« C’est un peu dans le monde du hardware comme si, dans celui des plateformes, la fille de Jeff Bezos épousait le fils de Bill Gates », résume Opinion internationale à propos de l’acquisition d’ARM par Nvidia. Si l’acquisition de la société britannique, aujourd’hui propriété du conglomérat japonais SoftBank, par l’entreprise américaine a pu effrayer ; d’après le Financial Times les noces sont aujourd’hui compromises. En effet, l’accord de 40 milliards de dollars sur l’acquisition d’ARM par Nvidia est suspendu, à cause d’un conflit au sein de la coentreprise ARM China, détenue en partie par Allen Wu.

Allen Wu, bloque ce rachat grâce à la détention de 16,6% du capital, dans le but de contester son licenciement du poste de PDG. Malgré un accord financier qui s’élèverait entre 100 et 200 millions de dollars, l’homme d’affaires considère le renvoi comme abusif. En juin 2020, le conseil d’administration d’ARM China a voté le licenciement du PDG, à 7 voix contre une. La raison du renvoi tiendrait dans un conflit d’intérêts : la propriété par Allen Wu du fonds d’investissement Alphatecture. Des propos rapportés au Financial Times notent toutefois que cette information a toujours été connue du conseil d’administration.

ARM China travaille sur la R&D et les accords de licence réalisés au sein de l’Empire du Milieu. Selon le japonais SoftBank, le propriétaire actuel d’ARM, en 2018, la division chinoise représentait 20% des ventes du groupe.

Ce blocage n’est pas la première manœuvre d’Allen Wu pour contester son licenciement, qui est quelque peu flou sur son application. L’homme d’affaires reste impliqué dans les affaires quotidiennes de la coentreprise, qu’il représente légalement. Selon des documents étudiés par le Financial Times, des investissements réalisés en 2019 placent Allen Wu à la direction de quatre des six entreprises actionnaires d’ARM China. Parmi-elles, deux ont porté le licenciement devant les tribunaux de Shenzhen. Ces poursuites concernent ARM, mais aussi l’entreprise de capital-risque Hopu, comptée parmi les partenaires de la joint-venture. Un des principaux obstacles à un accord sur le licenciement du PDG est l’estimation des actions d’ARM China. Allen Wu les apprécie à 7,5 milliards de dollars, soit 5 fois leur valeur au moment de la création de la coentreprise en 2018.

Pour la Chine, l’accord ARM-Nvidia signifie une indépendance précoce sur la production de processeurs

Une source proche du conseil d’administration d’ARM China évalue les chances d’aboutissement d’un accord à « seulement 50-50 ». Actuellement, l’entrée des bureaux d’ARM China serait surveillée par l’équipe de sécurité d’Allen Wu. Aussi, les e-mails envoyés depuis le siège social d’ARM à destination des employés de l’antenne chinoise sont bloqués.

Cette situation compromet l’accord entre ARM et Nvidia, qui nécessite l’approbation du régulateur chinois, et pour cela de la collaboration d’ARM China, notamment pour fournir certaines données. Les négociations, aujourd’hui au point mort, pourraient aboutir à la vente des actions d’Allen Wu. À ce moment-là, il faudrait trouver un acheteur qui puisse aussi bien être accepté par ARM, par Hopu, ou par le gouvernement chinois, et cela ne sera pas une mince affaire.

Si Nvidia acquiert ARM, les trois plus grands concepteurs mondiaux de puces seront installés aux États-Unis. Alors que Huawei vient d’annoncer le commencement d’une relocalisation de la production de puces à la suite des sanctions américaines, le moment n’est peut-être pas le plus stratégique pour laisser passer cette vente, qui serait probablement synonyme d’une nécessité d’accélération du développement de processeurs chinois.