C’est cette semaine que s’est tenue l’audition historique des PDG des GAFA dans le cadre de l’enquête antitrust menée par les États-Unis. Si le Congrès a fait entendre son profond mécontentement à l’égard de ces mastodontes, il a également laissé entrevoir des divergences d’opinions quant à la nature des problèmes rencontrés ainsi qu’à la manière de les résoudre.

Des inquiétudes différentes

Devant la sous-commission antitrust de la Chambre des représentants, les PDG d’Amazon, d’Apple, de Facebook et d’Alphabet (maison-mère de Google) ont dû rendre des comptes sur leurs pratiques commerciales jugées comme étant déloyales. Seulement voilà, les législateurs ne semblaient pas tous préoccupés par les mêmes questions.

Les démocrates se sont davantage concentrés sur la supposée répression de la concurrence : pour eux, il est primordial de changer les lois régissant la concurrence, arguant que celles existantes n’ont pas réussi à freiner les géants de la technologie. En fin d’audience, le représentant David Cicilline a ainsi déclaré : « Leur contrôle du marché leur permet de faire tout ce qu’il faut pour écraser les entreprises indépendantes et étendre leur propre pouvoir. Cela doit cesser« .

De leur côté, les républicains ont mis l’accent sur l’emprise que ces entreprises exercent sur l’information et le débat public. Ils accusent notamment les GAFA de censurer les discours conservateurs à travers les médias sociaux. Des allégations contestées tant par les démocrates, que par les entreprises concernées qui ont souligné la popularité des contenus conservateurs sur des plateformes telles que Facebook.

Par ailleurs, James Sensenbrenner, représentant républicain du Wisconsin à la Chambre des représentants des États-Unis dont les déclarations ont été rapportées par le WSJ, a notamment déclaré : « Nous n’avons pas besoin de changer nos lois antitrust. Elles fonctionnent très bien ». 

Une audience transformée en « théâtre politique » ?

Ces divergences n’ont pas servi les affaires du Congrès. Pour Carl Szabo, avocat général de NetChoice, un groupe commercial dont les membres comprennent Google, Facebook et Amazon, « cette audience ne concernait pas la concurrence, les preuves ou les consommateurs ; c’était une pièce de théâtre politique« . Il précise : « Nous avons entendu des arguments étranges arguant que chacune de ces entreprises détient le monopole sur les exacts mêmes marchés« . Même constat pour Robert Kaminski, un analyste de Capital Alpha Partners, pour qui « la quantité et la diversité des questions » sont le signe que le fameux Techlash a encore un long chemin à parcourir avant d’aboutir sur de réelles conséquences.

Au contraire, Barry Lynn, directeur exécutif de l’Open Markets Institute qui plaide pour imposer de nouvelles règles aux géants du secteur technologique, voit en cette audience historique une avancée considérable : « Ce qu’il s’est passé hier a été un événement marquant. Cela montre clairement à tout le monde que la question n’est plus de savoir si nous pouvons faire quelque chose contre les monopolistes, mais quand nous allons le faire, et qu’est-ce que nous allons faire exactement« .

Et maintenant, que risquent les GAFA ?

Pour l’heure, les GAFA peuvent dormir sur l’une de leurs deux oreilles : les législateurs semblent suffisamment divisés pour ne pas renforcer les lois antitrust de si tôt. En revanche, à court-terme, les géants sont encore soumis aux enquêtes menées par les organismes chargés de faire appliquer les lois américaines déjà existantes dans le domaine. La Commission en a d’ailleurs profité pour faire à nouveau pression sur ces organisations en divulguant des dizaines de documents, tels que des courriels internes à l’entreprise et des discussions stratégiques.

Le député Joe Neguse, membre du panel de la sous-commission, a d’ailleurs confié dans un entretien après l’audition : « Les preuves documentaires montrent que plusieurs de ces entreprises se sont engagées dans des pratiques anticoncurrentielles graves. Les régulateurs de plusieurs administrations, démocrates et républicains, ont, à bien des égards, dormi au volant« .

Finalement, on en saura plus dans les semaines à venir, lorsque le Congrès publiera un rapport résumant son enquête sur les GAFA et dévoilant ses recommandations politiques à ce sujet. Une chose est sûre : les débats risquent d’être houleux au sein de la Commission.