Depuis le début de cette crise sanitaire et économique, le constat est assez clair. Nos petites entreprises françaises ont des faiblesses. S’il est difficile de se projeter sur le jour d’après, il est d’ores et déjà possible de penser aux nombreux défis qu’il faut relever dès maintenant pour s’en sortir. Le numérique a un rôle fondamental à jouer pour soutenir notre économie.

Depuis plusieurs semaines, la crise causée par le Covid-19 frappe le monde de plein fouet. Il apparaît clairement que ce sont les petites entreprises qui vont être les plus bouleversées par cette période qui ébranle l’économie mondiale. Les grands groupes et les startups ont tout de suite montré leur capacité à faire « pivoter leur organisation dans le télétravail » avec près de 40% des français qui ont adopté cette forme de travail selon une enquête réalisée par l’ANDRH. Grands groupes et startups ont fait l’objet de toutes les attentions avec des mesures très fortes qui ont été mises en place par l’Etat dès les premiers jours du confinement. Ces entreprises se sont montrées plus agiles en profitant pleinement de l’activité partielle pour leurs salariés. Qu’en est-il de nos petites entreprises ?

La France compte près de trois millions de TPE, cela représente la très grande majorité des entreprises de notre pays. Cependant, au début de cette crise, le chef d’entreprise, souvent seul, n’avait plus d’autres choix que de voir son activité se réduire drastiquement et pire de s’arrêter totalement. Il faudra plusieurs jours et que plusieurs voix se lèvent pour que la réalité spécifique aux petites entreprises soit enfin entendue et prise en compte dans les mesures d’accompagnement du gouvernement. Aujourd’hui, l’Etat joue un véritable rôle d’amortisseur en réduisant l’impact économique pour les entreprises.

Les TPE représentent 9% du PIB français principalement dans les secteurs de la construction, de la restauration et de l’hébergement . Elles sont l’épine dorsale de notre tissu économique tant dans leur contribution à l’économie nationale et locale que dans les emplois qu’elles génèrent et surtout dans leur formidable capacité à générer du lien. Si des mesures fortes ont été prises pour répondre à leurs préoccupations de trésorerie et à leur survie à court terme, il est frappant que personne ne s’interroge sur les différents moyens qui peuvent être mis en place pour soutenir l’activité réelle sur le long terme.

Au Royaume-Uni, pratiquement tous les “small business” sont en activité aujourd’hui grâce à l’adoption massive du numérique. Les TPE en France ont un retard significatif face à la transformation numérique, notamment dû à une méfiance et une méconnaissance de ses atouts pour se développer. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Le purgatoire numérique des petites entreprises

La pause dans les affaires que constitue le confinement apparaîtra comme le purgatoire numérique des TPE. Leur retard technologique se manifeste dorénavant de manière nette et claire. Malheureusement, pour grand nombre d’entre elles, les TPE ne survivront pas à ce triste épisode.

Pourtant, en 2014, dans un Rapport du Ministère de l’Economie, on s’accordait à dire combien le numérique est une chance et une véritable opportunité que les TPE/PME devaient saisir. Ce constat a été sans cesse renforcé par une multitude d’études comme celle menée par le Cabinet Roland Berger qui révélait encore en 2014 « qu’un usage plus poussé du numérique pourrait doubler le taux de croissance des entreprises françaises, quelle que soit leur taille ».

La France est encore à la traîne. En 2019, elle figurait à la 15ème place sur 28 du classement de la Commission Européenne sur l’économie et la société numériques. Ce retard se situe principalement dans les TPE dont moins de 5% de l’activité est issue du digital. Beaucoup de dirigeants pensent que la digitalisation de leur entreprise se résume à de la présence en ligne. Cependant, cela ne suffit pas pour vendre.

Selon une étude menée notamment par la CPME, « la grande majorité des TPE ont conscience de la nécessité de la transformation numérique dans leur activité mais avant tout pour des impacts attendus en termes d’image et d’organisation bien avant la croissance de l’activité proprement dite. Une proportion importante de TPE sont encore réfractaires à la numérisation et ne la perçoivent pas majoritairement comme une opportunité. » Aujourd’hui, nos TPE paient le prix fort en cette période où les consommateurs sont confinés chez eux. Paradoxe : ce sont les consommateurs français qui comptent parmi les plus mûrs en termes d’achat en ligne. 88% des français achètent sur Internet, mais seulement 1 entreprise sur 7 vend en ligne ( Médiamétrie 2018).

