Dans son dernier rapport “Fintech Funding Roundup, Q2 2020”, Forrester dresse le panorama du financement des fintech par les entreprises de capital-risque, les investisseurs et les institutions financières. La pandémie de la Covid-19 et son impact économique n’épargne pas les Fintech.

Pire trimestre depuis 2018 avec 6,34 milliards de financements

Pollué par le climat économique, le financement des Fintech a connu une croissance conséquente sur la dernière décennie, passant d’un milliard de dollars en 2010 à 39 milliards en 2019. L’année 2020 promet d’être différente avec une forte baisse des investissements enregistrée. Déjà constatée au premier trimestre 2020, la chute s’accentue au second.

les levées de fonds par trimestre fintech

En ces mois délétères, il est à noter que le fournisseur de paiement américain Stripe a tout de même levé 600 millions de dollars en avril tandis que la banque en ligne brésilienne Nubank à quant à elle 300 millions de dollars. Forrester relève ainsi que ”l’impact de la crise continue de varier selon les régions géographiques : la Chine n’a enregistré aucune transaction pour le deuxième trimestre consécutif”.

Autre effet de la crise, les Fintechs qui attirent les investissements sont celles en stades avancés et concentrés sur les gros financements, considérés comme plus sûrs. Ainsi, 52% des fonds sont allés sur des startups late-stage tandis que les 21 entreprises qui ont obtenu un financement de 100 millions de dollars ou plus ont représenté près de 65 % du financement pour l’ensemble du trimestre.

Une concentration des fonds vers les banques numériques, les prêteurs et les prestataires de services de paiement

La tendance en matière d’investissement se confirme dans les fintech : l’argent va aux domaines technologiques matures, établis et fréquentés. Les investisseurs privilégient ainsi les fintech qui améliorent les processus existants.

Stripe représente ainsi un bon exemple. Avec sa série G de 600 millions de dollars (1,6 milliard au total pour une évaluation de 36 milliards), l’entreprise s’insère parfaitement dans la logique d’amélioration des processus de paiement sur internet, usage qui s’inscrit lui-même dans la tendance de migration en cours des paiements en espèces vers les paiements numériques. Dans une autre étude, Forrester pointait ainsi la modification des pratiques de paiements accélérée par la crise de la covid-19, l’argent liquide étant perçu comme peu hygiénique, les consommateurs s’orientent désormais vers le commerce électronique. Forrester souligne également que l’exemple de Stripe n’est pas unique, Checkout.com a ainsi récolté 150 millions de dollars sur sa dernière levée ce qui porte sa valorisation à 5,5 milliards de dollars.

Les Fintech qui s’insèrent dans les dynamiques de crise en présentant des réponses aux besoins des consommateurs attirent également les investisseurs. À la croisée des inquiétudes des investisseurs et des réponses aux besoins des populations, les néobanques tirent leur épingle du jeu. Nubank, dont nous parlions plus haut, qui compte désormais 20 millions de titulaires de comptes a ainsi réagi rapidement pendant l’épidémie de la covid-19 en faisant parvenir les paiements de secours du gouvernement et en accordant des crédits aux personnes vulnérables frappées par les conséquences de la crise. Plus au nord, la banque en ligne américaine Varo Money a elle levé 241 millions de dollars en série D tandis qu’elle soutenait ses clients en leur donnant accès avec célérité aux mesures de soutien du gouvernement.

Même logique pour les fintech qui accompagnent les TPE-PME. Le financement public amplifie l’investissement dans les entreprises qui apportent des réponses à la crise de la covid-19 qui frappent les petites entreprises. Forrester revient sur l’exemple de Judo Bank, spécialisé dans les prêts aux entreprises et les services bancaires de ses dernières, qui a obtenu le plus gros financement des Fintech au second trimestre avec 649 milliards de dollars dont notamment des fonds de plusieurs branches du gouvernement australien.

Autre tendance, les acteurs fintech établis en acquièrent d’autres pour se développer, à l’exemple de la société américaine de finances personnelles en ligne SoFi qui a ainsi été rachetée 1,2 milliards par Galileo, une société de logiciels de paiement.

liste levées de fonds fintech

Un futur dans le dur et des consolidations pour les fintech

L’impact de la crise liée à la pandémie de la covid-19 a été rude pour les fintech et est loin d’être terminé. Les cartes vont être rebattues avec un horizon plus sûr pour les fintech qui ont obtenu de gros financements et/ou qui possèdent de suffisament de capitaux. Le rapport de Forrester avance ainsi quelques prévisions pour les fintech.

En temps de crise, certaines fintech qui ont attaqué frontalement les banques traditionnelles seront à risque. Alors que le financement se tarit et que la tendance n’est pas à l’amélioration, les défauts de paiement vont augmenteront selon le rapport et seuls quelques leaders devraient se détacher. Avec cette mise en difficulté des fintech, les banques verront des opportunités émerger pour faire des “acquisitions bon marché”.

Les géants de la tech et d’autres grandes sociétés non bancaires s’intéresseront toujours un peu plus aux Fintech. Les GAFA ont déjà commencé à acquérir ou financer des fintech et les banques craignent de plus en plus les acteurs comme Amazon ou Apple qui pourraient devenir des acteurs de premier dans les services financiers. Forrester souligne ainsi que sans voler d’énormes parts de marché, les investissements de ces acteurs dans les fintech feront augmenter les coûts ce qui rendra plus difficile aux banques traditionnelles d’acquérir des services numériques innovants à bas prix.

Enfin, l’automatisation du back-office va s’accélérer. Domaine qui atteint une certaine maturité, il devrait remplacer de plus en plus les tâches manuelles réalisées par les employés de banque, permettant aux banques de faire baisser les coûts. Celles d’entres-elles qui investiront ou réaliseront des acquisitions pertinentes pourront ainsi rester compétitive vis-à-vis des GAFA et de la crème des fintech.