« Les employés souhaitent retourner au bureau, mais veulent une redéfinition du monde du travail pour un modèle hybride qui conjugue à la fois travail sur site et travail à distance », affirme l’entreprise Barco au début du compte rendu sur son étude concernant l’organisation du travail “après la Covid-19”.

L’étude de Barco a été faite par sa branche ClickShare qui développe une solution de vidéoconférence. Elle se base sur un panel de 1 750 employés à travers 7 pays : États-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni, Australie, Inde, Émirats arabes unis (EAU). Tous les interrogés travaillant dans des bureaux. L’étude a pris soin d’exclure les entrepreneurs et les freelances qui, de manière générale, n’ont pas de collègues. Leur manière de travailler a donc été moins modifiée par les mesures liées à la crise du SRAS-CoV-2 que celle des employés de bureau.

« Tout le monde a pu mesurer les risques de l’enfermement »

La vie sociale au bureau a manqué aux travailleurs, même si les sondés français et américains n’ont été que 31% à déclarer un manque et un sentiment d’exclusion. L’Inde, suivi par le Royaume-Uni avec 42%, a le taux le plus haut avec 49% des interrogés en manque de connexions sociales avec leurs collègues.

Si le sondage de ClickShare établit que la vie sociale au bureau a peu manqué aux Français, une étude de l’IFOP met en valeur que 62% des interrogés estiment ressentir des effets secondaires psychiques à la suite de l’épidémie de Covid-19. Le télétravail conduit à l’isolement, ce qui est dur à vivre pour une espèce aussi sociale que l’être humain : « Durant le confinement, on a beaucoup parlé de santé mentale, dans les médias comme dans les conversations avec nos proches, parce que tout le monde a pu mesurer les risques de l’enfermement », constate la psychiatre et épidémiologiste Astrid Chevance qui s’est confiée à Causette.

Troubles psychologiques : la difficile différenciation entre télétravail et mesures de confinement

38% des employés français interrogés par ClickShare ont trouvé que le travail à domicile devenait moins agréable au fur et à mesure que le temps passait. Avec ce chiffre, les cols blancs français se classent parmi les moins critiques vis-à-vis de cette nouvelle manière d’aborder le travail. Ceux qui ont plus senti leurs conditions se détériorer sont les travailleurs d’Inde (77%), des EAU (60%) et d’Australie (51%).

Soit les Français n’étaient déjà pas friands du travail depuis leur domicile, soit d’autres facteurs les ont affectés, comme la peur de tomber malade ou de perdre un proche. « Même si on a encore peu de données précises et récentes sur les conséquences psychiques du Covid-19, on voit clairement qu’une nouvelle frange de la population, sans antécédent psychiatrique, consulte pour des troubles mentaux », explique Astrid Chevance. Les troubles les plus récurrents sont ceux du sommeil. Les crises d’angoisses, des angoisses permanentes, de la dépression, des tendances suicidaires sont aussi fréquentes… Si les travailleurs d’une entreprise sont soumis à un stress trop important, par voie de conséquences, c’est l’ensemble de la structure qui est affectée.

Télétravail : la communication à distance n’offre pas les mêmes possibilités

ClickShare met en avant le rôle bénéfique des interactions informelles de la vie de bureau. Les informations partagées spontanément hors des salles de réunion seraient bénéfiques pour la collaboration, la productivité, et l’aspect social de la vie professionnelle. Que ce soit à cause de la diminution de ces interactions naturelles ou pour gérer la situation de crise, 39% des Français interrogés estiment que la fréquence des réunions a augmenté par rapport à l’année précédente. Le panel français n’est pas le plus touché par l’augmentation des réunions, l’Inde est une fois de plus le pays le plus touché avec 75% des sondés qui estiment en avoir plus.

