Si l’intelligence artificielle est capable de battre les meilleurs joueurs du monde au jeu de Go ou à Starcraft, pourquoi ne serait-elle pas en mesure de mieux gérer les économies de nos sociétés ? C’est le point de départ de la réflexion d’une équipe de chercheurs de Salesforce. Ils estiment avoir développé un modèle d’intelligence artificielle capable de définir la « bonne » politique fiscale, pour créer un monde plus juste.

Simuler l’économie pour définir une politique fiscale plus juste

Aujourd’hui les gouvernements collectent l’argent des contribuables en fonction de leurs revenus et le redistribuent dans le financement de projets publics ou par le biais d’aides sociales. Sur le papier le modèle semble bon, seulement nous observons depuis plusieurs années des dérives et le creusement des inégalités.

Il est très difficile de trouver le juste équilibre. C’est probablement l’équation la plus difficile pour nos représentants politiques. De nombreux chercheurs se sont déjà longuement penchés sur cette question pour tenter de trouver un modèle plus juste, mais jamais l’intelligence artificielle n’avait été utilisée pour y parvenir. Pourtant plusieurs chercheurs, dont Laurent Alexandre, pointent depuis plusieurs années l’impact que l’IA peut avoir sur nos économies.

Une équipe de scientifiques de Salesforce pense que l’intelligence artificielle pourrait permettre de définir un modèle plus juste. Les scientifiques ont mis au point un modèle baptisé AI Economist. Le même genre de système que ceux développés par DeepMind, AlphaGo et AlpahZero.

Ce nouveau modèle a été créé pour identifier les politiques fiscales optimales à travers une économie simulée. Les chercheurs reconnaissent que pour le moment leur IA n’est pas capable de prendre en compte toutes les complexités du monde réel et des comportements humains. En revanche c’est une première étape très prometteuse.

L’idée même de confier nos politiques fiscales à une intelligence artificielle doit faire son chemin avant de pouvoir être lancée. Selon Alex Trott, membre de l’équipe de chercheurs : « il serait totalement novateur de rendre la politique fiscale moins politique et plus axée sur les données ».

De premiers résultats mettent en évidence un modèle qui, en termes de maximisation de la productivité et de l’égalité des revenus, serait 16% plus juste que les modèles actuels. Blake LeBaron, chercheur à l’université Brandeis dans le Massachusetts, déjà familier des réseaux de neurones dans la modélisation des marchés financiers, pense que : « c’est une idée tout à fait intéressante ».

Des travailleurs et des responsables politiques alimentés par l’IA

La simulation du modèle fait interagir des travailleurs avec un monde bidimensionnel. Leur métier ? Ramasseur de bois et de pierre. Ils échangent leurs ressources avec d’autres travailleurs. Les travailleurs de la simulation ont différents niveaux de compétences, comme dans le monde réel. Les plus qualifiés créent de la ressource et s’en servent pour acheter du bois et de la pierre pour construire leur maison.

À la fin de chaque année simulée, tous les travailleurs sont imposés à un taux conçu par un responsable politique contrôlé par l’IA. Son objectif principal est de permettre à chacun des travailleurs d’augmenter sa productivité et ses revenus. Cette même simulation est répétée des millions de fois afin de trouver le modèle idéal.

Les scientifiques sont convaincus que la double dose d’intelligence artificielle est la clé. Les réseaux neuronaux contrôlent les gens d’IA présents dans la simulation, mais les décideurs politiques sont également alimentés par une autre IA. Au fil des simulations, chacun des deux modèles s’adapte.

Certains travailleurs ont par exemple appris à réduire leur impôt en réduisant leur productivité pour pouvoir bénéficier d’une tranche d’imposition inférieure. Des concessions entre les travailleurs et les décideurs politiques qui conduisent à une simulation plus réaliste que jamais.