Slack, outil de messagerie en ligne destiné aux professionnels, met à son profit les répercussions de la crise du SRAS-CoV-2 qui a popularisé le télétravail pour se positionner en référence de la communication à distance. Dans une interview exclusive, l’entreprise nous a dévoilé en avant-première ses nouvelles fonctionnalités qui, dans l’ensemble, sortiront début 2021.

« La pandémie est intéressante. Avant Mars, il y avait une demande. Après mars, elle s’est transformée en nécessité », déclare la vice-présidente à l’expérience client de Slack, Ali Rayl. L’entreprise américaine de messagerie en ligne veut tirer avantage de la mise en place du télétravail par de nombreuses entreprises, et c’est pourquoi Slack a lancé le Future Forum qui instaure l’indice d’expérience des télétravailleurs. Slack étudie ses clients pour jauger et comprendre leurs attentes. Selon cette étude réalisée sur leurs clients étasuniens, britanniques, français, allemands, japonais et australiens, les utilisateurs seraient globalement favorables à travailler chez eux. Seule exception à l’avis favorable au télétravail, le sentiment d’appartenance qui est en baisse.

Du 7 au 9 octobre 2020 se tient la conférence annuelle des utilisateurs de Slack, intitulée Frontiers, durant l’entreprise va annoncer de nouvelles fonctionnalités. Elles gravitent autour de trois points principaux : connecter les personnes grâce à un espace connecté et ouvert, la sécurité, et une simplification de l’ajout d’applications.

La sécurité au coeur de la stratégie de Slack

« Les emails sont la seule technologie vieille de 50 ans que j’utilise encore », plaisante Brad Mattick, le vice-président du marketing des produits. L’entreprise de messagerie n’a jamais caché vouloir remplacer les emails. Pour se faire de la meilleure des manières, sa nouvelle version ambitionne d’en finir avec les spams grâce au Spam phishing. Avec cette fonctionnalité, pour rejoindre un canal, il faut accepter une invitation sur laquelle figure un message et une description. L’utilisateur valide les canaux ou les personnes avec qui il entre en contact et il ne peut donc pas y avoir de spams.

Début 2021, une nouvelle version de Slack Connect permettra d’entrer directement en contact avec quelqu’un d’extérieur à son entreprise ou organisation grâce au “Slack Connect Direct Messages”. La démarche suit la même logique d’invitation que celle qui empêche les spams. En permettant un contact direct et simplifié, l’usage de Slack se rapproche ainsi un peu plus de celui des emails, les messages intempestifs en moins.

Dans ce même objectif de diminution des spams, Slack va mettre en place début 2021 la vérification des organisations. Cela permettra, lors de la réception ou de l’envoi d’une invitation, d’indiquer son entreprise. Une fois qu’une entreprise a été vérifiée, un administrateur pourra pré-approuver les demandes d’accès aux canaux des employés de la première entreprise. Ainsi, les administrateurs n’auront pas à accepter et vérifier chaque personne avant de lui donner l’accès à un canal.

La sécurité est un enjeu majeur pour l’entreprise américaine de messagerie, et c’est ainsi qu’elle a développé le Socket mode. Il permet aux développeurs d’envoyer des événements ou des communications via une URL sécurisée par des sockets qui contourne les pare-feu de l’organisation sans exposer les terminaux publics HTTP. Plus simplement, cela signifie que les développeurs pourront via les API de Slack intégrer ou créer leurs propres applications, qui ne sont donc pas forcément dans le store de Slack. Le Socket mode sortira fin 2020.

Schéma du fonctionnement du socket mode

Schéma : Slack

« Éliminer la complexité »

Le concurrent de Teams se démarque par l’ajout d’applications au sein de sa messagerie, par exemple en connectant un CRM à un canal de discussion. Ce service phare complexifie la sécurisation de la messagerie. Pour éviter d’éventuels dangers apportés par des applications tierces, Slack met en place un audit payant, l’entreprise-ready app certification, pour les applications de son store. La certification garantit des standards de sécurité, de maintenance et d’expérience client. Un programme assurera que les applications remplissent les conditions nécessaires à la sécurité et respectent les différentes légalisations, afin de soutenir et de garantir une expérience optimale à l’utilisateur.

