La FrenchTech est rugissante en cette rentrée de septembre. Rien que sur la seconde quinzaine, on compte plusieurs levées de fonds marquantes. Il y a bien évidemment Mirakl et son tour de table record à 300 millions de dollars. Côté santé, c’est le spécialiste de l’imagerie médicale à base d’IA Gleamer qui récoltait 7,5 millions d’euros. Enfin, le pendant des Spotify et Deezer, Qobuz, levait 10 millions d’euros pour conquérir le marché des audiophiles exigeants. Ce mardi 29 septembre 2020, c’est au tour d’Exotec de rejoindre le contingent. En 2016, la startup avait réussi à levé 3,3 millions d’euros, avant d’embrayer sur 15 millions d’euros en 2018.

La startup lilloise, spécialisée dans la robotique logistique, vient de boucler un tour de table. 90 millions de dollars (environ 77 millions d’euros) de financement trouvés auprès de ses investisseurs historiques Breega et Iris Capital, ainsi qu’auprès du fond britannique 83North (également rentré au capital de Mirakl lors de la levée de fonds record).

Signe de la maturité d’Exotec et des garanties présentées par la startup, ce troisième tour de table a été conclu dans un laps de temps extrêmement court. Les premières discussions ont été entamées en juin, pour une levée de fonds bouclée 3 mois plus tard. Un processus accéléré que le cofondateur de la pépite robotique française, Romain Moulin, attribue au fond britannique N83, très réceptif.

« 83North a une dimension internationale qui nous intéressait mais aussi parce que ce sont des investisseurs pragmatiques, qui s’intéressent à la façon dont ils vont pouvoir nous aider à devenir l’acteur de référence de la robotique mondiale, s’enthousiasme Romain Moulin. Ils ont une compréhension très fine de notre marché, alors que l’on se distingue des startups traditionnellement orientées logiciel parce qu’on fait aussi du hardware », explique t-il.

Exotec a développé ses robots de préparation de commandes autonomes pour entrepôts

Sur le marché des robots autonomes pour entrepôts, Exotec a confectionné sa propre solution, qui fait un carton. : Skypod, solution robotisée de préparation de commande. Le site d’Exotec présente Skypod comme étant « une flotte de robots naviguant dans l’entrepôt sans infrastructure de guidage et capables d’aller chercher les bacs stockés à 10 mètres de hauteur, afin d’amener les articles à l’opérateur. La flotte de robots est dirigée par le logiciel Astar, qui optimise la préparation des commandes avec un objectif : être le plus rapide possible. »

Plus précisément, la solution Skypod comprend 4 composantes. Il y a bien évidemment les robots autonomes, qui utilisent des scanners laser pour détecter les obstacles, et peuvent se déplacer en trois dimensions, leur permettant d’atteindre les marchandises stockées en hauteur. Les allées et racks de stockage font également partie de Skypod, et ont été conçus pour stocker des marchandises jusqu’à 10 mètres de haut. Des opérateurs humains sont positionnés à des postes de travail pour y réceptionner les commandes préparés par les robots. Enfin, le dernier élément est le logiciel Astra, chargé d’indiquer aux robots où aller chercher les marchandises.

Des robots préparateurs de commandes Skypod dévelopés par Exotec

Des robots préparateurs de commandes Skypod dévelopés par Exotec. Image : Exotec

La robotisation des entrepôts est un enjeu très important pour nombre d’entreprises qui veulent soulager les efforts physiques de leurs manutentionnaires. Mais cette collaboration homme-machine a un autre avantage déterminant : en utilisant les algorithmes d’Astra, les entrepôts peuvent désormais sous-traiter la gymnastique mentale de l’optimisation du parcours de préparation de commande à une intelligence artificielle. Des réflexions dans l’air du temps, qui ont convaincu nombres de belles références dans l’Hexagone.

« Nombre de nos clients et prospects sont focalisés sur la manière d’adapter leurs opérations d’e-commerce pour répondre à la demande des consommateurs. Les responsables de la chaîne d’approvisionnement recherchent de nouvelles façons de maximiser l’efficacité opérationnelle, d’autant plus que la main-d’œuvre des entrepôts et la capacité des centres de traitement sont limitées. Certains de nos systèmes ont doublé leur débit pendant la fermeture, et nous constatons que le débit du commerce électronique continue d’augmenter de 30% par rapport à l’année dernière », détaille Romain Moulin.

Au rayon des clients Exotec, on trouve donc CDiscount, Carrefour ou Uniqlo. La startup lilloise sait par ailleurs opérer sur des espaces plus limités, ces fameux micro fulfillment centers. « Certains clients ont peur d’investir et cette possibilité les rassure, d’autant que nous pouvons ensuite les accompagner dans leur croissance en déployant rapidement de nouveaux robots, jusqu’à plus de 400 sur un même système », rapporte le CEO d’Exotec.

Parfait exemple d’une implantation réussie, le cas de Leclerc, chez qui Exotec est venu installer son système Skypod dans l’un de ses entrepôts dédié au e-commerce, sur le site Gellainville en Eure-et-Loire. Fin 2018, l’entrepôt fait l’acquisition de 49 robots Exotec. L’automne suivant, ce sont 10 000 bacs de rangement qui sont installés, ainsi que six poste de travail (goods-to-person). Une première phase pilote validée plus tard, ce sont 20 000 bac supplémentaires qui débarquent en juillet 2020 (chaque bas correspondant à 2 emplacements produits). Le résultat ? Une productivité décuplée : « Avant, nous préparions 30 lignes par heures en picking avec des étagères standard. Aujourd’hui, une station de préparation monte jusqu’à 200 lignes par heure », précise Solange Marie, responsable transformation agile chez Logilec (entité de Leclerc).

Cap vers l’international pour poursuivre sa croissance face à des concurrents qui prennent de la place

La multiplication de ces success-story, combinée à une nouvelle de fonds à 8 chiffres, a aiguisé l’appétit d’Exotec. 900 de ses robots Skypod ont déjà été produits, et l’objectif affiché est d’atteindre la barre des 2 000 robots en circulation d’ici fin 2021. L’ouverture de bureaux aux États-Unis et au Japon renforce l’image d’une startup conquérante, et suffisamment agile pour s’adapter aux problématiques distinctes de ces deux marchés. « La pyramide des âges du Japon lui pose un énorme problème pour trouver de la main d’oeuvre, notamment des préparateurs de commandes », décrit Romain Moulin. « Aux États-Unis, c’est le turnover qui empêche les logisticiens de bénéficier d’équipes stables dans leurs entrepôts. La clé de la croissance est dans ces deux cas l’automatisation, la robotisation, qui permettent de produire plus avec moins. »

La startup a vu son chiffre d’affaires tripler entre 2017 et 2020 (de 7 à 20 millions d’euros), et devrait encore le doubler pour cette année. La robotique logistique, un marché en pleine expansion, sur lequel on continue de voir émerger nombre de solutions. Récemment, ce sont les robots de Boston Dynamics qui allaient se spécialiser dans la logistique. Au mois de juillet, Renault faisait confiance à Google Cloud pour accélérer la digitalisation de sa chaîne logistique. Les solutions d’automatisation de la préparation de commande par Amazon sont à garder en ligne de mire. Une compétition dans la cour des grands pour Exotec.

« Nous sommes en compétition avec des groupes qui font de 500 millions à 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, constate le cofondateur d’Exotec. Pour lutter dans la cour des grands et rassurer nos clients, nous avions besoin d’une assise financière digne des projets que l’on signe », conclut Romain Moulin.