance.
En mai dernier, l’entreprise Visa a aussi déposé un brevet pour permettre aux Banques Centrales de frapper la monnaie directement sur la blockchain : elle jetait alors les bases d'un avenir dans lequel les monnaies fiduciaires telles que le dollar américain pourraient facilement être transformées en monnaie numérique de banque centrale (MNBC).
Toujours en vue de sa position stratégique sur le terrain des cryptomonnaies, Visa avait anticipé le nouveau partenariat en intégrant 25 fournisseurs de portefeuilles de crypto, dans le cadre de son programme Fast Track. Ces portefeuilles peuvent aujourd’hui inclure le l’USDC. Le programme Fast Track est conçu pour les fintechs afin de rejoindre le réseau Visa en étant accompagnées dans les défis de sécurité, fiabilité, rapidité, et d’échelle. Le programme aide notamment les entreprises à obtenir des informations d'identification pour l'émission de cartes de crédit Visa. À travers lui, Coinbase est devenue la première société de cryptomonnaie à se voir octroyer le statut de membre principal par Visa, ce qui signifie qu'elle peut à son tour émettre des cartes pour ses clients.
Une vision de l’avenir
Pourtant, Visa n’envisage pas d’émettre de la cryptomonnaie ou d’en être le portefeuille. “Nous continuons de considérer Visa comme un réseau des réseaux”, a déclaré Cuy Sheffield. “Les réseaux blockchain et les stablecoins comme l’USDC ne sont que des réseaux supplémentaires. Nous pensons donc que Visa peut apporter une valeur significative à nos clients, en leur permettant d’y accéder et de dépenser chez nos marchands”.
Et l’USDC est bien parti pour forger sa place dans l’économie et la finance. Son intégration aux marchés de trading crypto a été la première étape d’une utilisation stable de cette monnaie, et loin d’être l’unique. En mars 2020, l'USDC a ensuite été approuvé en tant que monnaie pour garantir les prêts émis à l'aide du protocole MakerDAO, qui crée précisément ces prêts décentralisés alimentés par des cryptomonnaies. La communauté Maker DAO, dont l’acronyme signifie organisation autonome distribuée, est le leader de l'industrie d'une catégorie financière appelée DeFi, ou “finance décentralisé”.
Ce secteur, tout nouveau et encore plein de défis, pense un avenir où pratiquement tout, des accords contractuels au paiement des taxes, serait intégré à un système décentralisé permettant de connecter les clients aux entreprises, directement, rapidement, et de manière sécurisée.
C’est ainsi que le fondateur de Circle, Jeremy Allaire, conçoit l’avenir. C’est ainsi que Visa embrasse les cryptomonnaies et leur révolution. DeFi est un Défi à aux systèmes financiers actuels, parlant de finance ouverte, décentralisée, construite sur des blockchains publiques comme Ethereum -sur laquelle repose l’USDC-, composable, open-source, et transparente. Tout ce dont les banques centrales tentent de modérer et contrôler en développant leurs propres monnaies digitales, à l’instar de l’euro numérique, à la reconquête de leur souveraineté monétaire.
“Imaginez un marché de capitaux qui s'adresse à tous ceux qui en ont besoin, ou à tous ceux qui en offrent, et qui a la même efficacité qu'Amazon a pour le commerce en ligne, la même efficacité que YouTube a pour le contenu (...)”, déclare Jeremy Allaire. “Et cela rapportera à terme des milliards de dollars à l'économie, réduira les coûts pour toutes les entreprises dans le monde, accélérera la manière dont les individus peuvent participer à l'activité commerciale, en leur permettant de conduire leur travail en interagissant avec des entreprises du monde entier.”