Dans notre dernier épisode, nous échangeons avec Yann Thebault, directeur France de l’hébergeur Acast. On va parler monétisation, avenir du podcast, pour tenter de décrypter ce nouveau marché. Après être passé par Spotify et NRJ, Yann Thebault s’est une fois de plus engagé auprès d’un géant de l’audio. Acast est un hébergeur de podcast qui permet aux créateurs de contenus de diffuser leurs contenus sur toutes les plateformes d’écoute.


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L’audio peut-il détrôner les écrans ?

Si depuis plusieurs années ce sont très clairement les écrans qui dominent l’univers du web, on sent bien une volonté de la part des internautes de faire une pause. Le podcast est un format consommé par de plus en plus de personnes pour plusieurs raisons. Peut-on dire que le trop plein des écrans favorise le développement des podcasts ? Probablement. C’est en tout cas ce que pense Yann Thebault. Il va même jusqu’à remercier les écrans :
« Merci les écrans. La saturation des contenus vidéo ouvre une nouvelle voie à l’audio. Aujourd’hui on entend de plus en plus de gens qui en ont marre d’être collés devant leurs écrans. C’est justement l’avantage de l’audio : pouvoir faire autre chose en même temps que consommer un contenu, voire même se reposer le cerveau et les yeux ».

Attention de ne pas tout confondre : le monde de l’audio est divisé en plusieurs grandes écoles. Celle de la radio en est une quand celle du podcast en est une autre. La tendance montre que le podcast natif est en train de nourrir la croissance du marché, c’est là que cela se passe selon le directeur France d’Acast. Pour rappel, le podcast natif est un contenu qui n’est pas diffusé en replay. Un contenu sur-mesure, pensé sur et pour le web.

Le podcast connaîtra-t-il le même succès en France qu’aux États-Unis ?

C’est justement ce format qui attire de plus en plus de consommateurs. Au passage, notons que les radios s’intéressent également au format de podcast natif. Pourtant comme l’explique Yann Thebault :
« Il y a un vrai travail de fond à mener en France pour démocratiser le podcast. C’est un nouveau format qui met un peu de temps à s’installer car il bouscule les codes que nous connaissions jusqu’ici. Les États-Unis, le Royaume-Uni et la Suède font figure d’explorateurs dans le domaine. La France est légèrement en décalage par rapport à ces marchés, même si les chiffres sont encourageants. 12 millions d’auditeurs de podcast chaque mois. 8 millions sur le replay, et 4 millions sur le natif. Il y a un potentiel en France ».

C’est une question de culture et d’introduction du média. Tout dépend des personnalités et des éditeurs qui s’emparent du format. Le directeur France d’Acast ne doute pas du triomphe du podcast à venir sur notre territoire. Pourtant le modèle n’est pas si simple. Les créateurs de podcast peuvent difficilement en vivre aujourd’hui. La monétisation n’est pas si simple. Acast a basé son service sur un modèle publicitaire. Les annonceurs payent pour se positionner au cœur du format de leur choix. Acast travaille avec l’IAB (l’Interactive Advertising Bureau) pour certifier les écoutes. Une technologie utilisée sur les marchés les plus matures. Yann précise que :
« On compte une écoute à partir du moment où le fichier audio a été écouté de manière interrompue pendant 60 secondes ou si le fichier a été téléchargé à 100%. Les acteurs qui ne sont pas certifiés peuvent potentiellement gonfler leurs chiffres. Certains podcasteurs peuvent être surpris quand ils arrivent chez nous puisque nous sommes bien plus près de la réalité avec notre méthode de calcul ».

Comment gagner de l’argent en tant que créateur de contenu sur Acast ?

Comment faire pour gagner de l’argent en faisant du podcast ? C’est une question brûlante. Pour monétiser son travail sur Acast, il faut passer par Acast open. Une plateforme qui permet de monétiser son podcast, quelle que soit son audience. L’hébergement est gratuit et permet aux créateurs de contenus de bénéficier de revenus en fonction des marques qui se positionnent sur leur podcast. Les marques se positionnent ensuite sur le flux de leur choix. L’autre possibilité est de se faire soutenir par sa communauté. Yann Thebault explique que :
« Beaucoup de nouveautés chez Acast en ce moment. Une nouvelle fonctionnalité permet aux auditeurs de soutenir leur podcast préféré financièrement. C’est un modèle intéressant ».

Au-delà du simple créateur de podcast, il y a aussi les studios de création. Ceux qui produisent des contenus pour des marques uniquement et ceux qui produisent pour eux-mêmes. Il y a également des plateformes qui se positionnent sur des systèmes d’abonnement, comme Majelan. Un modèle à tester selon Yann :
« Attendons de voir ce que cela va donner dans les mois et les années à venir. Luminari annonce par exemple aux États-Unis 80 000 abonnements, un chiffre faible pour le pays. Je ne sais pas vraiment comment va évoluer ce modèle. Je ne sais pas si les gens sont prêts à payer pour un format qui est pour le moment encore gratuit quasiment partout ».

Les tendances de demain selon le directeur France d’Acast

En ce qui concerne les marques, on sent bien qu’il y a un intérêt croissant pour le format. Les marketeurs cherchent à s’emparer de ce contenu et peuvent par ailleurs se former. Les auditeurs ne sont pas du tout réfractaires à ce que certaines puissent prendre la parole pour faire du storytelling, au contraire. Le podcast est un contenu qui se prête très bien aux belles histoires. La marque doit en revanche s’effacer au profit du contenu et ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple à faire. L’erreur serait de faire du marketing pur :
« Si le podcast natif est longtemps resté un contenu plaisir dans la stratégie des marques, sur lequel on ne cherchait pas forcément de rentabilité, on sent que les choses évoluent. C’est de moins en moins le cas, surtout en période post-covid. Les marques vont continuer des campagnes de contenus, mais ce qui est intéressant c’est à mon avis que les marques puissent participer à la démocratisation de ce format si intéressant. J’ai le sentiment qu’il y a quelques tendances qui se dessinent sur le marché du podcast. Les voitures connectées vont par exemple permettre de développer ce format ».