En quelques années d’existence seulement, Deliveroo s’est fait une place majeure aussi bien dans le quotidien des Français, qu’au sein de l’économie du numérique. Avec un principe simple et redoutablement efficace, la plateforme de livraison de repas à domicile est aujourd’hui incontournable, mais fait également face à d’importantes critiques, notamment sur le statut professionnel de ses livreurs. Pour en savoir plus, nous avons rencontré Damien Stéffan, porte-parole de Deliveroo France. Au menu : gestion de la crise sanitaire, statut des livreurs ou encore l’entrée d’Amazon au capital de la firme.

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Selon Damien Stéffan, les livreurs partenaires ne veulent pas du salariat

Si le modèle économique de Deliveroo est aussi puissant, c’est notamment parce que la firme a fait le choix de ne pas s’encombrer d’une masse salariale imposante, mais plutôt de faire appel à des livreurs ayant des statuts de travailleurs indépendants. Un choix stratégique adopté également par Uber ou encore Amazon Prime, mais qui soulève d’importantes critiques de la part de certains politiques et acteurs économiques traditionnels, que ce soit en France ou à l’étranger. En Belgique notamment, Deliveroo est accusée par l’Office national de sécurité sociale, de mettre ses livreurs en situation de précarité en raison de protections sociales trop faibles, voire inexistantes.

Pourtant, selon Damien Stéffan, la situation ne serait pas aussi dramatique que l’on pourrait l’imaginer, tout du moins en France. Il explique : « Il y a beaucoup de gens qui pensent que les travailleurs indépendants ne cotisent pas : ce n’est pas vrai, ils cotisent. Il y a beaucoup de gens qui pensent que les livreurs chez Deliveroo ne bénéficient d’aucune protection : ce n’est pas vrai, ils bénéficient de protections, d’une assurance responsabilité civile, d’une assurance maladie ».

Plus encore, et toujours selon le porte-parole de Deliveroo, les livreurs partenaires français de la firme ne seraient pas intéressés par le statut de salarié. Un constat également partagé par un rapport de la commission des Affaires sociales du Sénat datant de mai 2020, qui confirme que le salariat n’est pas une revendication majoritairement partagée par les travailleurs indépendants des plateformes telles que Deliveroo.

En réalité, ces derniers souhaiteraient conserver leur liberté, tout en bénéficiant de meilleures protections sociales. Damien Stéffan détaille : « Il faut réussir à trouver un équilibre valable, durable, de long terme, pour justement, conjuguer cette flexibilité, à de meilleures protections sociales. Et contrairement à ce que pas mal de gens peuvent peut-être penser, et je le déplore, nous, chez Delivroo, on est très volontaires, pour faire ça ». En France, une première piste pour atteindre cet équilibre avait été évoquée en juin par Édouard Philippe, alors Premier ministre, avec la création d’un statut spécifique permettant d’obtenir de meilleures protections sociales.

Comment Deliveroo a-t-elle géré la crise sanitaire de Covid-19 ?

Comme la majorité des entreprises à travers le monde, Deliveroo a dû s’adapter à la crise sanitaire de Covid-19. La première priorité pour la firme, a été de protéger ses livreurs partenaires, qui étaient alors libres de choisir s’ils souhaitent continuer à travailler ou non. Pour cela, Deliveroo a mis en place « une batterie de règles sanitaires« , avec notamment la livraison sans contact, le remboursement d’un kit d’hygiène, l’envoi de masques, ou encore des téléconsultations médicales gratuites et entièrement prises en charge par la plateforme de livraison de repas à domicile. Damien Stéffan affirme également que plus de 9 000 appels ont été passés aux livreurs en moins de deux mois, pour s’assurer de leur compréhension des consignes et de leur bon état de santé.

Du côté des restaurateurs partenaires, Deliveroo affirme avoir souffert au début du confinement : « Le confinement a été synonyme de perte de restaurants de l’ordre de 50% dans les premiers jours ». Heureusement pour la plateforme, le tir a vite été rectifié : avant le confinement, elle comptait 12 000 restaurants partenaires en France. Aujourd’hui, 3 000 de plus ont rejoint ses rangs, apportant ainsi le total de restaurateurs partenaires à 15 000. Un résultat qui est né du sentiment d’urgence et de détresse créé par la fermeture obligatoire des établissements commerciaux, mais aussi par la promesse de Deliveroo de leur apporter un relai de croissance durable, avec des outils digitaux et marketing puissants.

Damien Stéffan poursuit : « On apporte à ces restaurateurs des outils modernes pour agrandir leur zone de chalandise, pour agrandir leur clientèle, pour muscler leur marketing digital ». Des arguments de taille qui ont permis à de nombreux restaurateurs à travers la France et le monde, d’éviter le zéro de chiffre d’affaires à l’heure où leurs établissements ne pouvaient plus recevoir de clients.

Que faut-il attendre de l’entrée au capital d’Amazon ?

En mai 2019, Amazon investissait 515 millions d’euros dans Deliveroo. Près d’un an plus tard, en avril 2020 précisément, les régulateurs britanniques autorisaient le géant du e-commerce à racheter une partie de la plateforme de livraison de repas à domicile. Une participation minoritaire, insiste Damien Stéffan, qui ne devrait pas laisser lieu à de quelconques projets communs, du moins pas pour le moment : « Les projets communs, ce n’est pas du tout à l’ordre du jour. Aujourd’hui, ce qui est à l’ordre du jour, c’est le développement de Deliveroo qui va approfondir sa propre stratégie sur un marché porteur. Il reste encore plein de choses à faire, il reste des clients à conquérir, il reste des restaurateurs à convaincre (…). Encore une fois, ce n’est pas une opération purement financière au sens où elle serait désintéressée du modèle économique, c’est une opération affinitaire, évidemment, mais dans laquelle chacun conserve son rôle. »

En outre, le porte-parole de Deliveroo France explique que l’argent apporté par Amazon va notamment permettre à l’entreprise de développer son concept de « Cuisines Edition » qui consiste en des cuisines sans salles, pensées exclusivement pour la livraison de repas. Aujourd’hui, la firme possède deux sites de ce type en France, mais a bien « l’intention d’en développer d’autre » avec l’appui du géant du e-commerce.

Enfin, en ce qui concerne les perspectives de développement de Deliveroo sur le long terme, Damien Stéffan se montre optimiste en les qualifiant de « favorables« , grâce à son bon positionnement. Toutefois, il admet également que le Covid-19 apporte avec lui de nouveaux enjeux et de nouvelles problématiques, qu’il sera important de garder à l’esprit pour poursuivre la croissance exponentielle de la firme.