« Le plus grand changement de ces 6 derniers mois est la simplification de l’interface pour les nouveaux clients », explique Ali Rayl. L’entreprise américaine souhaite que l’intégration d’applications à sa messagerie ne soit pas synonyme de difficultés et qu’elle ne requière pas l’intervention d’un développeur. C’est dans ce cadre que Slack a modifié les étapes de l’automatisation des flux opérationnel – ou org-wide app deployment en anglais-, qui correspondent à de l’intégration d’applications sans avoir à coder. Ali Rayl qui annonce vouloir « éliminer la complexité » déclare qu’il n’y aura plus besoin d’être développeur pour configurer un canal qui, par exemple, lors d’une commande transmet une information à la comptabilité et fait une mis à jour dans un fichier Excel. Tout sera censé se faire en quelques clics. Cette fonctionnalité sortira fin 2020.

Un outil de communication demande une appréhension culturelle

Slack annonce de nouveaux objectifs concernant ses fonctionnalités vidéo et l’entreprise travaille actuellement sur les Sneak Peek vidéo stories. Pas encore développées, la finalité serait d’envoyer des vidéos asynchrones, c’est-à-dire qu’elles ne nécessitent pas la connexion simultanée des membres de la conversation. Plus ou moins sous la forme des messages vocaux de WhatsApp, les vidéos stories permettront lorsqu’elles sortiront d’envoyer une vidéo sur un canal. Les utilisateurs qui la reçoivent pourront la visionner et y répondre quand ils le souhaitent. L’objectif premier est de faciliter la communication entre les collaborateurs qui n’auraient pas le même planning ou les mêmes fuseaux horaires. À titre d’illustration, les Sneak Peek vidéo pourraient être qualifiées de “conf call” sur mesure. Évoquée comme une stratégie à long terme, aucune date de sortie n’a été annoncée.

En Europe, la France est le troisième marché de Slack en termes d’utilisateurs actifs quotidiennement. Plus de la moitié des entreprises du CAC 40 l’utilise. C’est probablement grâce à cette attractivité que Slack a entièrement traduit son service en français en 2017. La traduction n’a pas toujours été aisée, par exemple avant l’utilisation du mot “canal”, les conversations s’appelaient “chaîne”. La traduction correspondait bien à son équivalent anglais, mais en français elle pouvait être connotée négativement à l’enchaînement ou à la prison. Après avoir constaté cette subtilité, l’entreprise a modifié son appellation pour plaire aux nombreux utilisateurs francophones. Cette année, Slack sort une nouvelle version en coréen qui marque la septième traduction de son service.

Interface de Slack traduite en coréen

Image : Slack

Les informations oubliées de la communication de Slack

En 2019, après son arrivée au New York Stock Exchange (NYSE), Slack a été valorisé à 20 milliards de dollars. L’entreprise s’est ainsi hissée à la troisième place des plus grosses entrées en bourse de l’année, derrière Uber et Lyft. Deux ans plus tard, en 2021, alors que Slack affiche une vitalité financière hors pair dans le cadre de sa conférence Frontiers, le coût de l’action noircit le tableau. Après avoir culminé à $38,38 le 2 juin 2020, l’action est tombée à $25,24 le 9 septembre et n’a depuis pas atteint son seuil haut. Stratégie économique ou chute libre, la question se pose, mais Slack a refusé de répondre.

Cet été, le 23 juillet 2020, Slack a déposé une plainte contre Teams auprès de la Commission européenne pour concurrence déloyale. Slack demande à ce que Teams ne soit plus compté dans la suite 365. L’entreprise de messagerie doit probablement espérer diminuer la concurrence exercée par Microsoft. Toutefois, aucune affirmation n’est possible, Slack n’ayant pas voulu commenter ce procès.