À l’aube des élections américaines, une étude menée par le German Marshall Fund (GMF) affirme qu’un nombre grandissant d’individus lisent des fausses nouvelles ou encore des informations inexactes chaque jour. Sur Facebook, parmi les 721 sites identifiés par l’étude, 325 sont considérés comme “manipulateurs” et les 396 autres comme des producteurs d’infox.

721 pages surveillées

Pour mener à bien leur étude, les chercheurs ont utilisé NewsGuard pour évaluer la fiabilité des textes en fonction du respect de neuf principes journalistiques, dont la justesse des faits et l’utilisation des titres non-provocateurs. De plus, ils ont travaillé avec NewsWhip, pour observer la diffusion des fausses informations. Une statistique sans précédent : il y a eu plus d’interactions avec des contenus jugés comme manipulateurs au cours du 2e trimestre de 2020 que pendant toute l’année 2017.

L’étude du German Marshall Fund affirme que parmi les 721 sites douteux, il y a 325 sites qui sont qualifiés de ”manipulateurs”. On retrouve parmi eux des médias tels que Fox News, Daily Wire, Breitbart, ou encore The Blaze. Ces sites sont moins surveillés par Facebook puisque le géant américain cible principalement les fausses nouvelles avérées, d’où l’utilité de s’en méfier. Toutefois, Fox News a une meilleure note que les autres sites puisqu’ils corrigent leurs erreurs contrairement aux autres.

Image d'un graphique de NewsGuard illustrant les sites les plus "manipulateurs" durant la troisième trimestre de 2020. FoxNews, Daily Wire en tête.

Graphique de NewsGuard illustrant les sites les plus « manipulateurs » durant la troisième trimestre de 2020. Source : GMF.

Également l’étude note 396 sites comme des “producteurs de faux contenus” (False Content Producers). Ils sont qualifiés comme tel par NewsGuard car ils ont diffusés à plusieurs reprise des contenus prouvés comme faux. Parmi eux, on note la présence de sites comme DJHJ Media, The Federalist, Red State Observer, ou encore Wind. Malgré cela, ces sites se déclarent souvent comme étant des médias légitimes.

Graphique de NewsGuard illustrant les sites propageant des infox durant la troisième trimestre de 2020. En tête : DJHJ Media et The Federalist.

Graphique de NewsGuard illustrant les sites propageant des infox durant la troisième trimestre de 2020. Source : GMF.

Les conspirationnistes à l’action

Le nombre de personnes qui interagissent (commentent, likent, lisent …) avec des fausses nouvelles prouvées a augmenté de 102% depuis fin 2016. Également, depuis 2016, les articles qualifiés de manipulateurs ont augmenté de 293%. De plus, les chercheurs observent un pic de 177% d’augmentation d’interactions avec les articles des deux catégories depuis le début de l’année. Enfin, sur les interactions analysées des contenus dits “manipulateurs” représentent 84% de l’ensemble d’entre-elles.

Alors que la pandémie du Covid-19 a obligé de confiner trois milliards de personnes, cela donne une raison aux conspirationnistes de réagir. “Le volume sans précédent de fausses nouvelles illustre la viralité de la désinformation en temps de crise”, estime la chercheuse française Camille François. De nombreux complotistes diffusent leurs propres tableaux et graphiques, en faisant front aux autorités scientifiques.

Elle s’alarme aussi face à l’expansion de contenus racistes liés à cette crise. Elle remarque que les contenus conspirationnistes ont pris une tournure démesurée avec une forte augmentation de groupes qui relaient des théories du complots, en cherchant à tout prix un coupable en étant incapables de démêler le vrai du faux.

La cible préférée des conspirationnistes depuis le début de la pandémie demeure le milliardaire Bill Gates en l’accusant de vouloir dépeupler la Terre et d’implanter des puces électroniques à la population. Plusieurs groupes anti-vaccins profitent du brouhaha des débats entre les médecins et scientifiques pour attiser la colère et la peur chez les gens. De plus, un groupe sur les réseaux sociaux qui inquiète grandement est le groupe “QAnon”, fervent soutient de Trump, qui propage des contre-vérité, en alimentant la haine et l’antisémitisme.

Tweet de Trump effacé

Suite à la suppression d’un premier tweet de Donald Trump, il s’est attaqué aux réseaux sociaux en mettant en péril la section 230, qui est une loi visant à protéger la liberté d’expression aux États-Unis. Les géants de la technologie doivent témoigner devant le Congrès américain, quelques semaines avant une élection plus qu’importante. En effet, les médias sont soumis à une pression de plus en plus grande, notamment face aux fausses nouvelles, qui sont relayées par le Président en lui-même.

Rebelote, la semaine dernière, son tweet minimisant la gravité du Covid a été effacé. Il a évoqué le chiffre de 100 000 décès liés à la grippe, alors qu’il s’agit en réalité de 24 000 à 62 000 décès par an dans son pays. Le virus a pour l’instant tué 215 000 personnes. Il faut également rappeler que pas moins de 16% de la population américaine pense que la Terre est plate. Inquiétant.

Lutter contre la désinformation

Plusieurs plateformes mettent en place des moyens pour lutter contre la désinformation. Facebook a notamment lancé une campagne de sensibilisation aux fausses nouvelles cet été. De plus, grâce à une nouvelle fonctionnalité sur WhatsApp, YouTube ou encore Twitter, il est désormais possible de vérifier une information. WhatsApp se réjouit d’ailleurs d’avoir pu enrayer 70% d’infox. À quelques semaines d’une élection d’une haute importance, les réseaux sociaux veulent à tout prix limiter la propagation des fausses nouvelles, des contenus haineux, ou racistes.

Bien qu’en démontrant factuellement les informations avec preuve à l’appui, cela ne pourra pas arrêter les conspirationnistes les plus persuadés qui cherchent à tout prix un coupable, mais pourra considérablement ralentir la propagation des infox, qui constituent une menace pour la démocratie.