Le feuilleton n’en finit pas. Entre la start-up spécialiste des espaces de coworking WeWork et son partenaire financier SoftBank, l’année écoulée a été marquée par de nombreux revirements de situation. La toute dernière annonce marque une rupture avec la tendance des derniers mois. Dans un mémo envoyé par email aux employés de WeWork le jeudi 13 août 2020, SoftBank vient en effet d’accorder un nouveau prêt à hauteur de 1.1 milliard de dollars. Ce prêt avait été garanti en supplément de la promesse de SoftBank d’acheter pour 3 milliards de dollars d’actions chez WeWork, soit 80% de son capital.
Un soutien financier inattendu, qui intervient après que le conglomérat japonais ait émis, en mars dernier, des réserves sur le respect de ses engagements vis-à-vis de WeWork. S’étant engagé à acquérir 80% du capital de la start-up, les réticences affichées par SoftBank avaient conduit WeWork à entamer une procédure judiciaire. En jeu, le paiement des 3 milliards de dollars restant à honorer.
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SoftBank veut affaiblir l’ex-CEO de WeWork qu’il a poussé à évincer
Un deal qui aurait garanti à l’ex-CEO de WeWork, Adam Neumann, de toucher quasiment 1 milliard de dollars. Et c’est sans doute là que se trouve le nœud du problème. Partenaire financier historique de la start-up de location d’espaces de travail, SoftBank avait fait pression pendant des mois pour évincer le cofondateur et CEO d’alors, jusqu’à obtenir gain de cause en octobre 2019, Adam Neumann quittant la tête du navire alors que l’entrée en Bourse tant attendue de WeWork se heurtait à un mur. Le départ de Neumann entériné il y a 9 mois, le prêt récent de SoftBank est une nouvelle tentative de l’isoler financièrement (Neumann faisant toujours parti du Conseil d’administration). « En tant qu’observateur, je pense que cela affaiblit en fait la position de Neumann », déclare Dror Poleg, auteur et ancien directeur dans l’immobilier qui a suivi le cas de WeWork. « Il était en quelque sorte dans le même bateau que certains des investisseurs en capital-risque qui voulaient encaisser. Aujourd’hui, en donnant à l’entreprise un accès à de nouveaux capitaux, SoftBank se positionne comme un sauveur potentiel et un allié critique ».
L’échec de l’introduction en Bourse de l’été 2019 avait enclenché une spirale négative. Avec le licenciement de 20% de ses effectifs et des pertes abyssales sur la fin d’année 2019, les perspectives de redémarrage pour 2020 étaient entre les mains de son partenaire financier historique. Ayant injecté plus de 10 milliards de dollars à travers différents prêts, SoftBank démarrait le début d’année en se montrant frileux sur la suite des évènements. S’en est donc suivi cette remise en question de son engagement à détenir 80% des parts de WeWork. Puis, cette contre-attaque judiciaire pour forcer l’investisseur à honorer son engagement et payer la dernière tranche de 3 milliards de dollars, ou bien de s’en dégager en échange d’une compensation pour rupture d’engagement.
Un prêt annonciateur d’un partenariat renforcé ?
Toujours est-il que l’annonce du prêt de 1.1 milliard de dollars de la semaine dernière montre que SoftBank est peut-être enclin à continuer ses plans d’investissements chez WeWork. En honorant cette première partie du deal, rattaché à l’acquisition de 80% des parts, l’investisseur japonais envoie un signe de coopération. « Le fait que SoftBank leur donne une infusion supplémentaire est, je pense, une très bonne nouvelle pour la société », dit Poleg. « Cela signifie qu’il pourrait y avoir plus de liquidités, ou au moins que l’entreprise a un très fort bailleur de fonds, ce que certains pensaient n’être plus vrai. »
Le timing est là aussi plutôt heureux pour WeWork, qui vient de publier les résultats financiers de son second trimestre 2020.
Au cours du trimestre écoulé, les revenus de la société ont augmenté de 9 % par rapport à la même période l’année dernière, pour atteindre 882 millions de dollars. À noter toutefois que WeWork a aussi brûlé 671 millions de dollars entre avril et juin 2020. Son chiffre d’affaires au premier trimestre avait dépassé le milliard de dollars. Le nombre de membres, lui, dégringole de 12% sur un trimestre (de 693 000 à 612 000). La start-up se veut toutefois rassurante en expliquant, par l’intermédiaire de sa directrice financière Kimberly Ross, que 48% d’entre eux sont des clients entreprise.
Si les pertes sont certes vertigineuses (+40% entre le premier et second trimestre 2020), il convient de rappeler que WeWork est en phase de transition. En stoppant les investissements conséquents en achat de bureau, elle a drastiquement limité ses coûts. Le nouveau président Marcelo Claure présentait d’ailleurs il y a quelques semaines un plan ambitieux de rentabilité à l’horizon de la fin d’année 2021. Portant également la double casquette de directeur général chez Softbank, celui-ci a débarqué à la tête du géant du coworking en sortant de sa poche 18.5 milliards de dollars. Sa feuille de route vers la rentabilité impliquera de tailler dans les effectifs et le portefeuille de WeWork.