L’impact de l’épisode du coronavirus sur les petites entreprises sera fâcheux mais il y a là une opportunité unique à saisir en créant le combo gagnant : numérique et TPE.

Le numérique, une opportunité pour libérer le potentiel de croissance des TPE

Les atouts des TPE pour le pays (emplois, liens sociaux…) sont aujourd’hui globalement par terre. L’épisode Covid-19 met à nu le retard chronique pris par les petites entreprises françaises en matière de stratégie numérique. Il y a urgence à mettre en place un plan massif de digitalisation de nos TPE.

Saluons les diverses initiatives privées comme publiques qui ont été lancées ces dernières semaines pour sauver ce qui peut encore l’être des petites entreprises. Par exemple, la plateforme sauvetoncommerce.fr soutenue par la BPI propose la vente de bons d’achat solidaires à valoir à la réouverture des magasins ou encore la plateforme soutien-commercants-artisans.fr qui bénéficie du soutien de Leboncoin. Prestashop a lancé de son côté friendsofpresta.org pour permettre aux TPE non équipées d’accéder à une e-boutique gratuite réalisée par des professionnels tout comme Shopify ou encore Ionos qui propose la création d’un site Internet e-commerce à 1€ la première année dans le cadre des Foliweb. Sans oublier les efforts du gouvernement de faciliter le Click and collect.

À compter du 11 mai, nous entrerons dans une nouvelle ère. La place du numérique dans tous les aspects de la vie est devenue essentielle. Cela doit l’être aussi pour nos TPE grâce à la mobilisation de tous, acteurs publics comme privés. Nous appelons donc à un grand plan d’urgence de transformation numérique de nos TPE s’articulant autour de trois grands axes :

1. Promotion et accompagnement

Nous avons été un certain nombre à contribuer aux groupes de travail ayant mené à la création de France Num, une initiative gouvernementale pour la transformation numérique des TPE et PME pilotée par la Direction Générale des Entreprises. La France dispose là d’un formidable outil et des équipes dédiées extrêmement compétentes. Nous appelons à renforcer significativement ses moyens, et, en coopération avec les Régions et les Chambres de commerce par exemple, lancer un grand plan d’évangélisation et de vulgarisation du numérique en direction des petites entreprises à travers l’ensemble du territoire français.

2. Formation

Dans Transformation numérique, il y a « formation ». Au-delà du manque de temps et de moyens des dirigeants de TPE, c’est aussi la méconnaissance du numérique qui constitue le principal frein pour lancer leur projet. Il est urgent de bâtir des initiatives ambitieuses de développement des compétences numériques des dirigeants de petites entreprises. Une compréhension renforcée des usages, des outils et des atouts du numérique seront autant de facteurs d’implication des dirigeants dans leur transformation et leur capacité d’innovation.

Au-delà de la formation, un effort de vulgarisation et d’accessibilité doit être réalisé pour permettre à tous de comprendre les enjeux du numérique et les clés d’une présence en ligne efficace et maîtrisée. A titre d’exemple, les ateliers lesfoliweb.fr organisés par la start-up Neocamino sont une solution gratuite pour toutes les TPE/PME pour apprendre comment utiliser Référencement, vente en ligne, réseaux sociaux, noms de domaine… pour se lancer en ligne.

Le développement de l’activité par le web doit être un réflexe pour les TPE, pas une contrainte ou un accessoire.

3. Équipement

Nous appelons à la mobilisation de tous les acteurs privés du digital à mettre à disposition des TPE dès aujourd’hui et de manière préférentielle leurs meilleures solutions pour les aider à être en ligne efficacement. À titre d’exemple, nous savons que dans le contexte actuel et celui d’après, les canaux de vente en ligne vont jouer un rôle de plus en plus prépondérant. Aidons donc les TPE à développer leur business sur le web en maîtrisant leur présence en ligne complète : un site Internet pour vendre et convaincre, marketplaces pour aller chercher de nouveaux clients et réseaux sociaux pour se faire connaître.

Autre exemple : nombre de petites entreprises subissent de plein fouet les retards de paiement de leurs clients et encore plus aujourd’hui. Profitons de la situation actuelle pour généraliser le recours à la facture électronique et surtout accélérer leur équipement en solutions numériques de gestion.

Le changement est en route. Afin que la crise se révèle être un tremplin pour nos petites entreprises, il est essentiel que les dirigeants fassent preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’agilité pour dessiner les petites entreprises de demain et ainsi garantir une continuité de leur activité. Mobilisons-nous pour les y aider.