La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a réalisé, pour la première fois, une étude chiffrant l’accès illégal – téléchargement, streaming – à des contenus audiovisuels et sportifs. L’étude se base sur un panel de 2 500 personnes interrogées par le cabinet de conseil PMP, et sur des données de Médiamétrie.

Le manque à gagner qui en découle s’élèverait à 1,03 milliard d’euros. Les ventes physiques manqueraient ainsi 310 millions d’euros de chiffre d’affaires, et du côté des abonnements à des chaînes payantes, les pertes engendrées seraient de 260 millions d’euros. Par conséquent, les finances publiques passent à côté de différents impôts, notamment la TVA, pour un total de 320 millions d’euros. Pendant le premier confinement, au mois de mars 2020, 13,6 millions de Français ont accédé illégalement à des contenus audiovisuels : un record.

Julien Taieb, le responsable juridique de la Ligue de football professionnel (LFP), et président de l’Association pour la protection des programmes sportifs, prévient qu’il y a « urgence à faire voter une loi efficace ». Depuis un an, un texte de loi est en élaboration, afin de lutter contre cet accès illégal aux contenus audiovisuels. Porté par la députée Aurore Bergé et la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, il est prêt depuis le printemps, mais il a été suspendu en raison de la crise sanitaire. Dans les grandes lignes, il prévoit la création d’une holding de l’audiovisuel public qui luttera contre le piratage. Dans un deuxième temps, cette holding sera chargée de fusionner le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l’Hadopi pour créer un nouvel organe de lutte contre le piratage : l’Arcom. Enfin, elle devrait être à l’origine de la modernisation des certaines infrastructures, comme la TNT ou le DAB+. La loi ciblera particulièrement le contenu sportif, ce que déplore Nicolas Seydoux, le président de l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle.

Le projet de loi s’attaque aux sites miroirs, c’est-à-dire aux fournisseurs de liens de téléchargements. Aujourd’hui, les lois Hadopi se concentrent avant tout sur les pirates. La loi prévoit que les juges s’appuient sur des ordonnances pour lister des sites, qui seraient alors automatiquement sanctionnés. L’ordonnance serait valide pendant 12 mois, puis nécessiterait une nouvelle saisie de justice. Toutefois, pendant une année, il n’y aurait pas besoin de procédures judiciaires. Ce point dévoile une vision où l’espace numérique et le cadre réel ne bénéficient pas du même traitement. En effet, pour interdire, par exemple, un journal, la décision d’un juge est nécessaire, pour qu’il vérifie le respect des lois lors de la décision. Outrepasser le contrôle du juge incarne une censure préalable. Aurore Bergé estime qu’un vote au parlement est possible pour l’été 2021 : « tout le monde est d’accord sur ce texte à part La France insoumise, il y a accord entre l’Assemblée et le Sénat et les réticences des opérateurs télécoms ont été réglées », confie-t-elle aux Échos.