La directrice du marketing du gestionnaire de mots de passe, Dashlane, explique pourquoi sa société s’est jointe au boycott généralisé – et comment ce n’est qu’un premier pas vers la responsabilisation de Facebook.

Lorsque mon entreprise, Dashlane, a rejoint une poignée de marques en retirant la publicité de Facebook pour le mois de juillet, nous n’aurions pas pu imaginer que des centaines d’autres entreprises nous rejoindraient dans le mouvement #StopHateForProfit.
Nous n’aurions pas pu imaginer que ces efforts culmineraient avec l’apparition du PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, et d’autres géants de la tech, sur la colline du Capitole, dans l’une des plus solides démonstrations de force de notre démocratie face à un des marchés les plus consolidés depuis les débuts du New Deal.

Nous aurions cependant pu très facilement imaginer les résultats exceptionnels de Facebook à peine quelques jours après ces audiences et la fin du boycott. Rien ne pouvait mieux prouver la nécessité d’un changement que de tels bénéfices face à la consternation des élus et à l’indignation des annonceurs et des consommateurs.

Même si le boycott n’a pas eu d’impact sur les activités de Facebook, il n’en reste pas moins qu’il y a un message important derrière tout cela. Nous avons rejoint le mouvement #StopHateForProfit pour attirer l’attention sur Facebook en tant que lieu qui soutient et diffuse des discours de haine. Zuckerberg lui-même a donné des interviews dans lesquelles il défend le refus de supprimer les messages incendiaires du président Donald Trump, même lorsque ces messages contiennent des informations erronées. Plus tôt cet été, Zuckerberg a déclaré que Facebook n’était pas un « arbitre de la vérité ». Une telle position délibérément faible n’est pas seulement lâche et cynique, elle est dangereuse.

Avec de telles actions, Facebook met des marques comme la mienne dans une situation délicate. Nous avons besoin de Facebook : la publicité sur la plateforme reste l’un des moyens les plus puissants pour communiquer avec le public. Mais pour ce faire, nous devons payer une double taxe à Facebook d’abord pour attirer l’attention de nos utilisateurs, et ensuite pour les atteindre.

Et c’est pourquoi les montants publicitaires que nous dépensons sur Facebook ne représentent pas des investissements dans de futures relations saines avec des utilisateurs heureux. Un nouvel utilisateur potentiel de Dashlane pourrait voir notre publicité sur Facebook et être intéressé par notre produit. Mais cela signifie qu’il a accordé son attention à Facebook et qu’il a pu être exposé à un contenu haineux, une expérience que nous ne souhaitons en aucun cas à nos utilisateurs. Nous ne pouvons nous dissocier de Facebook qu’en le quittant, mais cela nous coûte aussi la possibilité d’atteindre de nouveaux utilisateurs potentiels. C’est une situation perdant-perdant.

Depuis l’élection de Trump, des marques comme la nôtre ont cherché des alternatives à la publicité sur des plateformes qui diffusent de la désinformation, et des militants se sont mobilisés pour changer le mode de fonctionnement de ces plateformes. Au cours des deux derniers mois, nous avons réussi à mettre en avant les militants qui travaillent à changer Facebook en suspendant notre publicité sur la plateforme. #StopHateForProfit a popularisé, soutenu et dynamisé les efforts visant à responsabiliser Facebook.

Nous avons également établi de nouvelles relations avec des marques partageant les mêmes idées. Nous avons appris que d’autres entreprises, de Pfizer à Patreon en passant par Harley-Davidson, souhaitent autant que nous que cela se produise. Et en nous éloignant de Facebook, nous avons trouvé de nouveaux partenaires de contenu, tels que Pinterest, Reddit et Quora, qui nous donnent accès à des communautés que nous n’avions pas touchées auparavant.

Le problème des discours haineux en ligne ne se limite bien sûr pas à Facebook, mais ce dernier a agi de manière particulièrement flagrante dans ses efforts timides pour y remédier. Reddit, qui a connu ses propres combats contre les discours de haine, est à l’opposé de Facebook. Au début de l’été, la plateforme a ainsi pris une mesure décisive pour interdire les groupes et les utilisateurs qui « incitent à la violence ou promeuvent la haine basée sur l’identité et la vulnérabilité ». Elle a également supprimé le site de milliers de subreddits qui encourageaient les contenus haineux. C’est le genre de plateforme sur laquelle nous pouvons nous sentir à l’aise pour faire de la publicité.

Le boycott de Facebook n’est qu’une première étape du type d’activisme capitaliste nécessaire pour limiter le pouvoir des entreprises des nouvelles technologies sur internet. Même si les gens utilisent la plateforme d’une entreprise pour de bonnes raisons, le refus de cette dernière de respecter ses propres normes peut empêcher ses propres utilisateurs de contribuer de manière positive. Même si les militants affluent chez Instagram et réussissent souvent à diffuser leur messages et à collecter des fonds, l’entreprise appartient toujours à Facebook et est soumise à ses règles laxistes en matière de discours de haine. Il est difficile de trouver d’autres alternatives où les activistes peuvent avoir un impact similaire car Facebook a le monopole des réseaux sociaux.

Le pouvoir de Facebook est l’une des raisons pour lesquelles les dirigeants, en particulier les directeurs marketing comme moi, ont eu peur de s’exprimer. Avant #StopHateForProfit, nous avions peur de dégrader notre relation avec Facebook, peur de nuire à nos résultats ou de signaler que nous nous soucions d’autre chose que du profit. Nous avions de même peur de blesser nos amis et nos anciens collègues qui y travaillaient. Mais c’est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai rejoint une petite start-up avec l’ambition de travailler en dehors d’un écosystème en ligne dominé par Facebook et Google. Je ne voulais plus m’inquiéter de savoir si mon employeur pourrait douter de mon engagement envers eux en raison de mon attachement à des valeurs qui devraient être universelles.

Mais je ne suis qu’une personne, et le boycott n’était qu’un élément de l’action collective. Tenir les géants de la tech pour responsable sera un processus long et difficile qui exige un soutien mondial. Mark Zuckerberg lui-même a déclaré avec désinvolture au personnel de Facebook le mois dernier qu’il s’attendait à ce que nos efforts se relâchent. J’espère qu’en novembre, nous pourrons échapper à l’impôt prélevé par les barons ennuyeux des géants de la Tech en votant pour le parti qui est le plus susceptible de les démanteler afin qu’un écosystème dynamique puisse à nouveau prospérer.