C’était l’une des initiatives saluées de ce confinement, l’ouverture par Internet Archive d’une « Bibliothèque d’urgence », numérique, pour compenser la fermeture progressive des bibliothèques physiques aux États-Unis, fin mars. Le projet devait initialement s’achever le 30 juin, ce sera le 16, sous la pression de quatre éditeurs.

Internet Archive risque gros

Les portes virtuelles de la National Emergency Library, inaugurées le 24 mars dernier, vont devoir fermer avec quinze jours d’avance. Cette précipitation a été provoquée par une plainte déposée le 1er juin par quatre éditeurs, Hachette, Penguin Random House, Wiley et Harper Collins, pour violation du droit d’auteur.

Brewster Kahle, le fondateur d’Internet Archive, a dévoilé la nouvelle dans un billet de blog publié le 10 juin. Il espère qu’avec cette décision « les éditeurs mettent fin à leur coûteuse agression ». Le risque pour Internet Archive est de se voir sanctionner d’une amende de 150 000 dollars par infraction… La bibliothèque référence près de 1,4 million d’ouvrages, la somme pourrait rapidement devenir astronomique.

Le 16 juin Internet Archive va remplacer l’éphémère bibliothèque d’urgence par le système de prêt numérique qui la précédait. Depuis 2011 Internet Archive propose de prêter des livres numériques pour quinze jours, jusqu’à dix livres par personne. Le livre doit être possédé physiquement par la bibliothèque et un seul exemplaire est prêté à la fois. Il s’agit du « prêt numérique contrôlé » ou Controlled digital lending (CDL).

Problème, cela ne pourrait pas suffire explique Brewster Kahle, « La plainte attaque le concept de toute bibliothèque possédant et prêtant des livres numériques, remettant en cause l’idée même de ce qu’est une bibliothèque dans le monde numérique ».

Le prêt numérique contrôlé dans le viseur ?

Le prêt d’ouvrage numérique est un débat qui fait rage aux États-Unis. Le principe du CDL n’a jamais été attaqué en justice avant la création de la bibliothèque d’urgence. Cependant, pour les éditeurs, il s’agit simplement d’une règle créée par Internet Archive lui-même. Soutenu par le Conseil des directeurs des bibliothèques d’État des États-Unis et par des dizaines de bibliothèques d’universités, il est aussi critiqué. Les éditeurs sont en première ligne, mais fin mars la Guilde des auteurs avait qualifié la bibliothèque d’urgence de « piratage pur et simple ». Le président de la Commission sur la propriété intellectuelle, le sénateur républicain Thom Tillis s’était également montré réservé sur l’initiative.

Mettre fin à la bibliothèque numérique d’urgence de façon anticipée pourrait calmer les éditeurs. Dans le cas contraire, le tribunal de New York devra statuer sur le principe même de bibliothèque numérique déjà bien ancré et défendu aux États-Unis.