L’utilisation de l’application StopCovid pour aider la lutte contre la pandémie de coronavirus fait débat en France. En cause, ses implications en termes de liberté publique et de respect de la vie privée. L’efficacité de l’une de ces applications, dont pourrait s’inspirer StopCovid, Trace Together, utilisée à Singapour, a déjà montré ses limites.

Une cinquantaine de gouvernements intéressés

Le principe des applications de tracking est simple : un smartphone avec l’app installée, le bluetooth activé est nécessaire. Lorsque deux personnes se croisent, leurs téléphones se communiquent des identifiants. Si l’un des utilisateurs déclare sur l’application être atteint du Covid-19, les personnes croisées et dotées de l’application les 14 derniers jours seront automatiquement prévenues.

À Singapour, Cité-État de 5,7 millions d’habitants l’application Trace Together a été lancée le 20 mars dernier alors qu’il y avait 385 cas recensé. Dès le 1er avril, l’application comptait 1 million de téléchargements. Une cinquantaine de gouvernements s’étaient montrés intéressés et Singapour avait mis l’application en open source.

Un beau succès, mais largement insuffisant.

Pourtant, depuis le 1er avril les téléchargements plafonnent à 1,08 million et 10 100 personnes sont touchées par le Covid-19 selon les dernier comptages. Pour être efficace, il aurait fallu que les trois quarts de la population l’aient sur leur smartphone selon les autorités. Une difficulté, l’incitation au téléchargement, forcément décuplée pour l’hexagone et ses 67 millions d’habitants, la Quadrature du net l’avait déjà relevée.

Les incitations à télécharger l’application du gouvernement et des législateurs à l’origine du succès des premières semaines ne suffisent plus. Inquiétant puisque selon Natalie Pang, professeur de communication à l’Université nationale de Singapour, le gouvernement de la Cité-État bénéficie d’une confiance élevée au sein de la population.

Une confiance insuffisante des citoyens pour télécharger StopCovid ?

Est-ce qu’il en sera de même au pays des « gaulois réfractaires » ? Le gouvernement a déjà décidé d’une mesure de sûreté, dressée comme un minimum par la CNIL : rendre StopCovid facultative. Le nombre de citoyens faisant suffisamment confiance au gouvernement pour s’en emparer pose question.

Selon un sondage publié par Le Monde le 21 avril 35% des Français n’ont pas du tout confiance dans le gouvernement et 29% plutôt pas confiance. L’utilisation des données des téléphones portables (qui ne désigne pas forcément l’application StopCovid) est celle qui suscite le plus de défiance avec 41% des répondants défavorables contre 37% favorable.

StopCovid, un sujet éminemment politique

Au sondage s’ajoute déjà une polémique politique. L’opposition et certain(e)s élu(e)s de la majorité sont très réticents à l’utilisation d’une application de type Trace Together. Ces derniers font craindre un état de surveillance généralisée. L’exécutif a dû accepter que la mesure fasse l’objet d’un vote à l’Assemblée nationale le 28 avril devant les protestations des élus.

Cet ensemble de facteurs interroge sur la pertinence d’une application de tracking. Les députés décideront de son autorisation, mais ensuite ce seront surtout au français de s’emparer très massivement de StopCovid. S’ils ne le font pas, il y’aura matière à s’interroger sur l’utilité de l’application.