Les interrogés des sept pays visés par l’étude estiment que certaines réunions nécessitent une rencontre en personne. C’est le cas lors d’une rencontre avec un nouveau contact, de décisions commerciales ou de gestion de conflits. Parmi ces trois cas, la gestion d’un litige avec un collègue est celui que le panel estime le plus important à faire en face-à-face, avec 49% des réponses. 39% sont indifférent du support lors d’un règlement de différends et 12% ne se sentent pas concernés.

Extrait des résultats de l'étude Clickshare sur le télétravail.

Source : ClickShare

Toutefois, dans la majorité des cas, les personnes interrogées n’ont pas un avis négatif sur les réunions en visio. Ils sont 52% à trouver que les participants viennent mieux préparés, 47% trouvent qu’il y a moins de temps perdu, et 39% valorisent qu’il y a moins de bavardages.

Se connecter en visioconférence… pas si simple !

Si d’un côté il y a un gain de temps, de l’autre, les sondés mettent en avant plusieurs problèmes techniques. 65% d’entre eux déclarent ne pas être capable de se connecter à la salle virtuelle de vidéoconférence, à autoriser des invités extérieurs aux réunions, ainsi qu’à mettre en place le lien de connexion. Ils sont 56% à déclarer avoir des difficultés à trouver le lien de leur réunion, à connecter les périphériques audio, vidéo et de haut-parleur. 64% mettent en avant des difficultés à partager leur écran. 58% déclarent que la plateforme de vidéoconférence n’est pas compatible avec le matériel informatique présent dans leur salle de réunion. Enfin, 57% ont des difficultés à utiliser un écran tactile.

C’est probablement face à ces difficultés que 64% des Français interrogés déclarent préférer utiliser leur propre ordinateur portable. Sur l’ensemble des participants de l’étude, 19% ont un penchant pour la salle de vidéoconférence, 18% préfèrent leur smartphone et seulement 8% ont pour outil de prédilection leur tablette.

Vidéoconférences et télétravail : une organisation qui se normalise

56% des sondés pensent qu’avant l’année prochaine les réunions en visioconférence se rejoindront en un clic. Les participants au sondage attendent que les technologies évoluent rapidement pour améliorer les conditions du travail à distance. Ils sont 61% à s’attendre que d’ici peu des outils de réalité virtuelle permettent de faire apparaître un travailleur non présent en “vrai”. Une attente réalisable comme le témoigne le lancement par Facebook d’Infinite Office. 67% imaginent que bientôt, une intelligence artificielle fera des comptes rendus de réunions basés sur les participants et leurs engagements.

Ils ont raison d’espérer une amélioration. En effet, 77% des sondés utilisent au moins une fois par semaine les salles de vidéoconférence de leur entreprise et 28% en ont une utilisation quotidienne. Ces résultats témoignent de l’émergence, déjà bien avancée, d’une nouvelle façon de travailler.

Sur LinkedIn, le psychiatre Bertrand Lievre note une hausse des consultations psychiatriques après le confinement, période qui a été marquée par un télétravail généralisé. « L’activité hospitalière en psychiatrie est vraiment très soutenue avec un allongement des durées de séjour, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’attente aux urgences. Dans les Centres Médicaux Psychologiques, en ville, les demandes de consultations ont fortement augmenté, en particulier les nouvelles demandes de patients non connus de nos services » déclare-t-il. Les rapports sociaux sont difficiles à quantifier et il est encore plus complexe d’appréhender les conséquences d’une généralisation du travail à domicile.

En suivant la théorie du dévoilement développée par Michaël Keller qui établit que l’adoption d’un comportement suffit à le normaliser, si aujourd’hui 2 jours de télétravail par semaine deviennent la norme, dans 5 ans ce sera peut-être 3 jours et dans 10 ans la totalité de la semaine. Il est donc important de réfléchir aux conséquences afin de bien préparer la mise en place d’un télétravail – comme en instaurant un nombre de jours à ne pas dépasser – avant de populariser cette nouvelle manière de travailler, sans oublier de se demander à qui cela pourrait profiter.