Le Reuters Institute Digital News publie chaque année un vaste rapport sur les relations entre populations et média dans plusieurs pays (pdf). En 2020 des échantillons d’environ 2 000 personnes ont été sondés dans 40 pays. Précision importante, le sondage a été organisé entre fin janvier et début février, les effets de la pandémie ne sont donc pas pris en compte. Un second sondage a été organisé en avril sur le sujet, mais la France n’a pas été choisie pour faire partie des pays tests. Plusieurs tendances sont à noter.

Un manque patent de confiance dans les médias

Année après année le Baromètre des médias de La Croix note une baisse de confiance des Français pour les médias. Le sondage de YouGov pour le Reuters Institute confirme une tendance, avec des chiffres encore plus alarmistes : sur 40 pays la France arrive à une pathétique 39e place, avec 24% de confiance en les médias, moins 11%.

À titre de comparaison, la moyenne dans les pays sondés est d’une personne sur deux faisant confiance aux médias. Devant l’hexagone se retrouvent des pays où la liberté de la presse est parfois mise à mal : la Turquie (55%), où la situation des journalistes est considérée « difficile » par Reporters sans frontières, la Pologne (45%), où la situation est considérée comme « problématique », comme le Chili (33%) qui a connu de violents mouvements de protestations. Il est justement probable que la couverture médiatique des Gilets jaunes, très critiquée, ait profondément affecté la confiance des Français en sa presse.

graphique sur la confiance dans les médias dans 40 pays

Crédit : Reuters Institute Digital News Report 2020

Ce qu’il reste de confiance se répartit selon la relation entretenue entre le consommateur d’information et son média. L’habitude entretient le crédit donné à une information : 34% des personnes interrogées se fient aux médias qu’ils ont l’habitude de consulter. Les réseaux sociaux suscitent une réelle méfiance avec seuls 13% de confiance envers les informations qu’il est possible d’y trouver. Cette méfiance envers les réseaux sociaux est plutôt bienvenue, ils restent le vecteur privilégié d’infox malgré la prise de conscience de ces plateformes et leurs efforts avec les gouvernements pour combattre le phénomène.

Particularité des sondés de l’hexagone, sans doute une manifestation de ce fameux trait de gaulois réfractaire, ils ont l’habitude, à 22%, de regarder des contenus allant à l’encontre de leur point de vue. C’est plus que tout autre pays participants. Aux États-Unis, Brésil, Espagne, plus de 30% des sondés préfèrent partager le point de vue de leurs programmes. La majorité des sondés répondent partout, à 58% en France, aspirer à une information plutôt neutre.

Graphique sur les médias opposés, neutre ou favorable à ses opinions

Crédit : Reuters Institute Digital News Report 2020

Une évolution dans l’utilisation des supports

Les Français numérisent de façon ostensible leurs pratiques de consommation des médias. Pour la première fois depuis 2013, date où le sondage a débuté, le sacro-saint petit écran a été détrôné par internet comme voie privilégiée à l’information (64% contre 66%).

Les terminaux privilégiés pour regarder l’actualité sur internet connaissent une évolution notable, cohérente avec l’évolution des technologies. L’ordinateur, utilisé par 50% des français en 2013 est en décroissance constante depuis 2018, à 41% en 2020. Le smartphone lui connaît une ascension continuelle. Support utilisé par 24% des Français en 2013, il est devenu le périphérique de l’actualité par excellence avec 59% de sondés qui l’utilisent pour s’informer en 2020.

Graphique sur l'utilisation à travers le temps pour consulter les médias

Crédit : Reuters Institute Digital News Report 2020

Les enceintes connectées confirment leur faible succès commercial en France. Seules 4% des personnes interrogées affirment s’en servir pour se tenir au courant. En Grande-Bretagne le chiffre atteint 19%, autour de 12% aux États-Unis, en Allemagne, Corée du Sud, Canada.

Facebook, premier réseau social utilisé pour s’informer

Du côté des réseaux sociaux, Facebook reste le plus consulté pour l’actualité avec 43% des sondés qui affirment s’en servir dans ce but. Logique, la plateforme de Mark Zuckerberg est aussi la plus consultée tout court, avec 63% d’utilisation. YouTube arrive loin derrière avec 23% qui l’utilisent pour se tenir au courant. À noter que Twitter est le réseau sollicité le plus directement pour l’information : 9% déclarent s’y rendre pour les nouvelles sur 16% pour tout et rien. Une particularité enfin, WhatsApp. L’application de messagerie est plébiscitée dans le monde pour suivre l’actualité, notamment au Brésil. Ce n’est pas le cas en France où seuls 9% des sondés l’utilisent dans cette optique alors qu’elle compte 28% d’utilisateurs.

Pourcentage d'utilisation des réseaux sociaux pour consulter les médias en France

Crédit : Reuters Institute Digital News Report 2020 – France

Payer pour un média en ligne, oui, mais pour une minorité

Pour finir, une donnée qui n’est pas forcément réjouissante pour les médias. En France, seules 10% des personnes sondées déclarent avoir un abonnement payant en ligne. Le succès de Médiapart pourrait agir en trompe-l’œil, internet semble conserver cette image de terre de gratuité. Autre difficulté, ceux qui sont prêts à mettre la main à la poche sont rarement prêts à le faire pour plus d’un média. Selon le rapport de Reuters, dans le monde le nombre d’abonnements semble se stabiliser : 26% des sondés des pays nordiques paient, ils sont 20% aux États-Unis, 14% aux Pays-Bas et en Australie.

Carte du monde du paiement pour de l'information en ligne

Crédit : Reuters Institute Digital News Report 2020

Le tableau dressé par le Reuters Institute peut laisser un goût un peu amer aux médias français. Redonner confiance aux citoyens apparaît comme une priorité pour le monde médiatique. D’autant que la technologie permet désormais à chacun à posséder dans sa poche un panel diversifié de traitement de l’actualité.